Déclaration commune à l’occasion de la table-ronde sur le financement du 22 décembre 2009

Organisations signataires de cette déclaration : Adessa – A Domicile – ADMR – AD-PA – APF – CNPSAA – CNRPA – Croix-Rouge française – Familles rurales – FNAAPF-CSF – FNADEPA – FNAQPA – UNA – UNCCAS – Uniopss – USB-Domicile

1- Les organisations signataires attirent l’attention des pouvoirs publics sur l’extrême gravité de la situation économique et financière de nombreuses structures d’aide et de soins à domicile intervenant auprès des personnes ou des familles en situation de fragilité ou de perte d’autonomie

Cela se traduit par :

�� des résultats d’exploitation déficitaires plusieurs années de suite, diminuant d’autant les fonds propres des structures,

�� une grande fragilité des trésoreries amenant des cessations techniques de paiement et dans certains cas à des procédures de liquidation judiciaire (ADAR de Lille, ASSAD 77, ARAST La Réunion, CODAPA Eure-et-Loir,…).

En cette fin d’année 2009, ces situations dramatiques concernent, a minima, 10.000 salariés et 60.000 personnes aidées, pour une centaine de structures.

Pour l’année 2010, les premières indications recueillies sur les budgets montrent que la situation deviendra explosive, le nombre de structures concernées pourrait être de l’ordre de 300 à 400.

2- Le système de financement de l’aide et des soins à domicile est aujourd’hui à bout de souffle, tant du point de vue du financement des prestations que du point de vue de la tarification des structures

Ces difficultés concernent l’APA (en particulier l’élaboration des plans d’aide, leur valorisation, la durée des interventions, la liberté de choix du mode d’intervention), la PCH (avec la non prise en compte des activités domestiques et de l’aide à la parentalité), la prestation « d’aide ménagère » à domicile gérée par les caisses de retraite (et leur tarif unique, présenté comme un taux de participation mais qui est aussi un plafond), l’aide à domicile auprès des familles (la modification des critères d’intervention s’est traduite involontairement par une chute du volume d’intervention, certaines CAF sous-tarifient les services, des projets ayant fait l’objet d’un accord de principe ne sont pas financés).

Concernant les SSIAD, les éléments présentés de réforme de la tarification suscitent de grandes inquiétudes.

La réglementation définit la tarification de ces prestations et le « droit de tirage » des bénéficiaires.

D’autres textes précisent la tarification des structures ou encadrent l’évolution des tarifs. Mais aucune disposition réglementaire n’organise une articulation entre ces différents éléments.

En conséquence, chaque département, chaque caf, définit son propre système d’ensemble, sans que les pouvoirs publics nationaux ne jouent le moindre rôle de régulation, générant une inéquité territoriale pour les personnes aidées. Or les Conseils généraux sont confrontés à l’explosion de leurs budgets sociaux (APA, PCH, RSA,…) et estiment ne pas recevoir de l’Etat les compensations attendues.

Cela contraint certains financeurs à des stratégies qui, en créant un effet-ciseau, s’avèrent dévastatrices.

Pour les personnes ou les familles aidées :

Diminution des durées d’intervention à domicile, visant à limiter les plans d’aide ou les plans personnalisés de compensation, mettant les structures et les intervenants dans des situations humainement difficiles.

– Dans certains cas, incitation à recourir aux prestations jugées les moins chères, y compris pour les personnes les plus dépendantes ou les plus isolées, du fait du plafonnement des plans d’aide ou bien en vue de solvabiliser un maximum d’heures de présence : alors que le choix initial des personnes se portent sur un service prestataire, elles se voient obligées de recourir à l’emploi direct.

Pour les structures et pour leurs salariés :

Remise en cause des efforts de qualification menés depuis 10 ans dans le secteur, voire demande de diminuer le nombre d’emplois qualifiés.

Remise en cause de la politique salariale, malgré le fait que les accords applicables soient agréés par le ministre chargé des affaires sociales après avis de la CNA.

Parfois même, tarification ne tenant pas compte des coûts minima de fonctionnement, voire refus de tarifer les structures autorisées.

La tarification des structures s’avère aujourd’hui totalement décorrélée des besoins des personnes et du contenu des prestations. Fonctionnant souvent sur un tarif moyen ne reflétant pas la diversité et les spécificités des prises en charge, résultant d’une évaluation des besoins souvent incomplète, elle constitue une sorte de « boîte noire » qui pénalise les personnes aidées comme les services.

A cette confusion réglementaire s’ajoutent des phénomènes de distorsion de concurrence, entre les modes d’intervention , entre les différents types de contrôle (autorisation, agrément qualité, agrément simple) et entre les structures soumises à déclaration et contrôle.

Le risque est de voir certaines structures envisager d’abandonner les prises en charges les plus onéreuses (populations les plus dépendantes, isolées, moins accessibles) et donc à ne plus assumer les missions d’intérêt général et d’aménagement du territoire qu’elles assurent de fait depuis de nombreuses années.

Beaucoup de ces difficultés (et bien d’autres) ont été exposées ces dernières années :

par les professionnels lors des concertations successives qui ont eu lieu, depuis la canicule de l’été 2003,

par les institutions de contrôle (rapports de la Cour des Comptes, rapports de l’IGAS). Or la plupart de ces rapports (pour ne pas dire la totalité) n’a eu aucune suite.

Au-delà d’un problème sectoriel, c’est bien d’un problème de société qu’il s’agit, et les conséquences risquent d’être désastreuses : démantèlement des réponses de proximité, baisse de la qualité, refus de prendre en charge les personnes avec les besoins les plus importants, augmentation du reste à charge pour l’usager..

.3- C’est pourquoi les organisations signataires demandent que soit mis en place un double processus de travail

�� Un travail de remise à plat du système de l’aide et des soins à domicile permettant d’arriver à un diagnostic partagé et à des solutions durables: ces travaux devraient aboutir, au plus tard en juillet 2010, afin d’être opératoires au 1er janvier 2011. Les mesures législatives éventuellement nécessaires étant intégrées dans les PLF et PLFSS 2011.

�� Un dispositif de traitement des situations d’urgence et de soutien à l’adaptation des services aux contraintes qui leur sont imposées, afin de permettre à toutes les structures de passer le cap de l’année 2010, en particulier avec une aide à la trésorerie.

3.1 – La remise à plat et l’élaboration de solutions durables devront aborder les points suivants

L’ensemble des travaux proposés ci-après doit impérativement tenir compte de la nécessité absolue d’assurer la protection des personnes et des familles en situation de fragilité, qui ne peuvent pas être considérées comme des consommateurs comme les autres.

a- L’élaboration des plans d’aide et des plans personnalisés de compensation, les référentiels, méthodes et outils d’évaluation des besoins individuels.

b- Les typologies et les caractéristiques (durée, périodicité et contenus des interventions, amplitude horaire) des prestations nécessaires, les systèmes de contrôle d’effectivité et de qualité, ainsi que les effets induits, pour les personnes âgées, par le plafonnement de l’APA par GIR, notamment en cas d’augmentation des coûts.

c- Les compétences et qualifications nécessaires, les conditions de travail et la prévention des risques professionnels, les objectifs à atteindre, globalement et selon les publics en matière de professionnalisation, la prise en compte des négociations sociales en cours (en particulier la future convention collective unique de la branche).

d- La formation des coûts économiques et sociaux, les modes de tarification, le reste à charge et la participation des bénéficiaires, ainsi que les coûts liés à la réalisation de missions d’intérêt général (disponibilité, universalité, couverture géographique).

e- L’équilibre général du système de financement, en fonction des montées en charge prévisibles dues en particulier, aux évolutions démographiques et sanitaires, la sécurisation financière des Conseils généraux, la régulation par les pouvoirs publics.

f- Les modalités administratives et juridiques du secteur. Ces réflexions devront tenir compte notamment des dispositions européennes et des missions des SSIAD visées par le décret du 25 juin 2004.

Les organisations signataires affirment leur volonté de contribuer activement à ces travaux et réaffirment leur demande qu’ils soient menés dans des délais courts indiqués ci-dessus et en s’appuyant sur l’ensemble des rapports et études déjà existants.

3.2 – Les organisations signataires proposent la création d’un « fonds d’urgence » regroupant les pouvoirs publics, les principaux financeurs et les têtes de réseau

Concernant le dispositif de traitement de situations d’urgence, qui permettra d’éviter que des milliers de bénéficiaires ne soient plus accompagnés mais aussi que des milliers d’emplois ne soient supprimés, les organisations signataires proposent la création d’un « fonds d’urgence » regroupant les pouvoirs publics, les principaux financeurs (ADF, CNSA, CNAF, CNAV, RSI, MSA) et les têtes de réseau. Ces dernières pourraient se voir confier l’instruction des demandes, selon une méthodologie définie ensemble, ainsi que l’accompagnement des structures concernées, notamment afin de vérifier le respect des engagements pris.

A cet effet, les signataires demandent qu’une enveloppe budgétaire suffisante soit créée pour permettre la reconstitution d’une trésorerie normale pour les structures en difficulté. Ce fonds pourrait être utilement abrité par la CNSA.

Par ailleurs, les fédérations concernées, et les associations à caractère national, sont prêtes à renforcer la mise en oeuvre dans leurs réseaux respectifs de mesures d’accompagnement permettant ainsi d’anticiper les difficultés, en particulier en ce qui concerne les négociations avec les financeurs locaux. Elles proposent qu’une telle démarche puisse être prise en compte dans le cadre d’un financement national, de type DLA ou autre, sur les années 2010 et 2011.

3.3 – Pour les organisations signataires, l’ensemble de ces mesures concerne exclusivement les services d’aide, d’accompagnement et de soins à domicile tels que visés à l’article L312-1 du code de l’action sociale et des familles.