Auteur : Laurent Giroux

Date : 7 Septembre 2012

 

Comme dit dans l’un de mes derniers billets je vais vous parler, en tant qu’ancien co-gérant, d’un statut juridique qui existe depuis longtemps mais peu utilisé par les services à domicile : la Société Coopérative d’Intérêt Collectif (SCIC)

Il faut savoir effectivement qu’il n’existe que peu de SCIC. 173 SCIC sont enregistrées, toute activité confondue (source : 31 mai 2010). Il y a, ainsi, 35 coopératives (Scop, SCIC ou Coop 47) « SAP » en France, dont une quinzaine de SCIC « services aux personnes en difficulté ». Parmi ces derniers, nous comptons 10 SCIC « services à domicile ».

Principes

Cette entreprise d’utilité sociale au service d’un territoire est une conception reproductible qui marque un pas vers l’humanisation des services à la personne et montre à tous qu’il y a autre chose en dehors des associations et des sociétés dites commerciales. Mais attention, il ne faut pas nier le fait que la SCIC est une société de forme commerciale.

Alors que l’intérêt des personnes ne cesse de croître en faveur des entreprises qui prennent en considération l’être humain, la coopérative représente un modèle d’entreprise porteur d’avenir. Les valeurs et principes coopératifs répondent à ceux qui cherchent à concilier l’impératif de rentabilité avec les règles de démocratie et de partage équilibré du profit tout en s’inscrivant dans l’économie concurrentielle. Les trois règles fondamentales de la coopérative (« une personne, une voix », des réserves impartageables et la répartition équilibrée des bénéfices) constituent les atouts qui assurent aux coopératives des performances économiques et sociales exemplaires.

Les valeurs et règles coopératives induisent des solutions innovantes qui permettent aux coopératives de conjuguer la pérennité de l’entreprise avec l’accélération des mutations de technologie, d’organisation et de concurrence. Ces solutions modernes permettent également de concilier le respect de la personne, son équilibre de vie et le bien-être au travail avec les impératifs d’évolution des métiers, de diversification des activités et de croissance sur le marché.

En structurant la filière des services à la personne, l’un des objectifs du Plan Borloo est de « développer la formation aux métiers, la reconnaissance de ces métiers, la professionnalisation du secteur et l’amélioration des conditions d’exercice des salariés ». Cet objectif du gouvernement est corrélé avec les attentes des utilisateurs en demande de compétences et de qualité, et des employés des services à la personne eux-mêmes, nombreux à vouloir évoluer vers un vrai métier.

Dans ce contexte, la coopérative apporte une contribution originale : permettre aux personnes d’exercer leur métier et développer leurs compétences dans le cadre d’une entreprise collectivement partagée.

La SCIC met en place des services qui répondent aux besoins collectifs d’un territoire par la meilleure mobilisation possible de ses ressources économiques et sociales.

Elle respecte pour cela les règles coopératives :

– la répartition du pouvoir sur la base du principe « 1 personne = 1 voix » ;

– l’implication de tous les associés à la vie de l’entreprise et aux décisions de gestion ;

– le maintien des résultats dans l’entreprise sous forme de réserves impartageables qui en garantissent l’autonomie et la pérennité tout en fonctionnant comme toute entreprise soumise aux impératifs de bonne gestion et d’innovation.

La coopérative s’inscrit dans une logique de développement local et durable ancrée dans un territoire, et favorise l’action de proximité et le maillage des acteurs d’un même bassin d’emploi. Elle présente un intérêt collectif et un caractère d’utilité sociale garanti par sa vocation intrinsèque d’organiser, entre acteurs de tous horizons, une pratique de dialogue, de débat démocratique, de formation à la citoyenneté, de prise de décision collective.

Définition d’une coopérative

Une coopérative est un ensemble autonome de personnes volontairement réunies pour satisfaire leurs aspirations et besoins économiques sociaux et culturels communs au moyen d’une entreprise dont la propriété est collective et où le pouvoir est exercé démocratiquement. Ces personnes sont appelées « associés ».

Le statut juridique de la SCIC

Les sociétés coopératives d’intérêt collectif sont des sociétés anonymes (SA) ou des sociétés à responsabilité limitée (SARL) à capital variable régies pour ce qui ne relève pas de la loi du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération, par le Code du commerce. Avant 2012, pour être reconnu coopérative et donc reconnu d’utilité sociale, cette structure devait être agréée par les services par la Préfecture. Désormais, suite à la promulgation de la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012, la principale modification concernant les SCIC porte sur la suppression de l’article 19 terdecies de la loi 47-1775 du 10 septembre 1947, c’est-à-dire la suppression de l’agrément préfectoral.

Cette suppression simplifie la création et la transformation en SCIC. Elle permet notamment aux collectivités publiques de participer dès la création au capital de la SCIC.

La suppression de l’agrément n’a aucune incidence sur l’obligation pour la SCIC de faire procéder à une révision coopérative tous les cinq ans.

En quoi consiste la révision coopérative ?

Il faut savoir que la SCIC doit, obligatoirement, tous les 5 ans, faire examiner sa situation en tant que société coopérative par un « réviseur ».

Ce «bilan de santé » de l’entreprise porte sur la situation financière, le fonctionnement coopératif, l’organisation, la stratégie et la conformité juridique. Ce rapport est ensuite présenté aux associés lors de l’assemblée générale.

Les réviseurs sont indépendants et doivent être choisis sur une liste. Cela peut être un expert comptable agréé ou un représentant de l’union nationale des SCOP

Évidemment cela a un coût : pour une SCIC ou SCOP d’une quinzaine de salariés il faut compter environ 1300 euros HT pour 1.5 jours d’audit.

Le rapport de l’audit est ensuite remis aux sociétaires et la synthèse doit être envoyée à la Préfecture. Cette dernière au vu des résultats peut décider de transférer le dossier à la DIRECCTE.

Le capital de la SCIC

Une SCIC SARL doit être dotée d’un capital social minimum de 1 euro et doit être composée d’au moins 3 associés lors de son immatriculation. Il est à noter que, malheureusement, du fait de ce faible capital social minimum, de nombreux porteurs de projet ne réalisent pas qu’il leur faut de 3 à 6 mois d’équivalent chiffre d’affaires en capital pour éviter de disparaître dans les 3 premières années d’exercice. En outre, une SCIC SARL ne peut pas excéder 100 associés.

Le capital social minimum est de 18 500 euros dans le cas d’une SCIC SA et le nombre minimum d’associés s’élève à 7. Pour information, la fiscalité de la SCIC est une fiscalité de droit commun, sauf concernant l’exonération d’IS sur la partie des excédents affectée aux réserves impartageables.

Enfin, l’indemnisation du capital mobilisé pour la coopérative est limitée au taux moyen de rendement des obligations. Sur ce dernier point, il faut être prudent. Sans dénigrer la non-lucrativité de la SCIC, certaines SCIC mettent en avant qu’il peut y avoir par une rémunération des parts sociales au plus égales au TMRO (taux moyen de rendement des obligations), ce qui peut être nettement plus avantageux que le Livret A !

L’objet de la SCIC

Les SCIC ont pour objet la production ou la fourniture de biens et de services d’intérêt collectif, qui présentent un caractère d’utilité sociale.

Un multi-sociétariat

Plusieurs partenaires peuvent être associés :

  • les salariés de la coopérative ;

  • les personnes qui bénéficient habituellement à titre gratuit ou onéreux des activités de la coopérative ;

  • toute personne physique souhaitant participer bénévolement à son activité ;

  • des collectivités publiques et leurs groupements ;

  • toute personne physique ou morale qui contribue par tout autre moyen à l’activité de la coopérative.

Bien évidemment, chaque associé peut librement se retirer du capital de la SCIC. Toutefois, un délai de remboursement de 5 ans pourra être mis en place afin de s’assurer de la santé financière de la société.

Les associés fondateurs

La Société Coopérative d’Intérêt Collectif doit comprendre au moins trois des catégories d’associés mentionnées ci-dessus, parmi lesquelles figurent obligatoirement des salariés de la SCIC et des bénéficiaires de son activité.

Les collectivités territoriales partenaires de la SCIC

Sur ce point, il faut être extrêmement prudent. Concernant les collectivités territoriales, elles peuvent soutenir financièrement les SCIC dans le cadre des règlements d’exemption européens sans obligation d’en informer la Commission européenne, mais elles ne peuvent pas détenir plus de 20 % du capital de la SCIC. Encore faut-il avoir une aide financière… Ces éventuelles aides financières ne sont pas prises en compte pour le calcul de l’intérêt versé aux parts sociales par la coopérative.

Une personne = une voix

L’un des principes fondamentaux de la SCIC est que chaque associé dispose d’une voix à l’assemblée générale ou, s’il y a lieu, dans le collège auquel il appartient, indépendamment du capital souscrit. En effet, la particularité importante de la SCIC, et qui la distingue des autres coopératives, est qu’elle est la seule coopérative à pouvoir pondérer le résultat des votes par sous-groupes d’associés (appelé « collège ») librement définis par les statuts de chaque SCIC. Pour ces collèges, ils peuvent avoir un nombre égal de voix, sauf si les statuts prévoient un autre système de répartition des voix. Le plus important à savoir est qu’un collège ne peut pas avoir plus de 50 % des voix du total des droits de vote ou que sa part dans le total des droits de vote ne peut pas être inférieure à 10 % de ce total.

L’apport en capital ne peut pas, et ne doit pas, constituer un critère de pondération.

Les réserves impartageables

Ces réserves sont le résultat de l’affectation d’une partie ou de la totalité des excédents (bénéfices) ; elles constituent le patrimoine commun de la SCIC, et ne peuvent être partagées. Elles garantissent son indépendance et sa pérennité. Le minimum de ces réserves est de 57,5 % mais rien n’interdit que cela soit de 100 %. L’avantage est que la SCIC pourra ainsi plus facilement conventionner avec des organismes de sécurité sociale qui auront pour critère la non lucrativité…

Les élections 

Les associés élisent parmi eux leurs mandataires (gérants) chargés de la gestion quotidienne. Ainsi les gérants fondateurs peuvent ne pas être reconduits malgré le fait qu’ils soient à l’origine du projet… Ce pouvoir démocratique par excellence de l’assemblée générale des associés qui peut désigner, révoquer ou maintenir son ou ses mandataires peut avoir une image négative et freiner certains dans leur projet de création ! Mais, après tout, c’est souvent le cas des présidents fondateurs d’association…

Conclusion

Ce statut juridique bien particulier offre des avantages non négligeables. Sous statut SCIC, la coopérative est une réponse pour :

  • impliquer les salariés;

  • sécuriser la démarche entrepreneuriale des individus ;

  • entreprendre dans un cadre économique collectivement partagé ;

  • créer une dynamique d’entreprise au service d’une logique d’utilité sociale.

La coopérative permet d’associer autour du même projet des acteurs multiples : les salariés, les clients, les collectivités publiques, les porteurs du projet, les bénévoles et tous types de bénéficiaires et de personnes intéressées à titres divers. Ce qui est un avantage par rapport à une association ou d’une société de service à domicile. Il est plus facile d’intégrer une collectivité territoriale au sein d’une SCIC qu’un maire au sein d’une association sans risquer, pour cet élu, d’être accusé pour conflit d’intérêt voire, pire, de prise illégale d’intérêt (nous reviendrons dans un autre billet sur cet aspect).

En outre, une coopérative est plus démocratique qu’une association. Autant un gérant et un président d’association peuvent être nommé à vie…autant le gérant d’une coopérative ne peut avoir un mandat que de 6 ans maximum. Le mandat est cependant renouvelable. En outre, au sein d’une association, un bénévole n’est pas obligatoirement adhérent d’où l’impossibilité pour lui de prendre part au vote lors d’assemblée générale. Alors, qu’au sein d’une coopérative, vous avez la parole du moment que vous êtes sociétaire et vous « valez » une voix….autant que le gérant ou la collectivité territoriale. Si on peut deviner pour une société commerciale, il serait intéressant de savoir pourquoi une association refuserait de devenir une coopérative…

Il faut savoir qu’une association (ou société) de service à domicile peut très bien devenir une SCIC, mais l’inverse est très difficile voire impossible.

Enfin, dernier point important, si vous êtes gérant, ….il est impossible de vendre une coopérative.

Vous pouvez vendre vos parts sociales, mais cela s’arrête là.

Dernière nouvelle

Dans le cadre des objectifs prioritaires du gouvernement pour l’emploi, Benoit HAMON a présenté aujourd’hui en Conseil des ministres une communication relative au projet de loi pour l’Economie Sociale et Solidaire.

Constitué sous la forme d’associations, de coopératives, de fondations, de mutuelles, ou d’entreprises adoptant des pratiques socialement exemplaires et innovantes, le secteur de l’économie sociale et solidaire (ESS) concilie la réalisation d’une activité économique, l’absence de lucrativité ou la recherche d’une lucrativité limitée avec une finalité sociale

Le Président de la République et le gouvernement ont souhaité faire de l’ESS une composante importante des politiques prioritaires pour l’emploi (participation des employeurs de l’ESS à la Grande Conférence Sociale, emplois d’avenir dans le cadre de l’ESS, action spécifique de la future Banque Publique d’Investissement en faveur de l’ESS…), reconnaissant l’apport au pays qu’assure ce secteur en matière de production, de redistribution et de création d’emplois non délocalisables. C’est tout le sens de la création du Ministère délégué à l’Economie sociale et solidaire de Benoît HAMON auprès du ministre de l’Economie et des finances Pierre MOSCOVICI.

Le gouvernement a décidé d’inscrire à son agenda l’adoption d’un cadre législatif pour ce secteur.

Ce projet de loi comprendra les principales dispositions suivantes :

  • reconnaissance légale de l’ESS, de ses acteurs, de la singularité de leurs finalités et de leur apport à l’économie nationale, et précision des conditions (par exemple en matière de gouvernance) qui pourront permettre de bénéficier de soutiens particuliers ;

  • formalisation des leviers par lesquels l’Etat et les collectivités territoriales soutiennent et intègrent l’ESS dans leurs politiques publiques ;

  • modernisation des dispositions législatives régissant le statut des coopératives, évolution des règles entourant l’activité des mutuelles ainsi que celles régissant le financement des associations. S’agissant des coopératives, ces propositions auront pour objectif d’aider les salariés dans le cadre des cessions ou des transmissions d’entreprises comme d’en renforcer l’assise économique par des innovations juridiques ;

  • renforcement du cadre juridique des institutions contribuant actuellement à la conduite de cette politique publique et convocation régulière et obligatoire d’une Conférence nationale de l’économie sociale et solidaire.

Le projet de loi relatif à l’ESS sera présenté au cours du premier semestre 2013 à l’issue d’une concertation approfondie avec les acteurs du secteur, essentiellement dans le cadre du Conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire.

Le gouvernement associera également les représentants des collectivités locales et le Conseil économique, social et environnemental (CESE).

Cette loi donnera aux entreprises et structures de l’ESS une visibilité et une stabilité juridique qui, jusqu’ici, faisait défaut à leur essor. Reconnues dans leurs spécificités sociales et accompagnées au plus près de leurs réalités économiques, elles seront à même d’apporter leur pleine contribution à la croissance et à l’emploi.

Conseil des ministres du 05 septembre 2012

Textes de référence

Loi n° 2001-624 du 17 juillet 2001

Loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération

Les 10 articles concernant la SCIC sont intégrés par la loi 2001-624 qui rassemble les principes s’appliquant à toutes les coopératives en France (chaque forme de coopérative ayant ensuite des textes particuliers qui régissent leurs dispositions particulières).

Décret n° 2002-241 du 21 février 2002relatif à la société coopérative d’intérêt collectif

http://www.scic.coop > Documentation

Sources
Le guide Entreprendre en SCIC – Société coopérative d’intérêt collectif, Union régionale des Scop et des SCIC de Poitou-Charentes

Le Guide de l’Avise, Ingénierie et services pour entreprendre autrement, SCIC, une entreprise d’utilité sociale au service du territoire

Politique d’aide et d’accompagnement à domicile, Editions Territorial