Pas de place pour les handicapés dans la politique de lutte contre le VIH
BUJUMBURA, 8 mai 2008 (PlusNews) – Fabien Hamisi
est sourd et muet, mais n’allez pas le traiter d’idiot uniquement parce qu’il
parle un langage que tout le monde ne comprend pas.
M. Hamisi est directeur exécutif de l’Association
nationale des sourds du Burundi, dont le rôle est de faciliter la communication
des malentendants en leur enseignant le langage des signes.
La politique burundaise de lutte contre le VIH/SIDA ne
prévoit aucune disposition spéciale en vue de sensibiliser les handicapés au
VIH. Une bonne partie de ce groupe de population ne dispose donc pas des
informations les plus élémentaires concernant le virus. « À la télé, on ne voit
que les images, mais sans interprète, il n’y a pas de message », a expliqué M.
Hamisi.
Au Burundi, les sourds sont peu nombreux à suivre un
parcours scolaire et les rares établissements privés pour malentendants ne vont
pas au-delà de l’école primaire. Dès lors, non seulement ils ne bénéficient pas
des programmes de sensibilisation au VIH/SIDA offerts dans les écoles, mais bon
nombre n’apprennent jamais à lire, à écrire, ni même à signer.
La plupart communiquent en utilisant des signes inventés
que seule leur famille proche comprend, mais l’Association nationale des sourds
a commencé récemment à leur enseigner le langage des signes officiel et les
informe sur les dangers du VIH. « C’est le seul message sur le VIH/SIDA
susceptible d’être transmis aux personnes comme moi », a indiqué Charles
Njejimana, l’un des bénéficiaires de cette formation.
Mais les malentendants ne sont pas le seul groupe
d’handicapés privé d’informations sur le VIH/SIDA. « Pour les personnes
atteintes de handicaps auditifs ou visuels, ces messages ne sont pas adaptés ;
quant à celles qui souffrent de handicaps physiques, elles ne peuvent pas se
rendre là où elles pourraient recevoir des informations, notamment à des
réunions publiques, dans des centres de santé, etc. », a indiqué à
IRIN/PlusNews Pierre Claver Seberege, président de l’Assemblée nationale des
personnes handicapées.
Au cours d’une réunion sur le VIH/SIDA et les
handicapés, tenue en avril à Bujumbura, la capitale, Immaculée Nahayo, ministre
de la Solidarité nationale, également responsable des questions de droits
humains, a déclaré que le Burundi comptait environ 15 000 personnes handicapées
séropositives.
Particulièrement vulnérables
Handicap International, l’organisation
non-gouvernementale (ONG) qui a organisé la rencontre, soutient 15 associations
d’handicapés au Burundi, en formant les handicapés à sensibiliser leurs pairs
au VIH/SIDA et en leur enseignant diverses compétences, telles que la couture
ou la menuiserie.
Selon Come Niyongabo, coordinateur de programmes chez
Handicap International, l’on croit souvent à tort que les personnes handicapées
n’ont pas de rapports sexuels. Dans la tradition burundaise, a-t-il noté, un
enfant né handicapé, quel que soit son handicap, est considéré comme une
malédiction, à dissimuler aux yeux du monde.
« Cette marginalisation explique pourquoi les femmes
handicapées sont peu susceptibles de se marier, ou ont tendance à accepter
toute proposition [sexuelle] de la part des hommes », a indiqué M. Niyongabo
lors de la réunion. « Vous trouverez beaucoup de femmes et de filles
handicapées enceintes, car elles estiment qu’avoir un enfant [leur donnera] de
la valeur aux yeux de la communauté ; cela les expose à avoir de multiples
partenaires sexuels et, par-là même, à un risque de VIH accru ».
Les femmes handicapées sont également des proies faciles
pour les violeurs, car bon nombre d’entre elles ne peuvent pas se défendre
lorsqu’elles sont agressées physiquement. Certains Burundais croient également
au mythe selon lequel avoir des rapports sexuels avec une fillette handicapée
porte chance. « De nombreux commerçants cherchent à coucher avec ces fillettes
pour que leurs commerces soient prospères », a commenté M. Niyongabo.
Les délégués présents lors de la réunion ont appelé le
gouvernement à inclure les handicapés dans leur politique nationale de prévention,
de traitement et de soins VIH, et à encourager leur participation à tous les
niveaux du processus décisionnel concernant le VIH.
« Toutes les personnes engagées dans ce secteur
devraient concevoir des messages spécifiquement destinés à prendre en compte
les différentes formes de handicap : des messages spécifiques pour les
personnes atteintes de handicaps auditifs ou visuels, et même pour les
handicapés mentaux », a recommandé M. Seberege, de l’Assemblée nationale des
personnes handicapées.
Les handicapés ont également été invités à s’exprimer
davantage sur leurs besoins et à prendre l’initiative sur les questions
concernant leur santé.
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