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« Les
mécontents, ce sont des pauvres qui réfléchissent »
(attribué à Talleyrand dans le film d’Edouard
Molinaro« Le Souper »
« Emplois-service »,
emplois ou services ?
L’histoire de ces dernières
années montre à l’évidence que le Plan Borloo pour les Services à la Personne
visait avant tout à développer l’emploi, en profitant d’une mine peu exploitée,
le besoin d’aide d’une population vieillissante.
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I.
HISTORIQUE DE LA SITUATION
L’incitation fiscale mise en
place encourageait en effet le filon le plus prometteur, la couche la plus
favorisée, jugée sans doute la plus apte à s’entourer de femmes de ménages, de
jardiniers ou autres bricoleurs Sans souci d’équité sociale, une « réduction
d’impôt » de 50% des dépenses vint donc diminuer de moitié le coût réels
des aides à domicile. Mais uniquement bien sûr pour les seules personnes
imposables, c’est-à-dire déjà favorisés.
Dans le même filon, M. de
Villepin décida fin 2006 d’encourager les familles que leur travail ou la
recherche d’un emploi, empêchait de s’occuper de leurs enfants : un
« crédit d’impôt » leur fut accordé. Avec ce nouvel avantage fiscal
perçu sans condition de ressources, les usagers peu imposables reçoivent un chèque
du Trésor complétant leur réduction d’impôt jusqu’à diminuer de 50% les
dépenses engagées pour ce type de services.
Quelques uns prirent alors
conscience que ce beau dispositif abandonnait à leur sort les plus modestes
(non-imposables), les inactifs, et les handicapés, condamnés à payer, en fait,
des aides deux fois plus cher alors que pour eux le besoin en était plus
nécessaire… Que faire ? l’usine à gaz du système était déjà fort complexe,
encourageant même certains prestataires de services à annoncer des tarifs très
attractifs : ils y incluent une réduction d’impôt, pourtant loin d’être
attribuée à tous leurs clients ; mais ceux-ci ne s’apercevront de
« l’erreur » que l’année suivante en recevant leur avis d’imposition.
7 février 1997- Saisissant l’occasion de la Loi sur le
Logement Opposable et son fourre-tout de « diverses mesures favorisant la
cohésion sociale », la ministre du logement Christine Boutin énonce un jugement définitif sur le système en
vigueur, ce méli-mélo de réduction et de crédit d’impôt répartis sans aucun
souci d’équité :
« La création d’un crédit d’impôt
restituable, complétant la réduction d’impôt préexistante, dans le cadre de la
loi de finances rectificative pour 2006, constitue une avancée remarquable.
Cependant, il apparaît inefficace, du
point de vue de l’emploi, et discriminatoire, du point de vue des personnes,
de réserver ce dispositif à un champ de services ou de bénéficiaires plus
restreint que ceux de la réduction d’impôt. C’est pourquoi le présent
amendement propose une fusion du crédit d’impôt et de la réduction d’impôt".
Il s’agit donc d’unifier le système, en généralisant le crédit d’impôt sans
référence au type de services ni à la catégorie d’usagers. Le coût du
dispositif proposé serait bien en deça du montant actuel des avantages déjà
accordés aux plus aisés, puisque s’adressant à des personnes aux moindres
ressources.
Mais l’amendement
unificateur disparaît.
Un nouveau texte avantage alors
encore un peu plus les personnes en activité professionnelle ou en
chômage : il étend le crédit d’impôt à tous les types de services, mais en les
réservant toujours aux personnes « actives », ou cherchant à le
devenir. (Loi instituant le droit au logement opposable et portant diverses
mesures en faveur de la cohésion sociale N° 2007-290 DU 5 MARS 2007)
3 juillet 2007-Ce
dispositif incohérent subit encore l’assaut d’un projet
de loi d’initiative sénatoriale émanant de J-L Masson, sénateur de
Moselle, qui constate une fois encore :
« les retraités ou les personnes
handicapées sans emploi sont exclus du crédit d’impôt. Or, eu égard à leurs
faibles revenus, ils auraient plus que d’autres besoin d’un crédit d’impôt
remboursable au lieu d’une simple réduction. En outre, plus que d’autres, les
personnes très âgées ou handicapées ont besoin d’une aide à domicile. »
Le financement devait provenir d’une taxation des tabacs. Le projet tourne
court, faute de motivations des sénateurs, à ce qu’il semble.
Une dernière intervention
parlementaire donne enfin au gouvernement l’occasion de justifier les
raisons du statu quo : la question écrite du sénateur des Landes, M.Philippe
Labeyrie, attirant l’attention du gouvernement sur « l’iniquité
du dispositif d’aide pour l’emploi d’un salarié à domicile tel qu’il
résulte de l’article 199 sexdecies du Code Général des Impôts ».
Bercy répondit en invoquant « un contexte budgétaire difficile », et
en détaillant la longue liste des dispositions favorables déjà accordées aux
personnes âgées et handicapées.
II.
REFLEXIONS
Ainsi le Gouvernement estime
que les personnes modestes oubliées par les avantages fiscaux perçoivent
suffisamment de secours pour payer des aides à domicile deux fois plus cher que
les personnes avantagées fiscalement. Alors que, à aucun moment, le
législateur n’a songé à prendre en compte les ressources financières de ces
personnes que le dispositif avantage en leur réduisant de 50% le coût des aides
à domicile ! Le grand cadre, le directeur, le retraité, que leurs revenus
rendent imposables, ont droit à des services au prix de revient allégé de 50%
par l’avantage fiscal.
Ce dispositif inique « équivaut à
mettre de côté les retraités, fortement demandeurs de services à la personne
-soit 13 millions de personnes de plus de 60 ans dont 1/3 ne paient pas
d’impôts- et de nombreuses personnes adultes handicapées (1 million de
personnes concernées), pour qui l’aide à domicile est un moyen de conserver une
vie digne et autonome. » (Communiqué de
l’Union Nationale de l’Aide , des Soins et des Services à domicile, en
date du 26 février 2007).
Les statistiques de l’INSEE sont claires, et chiffrent ce
qui est une honte pour notre pays : concernant les Services à la Personne, près
de trois quarts des avantages fiscaux distribués en 2005 ont bénéficié aux plus
aisés, c’est-à-dire à dix pour cent de la population, pour une somme proche de
1,3 milliard d’euros. Alors que la moitié des ménages la moins aisée a reçu
13,9 millions d’euros soit 0,8% du total distribué. Plus de 900 000 ménages,
dont les ¾ retraités, n’ont pas bénéficié d’avantage fiscal. Quant aux ménages
de plus de 80 ans, 60% d’entre eux étaient exclus de la réduction d’impôt,
faute de revenus suffisants pour être imposables.
N’était-il pas plus équitable
-et sans doute plus efficace- de moduler
l’avantage fiscal en proportion des revenus de chacun ? Le saupoudrage de
chèques emploi-services évoqués récemment par le Président ne va pas dans ce
sens, puisque les personnes très à l’aise financièrement en bénéficieraient
comme les plus démunies.
Conduire l’économie par
l’incitation fiscale est de bonne politique. Mais, on l’a trop oublié, les
Emplois-Services sont d’abord des services nécessaires à la population. Il ne
saurait être question de les gérer comme on pousse le développement de l’industrie
automobile dans un sens plus écologique par exemple. Par un effet
redistributeur les Services pourraient
améliorer la cohésion sociale et la solidarité envers les personnes
défavorisées.
Or l’orientation
systématiquement économique qui a jusqu’ici dominé les emplois-service invite à
s’interroger sur les intentions profondes des gouvernants. Je me demande si le
comble de la perversité légale n’a pas été atteint lors du
« fignolage » des textes accordant aux personne actives ou en recherche d’emploi un crédit d’impôt égal à
50% des sommes dépensées en services à domicile. Le
Bulletin Officiel des Impôts (N°5 B-1-08 N°6 du 14/01/2008, n°58) s’est
vu obligé de constater que cette « activité
professionnelle » ouvrant droit à l’avantage fiscal n’est, en fait pas
définie par le législateur : énorme bourde ou remords tardif devant la mis en
place légale d’une discrimination injustifiable ? Ou (comme avait osé le dire
l’estimable Christine Boutin), devant ce qui « apparaît inefficace, du point de vue de l’emploi, et
discriminatoire, du point de vue des personnes » ?
Quoi qu’il en soit, le
commentaire du B.O.I. est lumineux : « aucune condition tenant au montant des revenus que procure
l’exercice d’une activité professionnelle n’est fixée. De même, aucune
condition de durée d’activité n’est
prévue. Il peut donc s’agir d’une activité salariée ou non, exercée à temps complet, à temps partiel ou une partie
de l’année seulement ».
Comme on est loin de l’ambition
de M.de Villepin qui voulait initialement permettre aux familles empêchées par
leur travail (ou la recherche de travail) de garder leurs enfants ou de
surveiller leurs études ! Un petit boulot de quelques heures suffirait EN FAIT
à faire entrer dans le cercle des privilégiés fiscaux. Pouvait-on plus
clairement mépriser et punir les exclus de l’avantage fiscal, ces incapables,
inaptes à produire ne serait-ce que quelques heures de travail ? Retraités,
Handicapés, rejoignent ainsi dans le même sac ceux dont le revenu est
insuffisant pour être imposable. Avantage aux forts, oubli des faibles…
sinistres relents de socio-biologie ou de "néodarwinisme" ?
Je me contenterai de citer un
des maîtres en la matière :
« Il
y a un seul moyen d’empêcher la prédominance désastreuse des faibles. C’est de
développer les forts. L’inutilité de nos efforts pour améliorer les hommes de
mauvaise qualité est devenue évidente. Il vaut mieux faire grandir ceux qui
sont de bonne qualité. C’est en fortifiant les forts que l’on apportera une
aide effective aux inférieurs.(…) Il faut abandonner l’idée dangereuse de
restreindre les forts, d’élever les faibles, et de faire ainsi pulluler les
médiocres »
Ainsi parlait Alexis Carrel, en
1935 dans son best-seller L’Homme cet inconnu, (Presses-Pocket, Plon,1990,
p.373), savant eugéniste regrettant que « beaucoup d’individus inférieurs (aient) été conservés grâce aux efforts
de l’hygiène et de la médecine », Le régime de Vichy lui avait confié
en 1941 la « régence » de sa Fondation Française pour l’Etude des
Problèmes Humains.
Jean-Pierre Cambier
http://jplamadeleine.blog.lemonde.fr
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