Les personnes âgées » ne devraient-elles pas faire partie de la politique de la famille en France ?

Ne faudrait-il pas arrêter de parler d’« aide aux aidants naturels », car il n’est pas naturel de laver son père ou sa mère (et tout le monde ne saurait le faire…) ?

De plus, il y a un côté moralisateur et culpabilisant de clamer que cette aide est « naturelle » (pour inciter les familles à faire encore plus et déresponsabiliser l’Etat…).


En outre, cette aide n’est pas informelle (comme l’on dit en Belgique) ou invisible (comme l’on dit au Québec), car remplacer l’aide de la famille équivaudrait à créer 500.000 Equivalents Temps Pleins d’emplois (cf. Paulette Guinchard, dans « Mieux vivre la vieillesse100 réponses aux questions des personnes âgées et de leur entourage » :
http://www.agevillage.com/article-5889-1-mieux-vivre-la-vieillesse-cent-reponses-de-paulette-guinchard-et-marie-therese-renaud.html).


En effet, l’on estime que 80% du volume des aides auprès des personnes en perte d’autonomie sont apportés par les proches et que 50% des personnes en perte d’autonomie ne sont aidées que par leurs proches.


Du coup, ne faudrait-il pas passer de l’aide aux aidants à l’aide à la parentalité, en s’inspirant de l’aide à la parentalité autour des familles avec enfants un peu remuants pour optimiser l’aide à l’« enfantalité » auprès des enfants avec parents en perte d’autonomie ?


En effet, si l’on parle aujourd’hui d’aide à la parentalité pour les parents qui ont des problèmes avec des enfants un peu difficiles à vivre, n’est-ce pas la même chose pour des enfants qui ont des problèmes avec des parents un peu… difficiles à vivre (parce qu’ils confondent le jour et la nuit, qu’ils risquent de laisser le gaz ouvert, etc.)… ? Comment rester enfant de ses parents quand ceux-ci ont besoin d’une aide dans les gestes de la vie de tous les jours et nous… reconnaissent même pas ? Comment ne pas devenir parent de son parent (car alors les risques de déviance, voire de maltraitance, sont vite là, à force de penser ce qui est bien pour son parent, contre son gré)… ?


A noter, en tout cas, la nécessité d’aider ces proche car le taux de morbidité chez les sujets aidant un patient est majoré de 63% par rapport à un sujet non aidant (
http://www.accueil-temporaire.com/upload/File/EnqueteGeneraction.pdf).


Ne faudrait-il donc pas utiliser les mêmes pratiques que l’aide à la parentalité auprès d’enfants, comme l’utilisation de travailleuses familiales (au lieu d’aides ménagères améliorées en auxiliaires de vie sociale), de médiateurs familiaux, voire de thérapeutes familiaux ? Ou encore de conseillers conjugaux pour les vieux, où celui qui tenait le pantalon tombe malade et l’autre se venge de façon parfois très violente de décennies d’asservissement… ? Ou encore instaurer un vrai congé d’accompagnement de son parent en perte d’autonomie, avec indemnités du même type que le congé parental quand l’on vient d’avoir un enfant (le congé de soutien familial mis en place à grands cris suite à la conférence interministérielle de la famille de 2006 a concerné, selon la CNAF,… 7 personnes en 2008 et 8 personnes en 2009, mais ce congé n’est pas indemnisé…) ?


Le problème est que « les personnes âgées » ne font pas partie de la politique de la famille en France, à la différence, par exemple, de la Belgique…


Le Conseil National de la Résistance a construit un système de protection sociale en France, entre Europe du Nord (Etat-providence) et Europe du Sud (famille-providence), sur la base d’un compromis entre une vision universaliste de la Sécurité sociale protégeant les individus contre tous les risques sociaux, indépendamment de leur famille, ET le choix d’un régime d’assurances obligatoires.


Mais les 4 risques (santé, accident du travail, vieillesse, famille) couverts par la Sécurité sociale, définis en 1945, ne répondent pas aux problèmes des personnes inactives du fait de handicaps (quel que soit leur âge), laissant ces problèmes à la seule charge des familles (assistance publique sous forme d’aide sociale pour garantir un « minimum vital »).

En 2012, la France n’aurait-elle pas à inventer une 3ème voie, par choix de société et non plus par défaut (entre Europe du Nord et Europe du Sud), entre l’Etat-providence et la famille-providence, entre la responsabilité individuelle et la responsabilité collective… ? En affirmant que l’accompagnement de la personne en perte d’autonomie est d’abord de la responsabilité de sa famille, mais qu’il est de la responsabilité de la collectivité nationale (par subsidiarité) de soutenir cette famille dans cette mission et de suppléer la famille en cas de carence, voire d’absence de celle-ci… Ce qui entraînerait une revisite complète des politiques publiques gérontologiques, tant au niveau national (entre autres sur l’organisation financière de ce soutien et de cette suppléance, en agrandissant, par exemple, le risque et la branche « famille ») qu’au niveau local…

Sinon, si rien ne change, si un nouveau contrat entre les générations n’est pas imaginé, cela laissera la place au marché pour les… riches et l’aide sociale réduite aux acquêts pour les… pauvres…, avec l’aide de mouvements cultuels…

Jean-Michel CAUDRON