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Au nom d’Henriette
De la fin de vie….et de la dignité.

Nous sommes
le 28 juin 2008.

Ce soir,
elle a encore pleuré et demandé à mourir. Des soignants étaient présents. La
fréquence de ses appels à la mort me dérange, du coup j’enregistre.

Depuis ce
changement d’unité au sein de la structure hospitalière, le drame est
quotidien. Ses sourires se raréfient, sa pensée s’assombrit, maintenant elle
implore la Fin comme une bénédiction et se réfugie dans le sommeil jusqu’à dix
huit heures par jour. Ils sont pourtant nombreux à avoir constaté le
changement. Mais ici la procédure passe avant l’humain, la détresse de l’être
n’est pas un sujet, la souffrance non plus.


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Il aura
suffit de trente jours et d’un environnement électrique pour arriver à ce résultat
dramatique. Tout est fait pour couper la famille du malade, sans compter que
les auxiliaires permutent jusqu’à deux fois par jour. Plus de visages
familiers, plus de point d’ancrage. Alzheimer se confond avec un océan
gigantesque, et rien à l’horizon pour se raccrocher, ni rocher, ni bateaux.
Alors que bien entourée, aidée, accompagnée, une personne atteinte de la
maladie peut, malgré la perte progressive de toutes ses facultés
intellectuelles, continuer à éprouver des émotions, à vivre en relation avec
les autres, à se sentir regardée comme une personne sensible.

Nous sommes
au cœur d’un hôpital.

Si les
premiers mois se sont formidablement bien passés dans une autre unité, des
soignants exemplaires dans l’accompagnement des malades, collaborant avec nous,
facilitant notre présence afin de créer un climat serein, ce n’est plus le cas.
Le travail des uns fut anéanti par l’attitude des autres.

Désormais la
priorité n’est pas le patient, encore moins son écueil moral, mais la procédure
qu’on applique à la lettre. Le tourment n’est pas à l’ordre du jour.

Vous ajoutez
à cela un certain personnel rigide dans les gestes et dans les mots, lequel ne
manque pas de vous prévenir : « Chez nous, on n’aime pas les
familles. » Vous avez bien lu. A trente mètres d’intervalle, dans un même
hôpital, un monde austère vient de nous tendre les bras. La famille doit
désormais s’adapter, obéir, s’écarter, sortir, vider les lieux, cette même
famille qui représente le dernier maillon avec la vie.

Dès lors,
tout a basculé. L’ambiance, la maladie et Henriette.

Depuis ce
changement nous avons compris que tout était orienté vers l’hôpital et non vers
le malade, sans oublier le frottement avec les familles, le sport local. Une
sorte de jeu indécent au beau milieu de la déchéance. Ici, c’est chez eux. Un
état dans l’Etat qui a lui seul résume la problématique de la dépendance et de
la déshumanisation. Le malade ne fait plus partie du monde. Il est programmé
pour devenir un « sujet », une ligne dans le cahier des protocoles. L’initiative
humaine se réduit à des consignes écrites « Marqué ou pas marqué ».
Même la mort n’est plus à nous.

Ici la
frontière entre responsabilité et pouvoir est indistincte. Responsabilité des
malades ou pouvoir sur les malades ? La phrase résonne :
« Est-ce qu’on a le droit ? » Accepter cette situation fait de
nous des spectateurs inutiles et macabres. Je ne peux pas m’y résigner ! A
mes yeux la mort n’a rien de macabre, juste un moment intime, un rendez-vous
imposé, mais qui doit rester propre.

Dans
l’ancien service j’accompagnais ma mère, aujourd’hui je la défends. La maladie
est suffisamment humiliante pour que l’hôpital s’abstienne de devenir son
complice en précipitant le processus de dégénérescence. La direction est-elle
seulement informée de la réalité du terrain ?

suite et source

merci à Jérôme Pellissier