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{page:Section1;Discours de M. le Président de la République lors de la conférence Européenne sur la Lutte contre la Maladie d’Alzheimer et les Maladies Apparentées
Mesdames les Ministres,
Madame la Commissaire,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Mes Chers amis,
La France est heureuse d’accueillir la conférence
européenne sur la lutte contre la maladie d’Alzheimer et les maladies
apparentées. Vous êtes tous, à des titres divers, les acteurs de cette
lutte en Europe : personnes malades et familles, décideurs politiques,
élus locaux, parlementaires, experts, responsables d’associations et de
fondations, chercheurs, médecins, professionnels de la prise en charge.
Je salue votre engagement dans ce combat. Je veux rendre hommage à cet
engagement, partout en Europe, aux côtés de femmes et d’hommes qui
souffrent de disparaître à petit feu, de ne plus savoir qui ils sont,
de ne plus ressentir l’amour de leur famille. Je veux donc vous rendre
hommage à vous qui êtes aux avant-postes du combat, à vous qui, du fait
des hasards de l’existence ou d’une clairvoyance qui vous honore, avez
fait de la lutte contre la maladie d’Alzheimer le combat de votre vie.
priorité de mon mandat de Président de la République française.
Permettez-moi de vous en dire quelques mots. Le 1er février dernier,
avec les ministres concernés, nous avons annoncé le lancement du Plan
Alzheimer pour la période 2008-2012. Ce n’est pas le premier Plan que
notre pays a connu. Mais c’est le premier, je crois, qui développe une
approche globale de la maladie en déployant des moyens significatifs –
1.6 milliard d’euros de dépenses nouvelles sur cinq ans.
J’ai voulu m’engager personnellement. Parce que notre
pays compte plusieurs centaines de milliers de personnes malades. Parce
que ce chiffre va fatalement augmenter dans les prochaines années.
Parce que presque toutes les familles sont touchées. Et parce qu’avec
les ministres, nous voulons refuser la fatalité.
J’ai fait ce choix au nom des valeurs qui sont les
miennes. Je pense au respect dû à nos aînés. Je pense à la solidarité
envers les plus fragiles. Je pense au rôle de la famille. Je pense à la
cohésion de nos sociétés.
Mais ai-je besoin de justifier mon choix devant vous ? Je suppose que vous en êtes les premiers convaincus.
La marque de fabrique du Plan Alzheimer français est
d’intégrer la recherche, les soins et l’accompagnement, d’où la
présence de Roselyne BACHELOT, de Valérie PÉCRESSE et de Valérie
LETARD. Ensemble, nous avons proposé un plan cohérent. Notre objectif
n’est pas seulement d’intensifier notre effort dans chacun de ces
domaines pris séparément. Notre objectif, c’est de développer les
synergies pour améliorer la qualité de vie des personnes malades et de
leurs proches.
La recherche est le premier volet du Plan Alzheimer.
Nous voulons intensifier notre effort de recherche. Une recherche
d’excellence est la condition de soins et de prises en charge de
qualité. J’ai souhaité que notre effort de recherche soit coordonné par
une fondation qui fasse, de surcroît, toute sa place aux partenariats
public-privé. On n’a pas les moyens de se priver d’une partie de la
recherche.
Le second volet du Plan Alzheimer, c’est de renforcer
nos capacités de diagnostic et de soins. Le dispositif d’annonce de la
maladie est une mesure essentielle. Nous voulons intégrer le diagnostic
et la prise en charge, pour que l’annonce du diagnostic ne laisse pas
le patient et sa famille seuls face à la maladie.
L’accompagnement est le dernier volet du Plan. C’est le
rôle des maisons d’accueil et d’intégration des malades d’Alzheimer
dont les premières seront expérimentées en 2009. Le maintien à domicile
sera privilégié avec l’aide des nouvelles technologies. Et les maisons
de retraite devront développer, grâce à des renforcements en personnel,
des prises en charges spécifiques issues en particulier de la recherche
en sciences sociales.
Mais notre action ne peut pas rester cantonnée au plan
national. Je souhaite, et je l’ai annoncé aux côtés du Président
BARROSO dès le 1er juillet dernier, porter le combat contre la maladie
d’Alzheimer au plan européen. C’est capital.
Ce combat doit être celui de l’Europe tout entière. Car
tous les Etats membres sont concernés. Il y a plusieurs millions de
personnes malades en Europe. Du fait de la longévité, leur nombre va
s’accroître. Il me semble que l’Europe doit s’engager résolument dans
la lutte contre la maladie d’Alzheimer parce qu’il en va des valeurs
européennes.
La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne
rappelle notre devoir de préserver la dignité des personnes malades,
c’est un impératif absolu.
La solidarité est une autre valeur fondatrice de
l’Europe. Nos systèmes de solidarité, par delà leurs différences
d’organisation, font tous appel à l’Etat, aux partenaires sociaux, aux
entreprises ou à la responsabilité individuelle pour protéger nos
concitoyens des aléas de l’existence.
Nous voulons faire de l’Europe une société de la
connaissance et de l’innovation. La lutte contre la maladie d’Alzheimer
doit être un domaine d’application prioritaire de cette stratégie.
L’Europe vieillissante doit toute faire pour mieux connaître la maladie
d’Alzheimer et ses effets sur la vie des 500 millions d’Européens.
L’Europe doit mettre ses capacités de recherche et d’innovation au
service de la découverte d’un diagnostic et de traitements fiables.
Les Etats-Unis ont commencé à se mobiliser à la fin des
années 1970. Ils ont créé une agence de recherche dédiée, l’Institut
national du vieillissement. Pourquoi l’Europe devrait-elle se laisser
aller à la fatalité ? Il est temps pour l’Europe de rattraper le retard
et d’être à la pointe de la recherche mondiale sur la maladie
d’Alzheimer.
L’enjeu, ce n’est rien moins que l’avenir de la
civilisation européenne. L’Union européenne a d’abord été faite pour
protéger. Cette protection des Européens doit reposer sur des projets
concrets. La lutte contre la maladie d’Alzheimer doit être l’occasion
d’illustrer ce désir de protection pour l’Europe.
Je suis convaincu que l’Europe peut avoir une valeur
ajoutée dans le combat contre ce fléau. L’Europe peut faire infiniment
mieux que les Etats membres lorsqu’ils agissent chacun séparément.
L’Europe peut favoriser une meilleure connaissance de la maladie et une plus grande coordination de la recherche d’excellence.
L’Europe peut favoriser le partage d’expériences,
l’élaboration de principes communs relatifs à la qualité de la prise en
charge des malades et de leurs aidants.
L’Europe peut développer une éthique de la prise en charge qui s’appuie sur nos valeurs.
L’Europe peut agir me semble-t-il selon trois axes : la
connaissance de la maladie et la recherche, le partage d’expériences
sur les soins et la prise en charge, l’éthique. Je souhaite que le
Conseil européen adopte d’ici à la fin de la présidence française des
recommandations invitant chaque Etat membre à se doter d’un plan
Alzheimer d’ici 2010. Il devrait s’agir d’une sorte de « boîte à
outils » européenne, dans laquelle chaque Etat membre pourra puiser en
fonction de ses spécificités et dans le respect, naturellement, du
principe de subsidiarité. Les actions seront différentes d’un pays à
l’autre mais les priorités seront communes. L’approche globale, à la
fois scientifique, médicale et sociale, mérite d’être partagée par tous
car au fond, elle nous réunit tous.
La recherche d’excellence est sans doute le domaine
dans lequel la valeur ajoutée de l’Union européenne peut être la plus
forte. L’accès à la connaissance est un préalable pour surmonter nos
craintes. Chaque pays devrait pouvoir disposer de données
épidémiologiques précises pour mieux connaître la propagation de la
maladie d’Alzheimer et des maladies apparentées. Nous devons connaître
chaque année et dans chaque pays le nombre de personnes malades et le
nombre de personnes nouvellement diagnostiquées chaque année.
J’ajoute que l’Europe peut nous permettre d’étudier des
populations de personnes malades plus importantes que celles de chaque
pays pris isolément. Je pense en particulier aux malades jeunes
d’Alzheimer. Nous pourrions retirer de ces grandes études européennes
une connaissance beaucoup plus fine de la maladie et de son évolution.
L’Europe doit également faire toute sa place à la
maladie d’Alzheimer dans l’effort de recherche mené par chaque pays.
Cette maladie peine à être reconnue comme elle le devrait dans les
programmes de recherche. Cette situation, c’était celle de la France,
et le plan Alzheimer a précisément pour objectif de combler le retard
pris par rapport à d’autres recherches sur le système nerveux central,
je pense notamment à la maladie de Parkinson.
Aujourd’hui en Europe, moins de 5% des fonds de
recherche destinés aux cancers sont dédiés à la maladie d’Alzheimer.
Pourtant, il y a urgence à mieux comprendre ses mécanismes.
Nous devons réagir. L’espace européen de la recherche
doit se traduire par une circulation facilitée des idées et des
chercheurs, l’Europe a besoin de résultats concrets.
Je propose que les États membres mettent en place au
plus tard en 2010 une programmation coordonnée de leur recherche. La
programmation coordonnée, c’est une meilleure circulation des idées et
des projets entre Européens. La programmation coordonnée, cela veut
dire que les États membres doivent pouvoir s’accorder pour mettre en
commun des financements sur un objectif partagé. Cela veut dire plus de
moyens pour des projets de recherche communs plutôt que des
financements dispersés sur des projets nationaux qui s’ignorent. La
coordination de nos efforts de recherche doit se faire bien sûr sur la
base du volontariat. Mais une plus grande coordination est
indispensable pour donner vie à l’espace européen de la recherche.
Pour que la coordination ait un sens, il faut d’abord
que nous ayons une vision exhaustive des initiatives de recherche
nationales. Il faut aussi que le programme-cadre de recherche et de
développement technologique renforce ses financements au profit de la
maladie d’Alzheimer. Cette dernière doit être mieux prise en compte par
les appels d’offres à venir du septième PCRD. Si nous partageons une
vision commune sur cet enjeu fondamental pour l’Europe, alors nous
devons être cohérents et accroître l’effort européen de recherche
publique.
L’Europe doit aussi favoriser la mobilité des
chercheurs. Je voudrais que des bourses « Alzheimer » soient offertes à
de jeunes chercheurs pour travailler dans d’autres pays européens. Il
faut également que les États qui le souhaitent aient la possibilité de
créer des réseaux de collaboration interdisciplinaires entre équipes de
nationalités différentes.
Je me félicite que le Conseil « compétitivité » du 26
septembre dernier ait compris que la maladie d’Alzheimer est une
nécessité supplémentaire de construire l’espace européen de la
recherche.
Le second axe prioritaire de l’Europe, c’est le partage de bonnes pratiques dans les soins et dans les prises en charge.
Au-delà de ces différences, il y a des prises en charge
adaptées et d’autres qui ne le sont pas. Tous les Etat membres
gagneront à mieux connaître les pratiques de chacun. Nous pouvons,
ensemble, Etats européens, développer un socle commun de
recommandations pour prévenir la maladie d’Alzheimer, pour en retarder
l’apparition, pour définir la place du médecin généraliste dans le
diagnostic, pour l’organisation de l’annonce, pour le suivi, pour les
thérapeutiques efficaces, pour les aidants familiaux. Comment les
aider ? Comment coordonner la multitude des intervenants auprès de la
personne malade ?
Nous pouvons tenter de répondre à ces questions de
façon plus forte si nous ne sommes pas isolés. Et plutôt que de nous
poser tous les mêmes questions en ignorant ce que font les autres, je
crois que nous aurions tout intérêt à apporter des réponses communes à
des questions qui n’ont rien de spécifique mais qui se posent au
contraire dans les mêmes termes partout en Europe.
Le projet EUROCODE soutenu par la Commission doit
fournir une base de données riche sur les modes de prises en charge de
la maladie en Europe. L’Europe a besoin d’un plus grand nombre
d’initiatives concrètes comme celle-ci pour que la lutte contre la
maladie d’Alzheimer progresse.
Au-delà des pratiques, nous devons partager nos
réflexions sur les métiers qu’il faut développer. La prise en charge
des personnes malades exige des compétences particulières. Il faut
rendre attractifs les métiers liés au vieillissement de la population.
Il faut valoriser le rôle social de ces métiers, leurs carrières, leur
rémunération. Nous sommes tous confrontés à ce défi. Nous gagnerions à
y apporter des réponses communes.
Le troisième axe, enfin, que je vous propose, c’est
celui d’une réflexion éthique. Une réflexion éthique commune serait une
richesse et ferait l’originalité de l’Europe unie. Car une fois encore
les questions sont les mêmes pour tous les Européens : Comment
recueillir le consentement d’une personne à l’entrée dans une maison de
retraite ? Comment concilier le respect de l’autonomie et la sécurité
du patient ? Comment agir avec une personne qui a perdu ses
possibilités de communication usuelles ? Comment adapter les soins aux
préférences de la personne ? Quel rôle peuvent jouer les aidants pour
aider le patient à exprimer ses choix ?
Ce sont des questions concrètes auxquelles nous devons
apporter des réponses éthiques. Nous ne pouvons nous contenter, face à
ces questions, de réponses simplement techniques. Et nous ne pouvons
pas non plus nous contenter, chère Roselyne BACHELOT, d’avoir
simplement une réponse compassionnelle. Je pense qu’entre la technique
et la compassion, il y a une place pour l’éthique. Quelles sont les
valeurs, quels sont les principes, quel est le cadre ? Le droit peut
nous aider à clarifier certaines situations. Mais, ce qui prime, c’est
le comportement de chacune et de chacun face à la souffrance et face à
la disparition progressive de l’autonomie du malade. Ce qu’il faut,
c’est un comportement que je qualifierais, Professeur MENARD,
d’éclairé, un comportement qui soit fondé en toutes circonstances sur
le respect absolu de la dignité de la personne. Je sais bien qu’il n’y
a pas de règles universelles en la matière. Si le principe du respect
de la dignité est universel, son application concrète dépend de la
situation de la personne malade, de son entourage, de son environnement.
L’Europe pourrait soutenir la création d’un réseau
permettant l’échange de bonnes pratiques à partir de cas concrets
rencontrés sur le terrain. Le partage de bonnes pratiques entre Etats
membres doit nous aider à mieux définir quel est, dans les
circonstances auxquelles nous expose la maladie d’Alzheimer, la moins
mauvaise attitude, car je doute qu’il existe une bonne attitude face au
drame de cette maladie.
Mesdames et Messieurs,
Je vous ai proposé ce que pourraient être les grandes
lignes d’un engagement résolu de l’Union européenne dans la lutte
contre la maladie d’Alzheimer.
Je suis convaincu que l’Union peut apporter beaucoup
dans ce combat. Je sais parfaitement que la subsidiarité ne fait pas de
la santé un domaine européen stricto sensu. Mais ce n’est pas une
raison pour ne rien faire. La subsidiarité, c’est ce qui confie aux
Etats la responsabilité de ce qu’ils peuvent mieux faire. Mais cela ne
veut pas dire qu’on ne doit pas faire de la coordination. Ce n’est pas
parce que la santé ne fait pas partie du corpus des compétences
institutionnelles de l’Europe que le devoir des chercheurs et des
gouvernants, des associations et des fondations n’est pas d’allier
leurs connaissances pour progresser ensemble, quitte ensuite à ce que
chacun fasse la meilleure application dans son pays de ce qu’il a
observé comme bonnes pratiques ailleurs.
Je pense que nous avons une occasion historique : faire
en sorte que l’Europe démontre son aptitude à relever dans l’unité un
défi qui provoque des ravages dans tous les peuples européens, la
maladie d’Alzheimer. Je sais bien que dans la crise financière et
économique qui nous occupe, on pourrait s’étonner que le Président de
la République vienne parler de la maladie d’Alzheimer. Mais la maladie
d’Alzheimer ignore le contexte financier, monétaire, économique. Je
veux dire que la souffrance d’une famille peut-être encore accrue par
le contexte, certainement pas soulagée. Si on devait s’arrêter de
travailler aux sujets fondamentaux à chaque fois que notre monde
connaît un soubresaut ou une crise, alors on ne ferait jamais ce qu’il
y a de fondamental. Et si j’ai voulu venir devant votre conférence,
c’est pour bien signifier que pendant la crise, les ravages de la
maladie d’Alzheimer continuent. Et il ne manquerait plus qu’on dise qu’
« on n’a pas le temps de s’occuper de vous, de vos souffrances de vos
malades, de vos proches ». Ce serait inadmissible. Comme si on devait
s’occuper de la santé des gens exclusivement quand il y a une
croissance mondiale et quand il n’y a pas de problèmes fiscaux
monétaires, financiers, économiques. Je vois donc dans cette crise une
opportunité au contraire de faire davantage. L’actualité est toute
entière focalisée sur le financier, sur le monétaire et sur
l’économique, mais vous ne travaillez pas pour le journal, vous
travaillez pour le livre. Vous ne travaillez pas pour le quotidien,
vous travaillez pour le fondamental. Vous ne travaillez pas pour six
mois, vous engagez une lutte totale contre un fléau dû à un progrès de
l’humanité : vivre plus longtemps, donc porter avec nous des maladies
qui font que cette vie n’en est plus tout à fait une.
En tant que Président de l’Union européenne, je veux
dire que quel que soit le contexte dont je dois par ailleurs m’occuper,
la lutte de tous les européens contre la maladie d’Alzheimer est une
priorité absolue. Nous en avons fait une priorité en France, je
souhaite que ce soit une priorité en Europe.
Mesdames et Messieurs, je vous remercie d’avoir accepté
notre invitation et je vous remercie de m’avoir fait l’honneur
d’écouter mon propos.
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