Si le gouvernement semble finalement décidé à respecter l’engagement d’une revalorisation de 25% de l’allocation aux adultes handicapés (AAH) sur la durée du quinquennat, il ne renonce pas pour autant à réformer cette prestation. En recevant les associations de personnes handicapées, Xavier Bertrand et Valérie Létard ont livré quelques pistes sur les orientations de cette réforme.

La revalorisation de l’AAH de 25% était l’une des promesses de campagne de Nicolas Sarkozy. Après l’avoir confirmé en début de mandat – sans toutefois donner de chiffres, mais en évoquant une "revalorisation substantielle" -, le président de la République avait semblé l’abandonner.
Un courrier adressé au président de l’Association des paralysés de France (APF) le 29 octobre dernier expliquait ce revirement par certaines faiblesses intrinsèques de l’AAH. Le chef de l’Etat faisait ainsi valoir que toute revalorisation de cette prestation "doit prendre en considération la problématique particulière de l’insertion professionnelle et sociale des personnes qui en sont bénéficiaires". Il ne cachait pas ses critiques sur le fonctionnement actuel de cette prestation, évoquant notamment "les conditions d’incitations à la reprise d’un travail […] bien trop faibles pour que l’AAH ne continue pas à être dissuasive à l’emploi" et estimant que "la question des ressources doit […] être abordée dans sa globalité, en traitant à la fois de l’allocation adulte handicapé, des revenus d’activité, des droits connexes et des pensions d’invalidité".
Dans ce même courrier, le chef de l’Etat confiait à Valérie Létard, secrétaire d’Etat chargée de la Solidarité, la mission de "lancer un chantier de réflexion sur les ressources des personnes handicapées en lien avec les conditions de leur insertion sociale et professionnelle", tout en conduisant "une politique très active d’accès à l’emploi des personnes en situation de handicap". Signe de l’intérêt porté à une prestation qui concerne plus de 800.000 personnes et représente un coût – pris en charge par l’Etat – de 6 milliards d’euros, la lettre citait même quelques thèmes à aborder, comme "les conditions de détermination de la situation de la personne au regard de son employabilité" ou "les dispositifs d’intéressement à l’exercice d’une activité".
L’ampleur de la manifestation organisée le 29 mars par le collectif "Ni pauvre, ni soumis" – qui regroupe une centaine d’associations – a conduit les pouvoirs publics à revoir leur position. Quelques jours avant ce rassemblement, à l’occasion d’un déplacement à Tarbes consacré à l’insertion professionnelle des handicapés, Nicolas Sarkozy avait annoncé une première hausse de l’AAH de 5% sur 2008 et confirmé son engagement initial d’une revalorisation de 25% sur cinq ans. Deux jours après la manifestation, François Fillon avait lui aussi affirmé que "toutes les réformes sociales, celle sur le RSA, celle sur le logement, l’augmentation de l’allocation pour les adultes handicapés, l’augmentation du minimum vieillesse, ce sera fait", même si "tout ne peut pas être fait en un jour".

 Les axes de la réforme 

Ce nouveau revirement n’a cependant pas mis un terme au souhait de réformer l’AAH ni au mandat confié à la secrétaire d’Etat chargée de la Solidarité. Recevant les principales associations de personnes handicapées le 31 mars, Xavier Bertrand et Valérie Létard ont évoqué le contenu de cette réforme. C’est finalement un dispositif d’intéressement qui devrait être au coeur de la nouvelle AAH.

Partant du constat que "l’accès ou le retour à l’emploi des personnes handicapées sont encore trop souvent synonymes de diminution des ressources", le ministère entend travailler "sur la possibilité de revoir les conditions de l’AAH, afin d’envisager par exemple les conditions d’un cumul entre revenus d’activité et AAH". Un élargissement des conditions d’accès à l’AAH est également à l’étude. Ainsi, "il pourrait y avoir davantage de personnes qui peuvent être éligibles à l’AAH, mais aussi davantage de retour vers l’emploi". Dans l’attente de la réunion de la Conférence nationale du handicap, qui sera ouverte par le président de la République le 10 juin prochain, le ministre du Travail n’a pas donné davantage de précisions sur le dispositif, qui pourrait toutefois s’inspirer assez largement de celui utilisé pour le RMI. Il a cependant évoqué un certain nombre de mesures qui pourraient accompagner la réforme de l’AAH, comme la mise en place d’"un outil pour parvenir à mieux déterminer les personnes handicapées en capacité d’accéder à l’emploi, pour les faire bénéficier d’un programme personnalisé d’accompagnement". Xavier Bertrand a également évoqué un soutien financier à la mise en accessibilité des locaux professionnels (les aides de l’Agefiph se cantonnant au poste de travail), une aide au recrutement dans les PME, des mesures en faveur de l’amélioration du niveau de qualification des personnes handicapées et – reprenant l’annonce du président de la République lors de son déplacement à Tarbes – la mise sur pied d’un "pacte national pour l’emploi des personnes handicapées".
Au sortir de cette réunion qui s’est déroulée – selon le président de l’APF – dans un climat "un petit peu tendu", les associations de personnes handicapées se sont déclarées "déçues", en particulier par le renvoi "à des rendez-vous ultérieurs déjà prévus". Il est vrai que le projet de réforme de l’AAH, qui vise surtout les personnes handicapées susceptibles d’accéder à un emploi, laisse entière la question de celles qui en sont le plus éloignées. Porté par le succès de sa manifestation, le collectif "Ni pauvre, ni soumis" demande un "revenu d’existence décent" aligné sur le Smic. L’enjeu est loin d’être mince puisque, selon une récente étude de la Caisse nationale d’allocations familiales sur le profil des bénéficiaires de l’AAH, près de 60% des allocataires ne touchent pas d’autres revenus que des prestations sociales et seuls 23% déclarent avoir perçu des traitements et salaires durant l’année précédente.

Jean-Noël Escudié / PCA

source