De l’Etat Providence à l’état accompagnant : une pensée du care à la française
Serge Guérin, spécialiste de la sociologie du vieillissement et Professeur à l’ESG, vient de publier un nouvel ouvrage qui cherche à replacer les transformations économiques et sociales dans une perspective beaucoup plus large. Il embrasse dans son ouvrage les questions liées à la féminisation des valeurs, à la seniorisation de la société et celles liées aux ruptures technologiques qui entraînent une logique de flux. Ce qu’il nomme la troisième modernité le conduit à repenser les conditions de l’emploi, mais aussi le rôle des associations, les nouvelles formes de solidarité de proximité, la prise en compte de la fragilité croissante des individus comme de la société.
Pour l’auteur, ce qui fonde la transformation des approches sociales tient en très grande part, du souci pragmatique de changer les choses au quotidien, de « construire pierre après pierre, une société plus douce à vivre, plus en accord avec le sentiment de vulnérabilité de soi et de la planète ». Dans ce cadre, une lecture des transformations de la société par les effets de la féminisation des valeurs, de la révolution démographique, la prise de conscience des enjeux écologiques et de l’émergence de pratiques sociales fondées sur l’accompagnement et le prendre soin conduit à penser une transformation en profondeur du vivre ensemble dans un projet de société qui se construit progressivement. Dans cette approche, l’auteur de De l’Etat Providence à l’état accompagnant développe une analyse fondée sur l’émergence de la société du care. Il y trouve à la fois matière à mettre en avant une politique du prendre soin, qui ne se limite pas aux questions liées à la santé, et un vecteur possible de désaliénation au service des femmes.
Au delà de la problématique du care, Serge Guérin propose d’aller plus loin avec la notion d’accompagnement bienveillant qui doit permettre à chacun d’être soutenu par un autre, par un collectif. Pour lui la culture de la productivité produit de la vulnérabilité qui ne peut être contrecarrée que par des politiques coopératives et individualisées menées sur le long terme
Pour l’auteur, le modèle de l’État-providence, repose aujourd’hui sur « une logique de redistribution et de compensation pour ceux qui ont eu à subir la crise ou divers accidents ou des désavantages sociaux ou physiques ». Au fil des pages de De l’Etat Providence à l’état accompagnant, il apparaît une remise en cause du modèle classique de l’Etat Providence. Pour Serge Guérin, « la problématique de l’accompagnement est au cœur de ces remises en causes ». Elle dépasse une approche encore trop fondée sur l’assistanat ou l’assistance et s’inscrit dans une vision de l’entraide, de l’échange et de l’autonomie. Loin d’en appeler à la réduction du rôle de l’Etat, il propose son renouveau mais aussi une valorisation de l’action des associations et des solidarités informelles, comme celles des aidants de personnes très âgées ou malades chroniques dont il participe à la médiatisation à travers la revue Reciproques
Il ne s’agit pas d’imposer un discours sur la responsabilité individuelle mais bien d’accompagner la personne, dans une logique coopérative, en prenant en compte ses possibilités et son environnement.
De l’Etat Providence à l’état accompagnant, par Serge Guérin, 18euros Editions Michalon
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