À la Vie, à la Mort
Appliquons la Loi
Le très beau Film d’Anne Gorget,« À la Vie, à la Mort » décrit l’itinéraire tragique de Michel Salmon. Celui-ci, victime d’un « locked-in syndrom», demande à mourir après son hospitalisation en soins de suite et rééducation. Deux équipes médicales lui refusent cette aide. La situation est bloquée pendant de nombreux mois mois. L’assistance du Centre d’Éthique Clinique de Cochin, permet enfin de trouver un lieu compassionnel, la maison médicale Jeanne Garnier, qui écoute la demande de Michel. Il y meurt trois semaines après son admission, trois ans après son accident.
J’ai reçu la question suivante
d’un ami (membre de l’ADMD) à propos de ce film et du débat qui a suivi sa
projection privée.
Je reviens sur le film en objet : tu considères ainsi qu’un des
derniers intervenants de la réunion à la maison du Barreau que la loi Leonetti
n’a pas été respectée. J’ai des doutes à ce sujet : Michel Salmon aurait pu
vivre longtemps s’il n’avait pas été débranché, or il me semble que la loi
n’autorise le laisser mourir qu’en fin de vie et encore en cas de souffrances
physiques insupportables, les souffrances morales n’étant pas prises en compte.
Qu’en penses-tu ?
Merci, mon ami, de me faire part
de ton interrogation. Le cas doit d’abord être examiné par rapport à la loi
Kouchner avant d’évoquer la loi Leonetti.
La loi Kouchner suppose un consentement éclairé du patient à tout traitement
proposé par le médecin. Le refus de soin n’est donc plus un délit. Le médecin
doit respecter la décision du patient, s’il a la compétence pour l’exprimer. Or
Michel Salmon, parfaitement conscient et capable, refuse les soins
indispensables à sa survie, en premier lieu l’alimentation forcée.
Le médecin doit donc respecter cette décision. De plus, dans ce cas, la Loi
Leonetti donne l’obligation au médecin qui arrête les traitements de mettre en
place les soins palliatifs nécessaires pour éviter toute douleur au patient,
dont la décision va entraîner la mort. Ceci montre l’extrême importance de la
loi Kouchner dont le 10ème anniversaire sera célébré lors d’un grand colloque
les 5 et 6 mars prochains.
Dans le cas de Michel Salmon, les médecins de Jeanne Garnier ont simplement
appliqué la Loi, ce dont je les félicite chaleureusement. Michel Salmon est mort
3 semaines après, ce qui interpelle sur la pertinence du "protocole
Leonetti" qui a été mis en œuvre. Si j’en avais un jour besoin, je
préfèrerais de beaucoup la méthode qui me serait appliquée dans les pays
qui ont dépénalisé l’aide active à mourir, un choix personnel et subjectif.
Médecins et Soignants ne peuvent pas s’exonérer du respect de la loi de la
République : les lois Kouchner et Leonetti, qui complètent le texte
fondateur de notre République, dont le droit à la liberté affirmé dans
l’article 4 de la Déclaration des Droits de l’Homme, préambule à notre
Constitution. La loi est la même pour tous, son respect est absolument
obligatoire, sinon le consensus social explose.
Mon premier sentiment lors de la
projection du film, a été une très profonde colère contre les médecins et
soignants qui n’ont pas voulu entendre Michel, le condamnant à vivre ce qu’il
ne voulait plus vivre, ni appliquer la loi. Puis je mesure maintenant
l’impuissance tragique de ces hommes et de ces femmes, qui appelle ma compassion.
Ils sont enfermés dans des univers où la relation à l’autre est conditionnée
par la mise en œuvre de techniques médicales sophistiquées qu’ils sont seuls à
maîtriser. Il en résulte une relation asymétrique et inégale soignant/soigné,
dans un contexte institutionnel et légal très contraignant. En plus, les
convictions philosophiques des uns et des autres conditionnent les positions.
Comment permettre aux médecins et
soignants de trouver le chemin qui leur fera entendre la voix du patient ?
C’est le grand enjeu d’une démarche éthique, adaptée à la complexité de notre
monde actuel.
L’évolution concerne tous les
acteurs. Médecins et soignants disposent d’un pouvoir inégalé et de techniques
formidablement efficaces, mais les patients sont simultanément de plus en plus
informés, compétents sur leur état de santé et désireux de choisir leur destin.
L’urgente transformation des conditions dans lesquelles nous allons tous mourir
implique la confrontation, mais ne se fera pas dans l’affrontement entre les
citoyens et les médecins.
Un grand merci à Véronique
Fournier, la directrice du Centre d’Éthique Clinique de Cochin, d’avoir promu
ce film et bravo à Anne Gorget pour sa talentueuse réalisation. Leur
contribution au débat sur la fin de vie est importante.
Daniel Carré
06 87 08 62 47
d.carre@dbmail.com
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