Si tout le monde peut se présenter à des élections, il faut savoir que les mandats politiques peuvent présenter des risques pour ceux qui les exercent.
Ainsi, arrive-t-il que, dans certaines circonstances, les élus se retrouvent poursuivis pour délit de prise illégale d’intérêt. Souvent méconnue, cette infraction peut aboutir à une condamnation pénale si aucune précaution n’est prise. A savoir que tous les élus sont concernés, autant les députés, conseillers généraux que les maires et conseillers municipaux.
Qu’est-ce que la prise illégale d’intérêt ?
Le délit de prise illégale d’intérêt est défini à l’article L. 432-12 du nouveau code pénal :
« Le fait pour une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public ou par une personne investie d’un mandat électif public, de prendre, recevoir et conserver, directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans une entreprise ou une opération dont elle a, au moment de l’acte, en tout ou partie, la charge de la surveillance, de l’administration, de la liquidation ou du paiement ».
En clair, il est important de ne pas commettre la confusion des intérêts privés en tant qu’élu et les intérêts de la commune. A noter que le terme le plus important ici est « un intérêt quelconque ». Bernard Saugey, sénateur UMP de l’Isère et membre de la Commission des lois à l’époque avait déposé en mars 2009 une proposition de loi visant à réformer le champ des poursuites de la prise illégale d’intérêt des élus locaux en souhaitant changer ce terme par le terme « intérêt personnel, distinct de l’intérêt général ». Ce texte est toujours en discussion.
Personnes pouvant être inculpées de prise illégale d’intérêt
L’élu n’est pas le seul à pouvoir être poursuivi pour cette infraction. D’autres personnes peuvent être amenées à en répondre, notamment :
- les adjoints ou les conseillers municipaux agissant en tant que suppléant du maire, ou dans le cadre de leur délégation de fonction, ou pour des affaires les intéressant personnellement,
- les fonctionnaires communaux, s’ils ont participé à la préparation de l’acte en cause,
- les proches et les membres de la famille de l’élu, au titre de complices de la prise illégale d’intérêt.
Les sanctions encourues sont une peine maximale de 5 ans d’emprisonnement, 75 000 € d’amende (art. L. 432-12). Dans certains cas, le juge peut prononcer des peines complémentaires, qui ne sont pas à négliger :
- interdiction des droits civils, civiques et de famille,
- interdiction temporaire ou définitive d’exercer une fonction publique ou d’exercer l’activité professionnelle ou sociale à l’occasion de laquelle l’infraction a été commise,
- confiscation des sommes ou objets irrégulièrement reçus,
- affichage ou diffusion de la décision prononcée,
- inéligibilité pendant une durée de cinq ans.
Pour que le délit de prise illégale d’intérêt soit constitué deux conditions doivent être remplies :
-
l’élu doit avoir au moment de l’acte, la surveillance, l’administration, la liquidation ou le paiement de l’affaire dans laquelle il a pris intérêt. Lorsqu’on parle de la surveillance cela comprend les missions de préparation, de proposition, de présentation de rapports ou d’avis en vue de la prise de décisions par d’autres personnes,
-
l’élu concerné doit avoir pris, obtenu ou conservé un intérêt dans l’opération considérée. Certains élus pensent que la notion d’intérêt ne concerne que la perception directe ou indirecte de bénéfices, ou d’avantages pécuniaires ou matériels. C’est faux ! Cela peut aussi être d’ordre politique, moral ou affectif. Comme nous pouvons le voir, la notion d’intérêt très vaste …
Pour qu’il y ait prise illégale d’intérêt, cela suppose qu’il y ait surveillance et prise d’intérêt de la part de l’élu. On pourrait penser, en premier lieu que ces conditions ne sont pas réunies dans le cas d’un élu qui prendrait part à une délibération octroyant une subvention à une association dont il est président, du fait que cette structure est à caractère non lucratif. En effet, la prise illégale d’intérêt implique qu’il y ait une «relation d’affaires » avec la collectivité, ce qui n’est pas le cas lorsqu’elle subventionne une association. En revanche, on peut penser qu’une association ayant une activité de caractère commercial pourrait entrer dans le champ d’application de l’article L. 432-12….comme les services à domiciles.
En outre, une délibération qui octroierait une subvention à une association et à laquelle participerait l’élu responsable de l’association, tombera certainement sous le coup de l’article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales, qui interdit aux élus de participer aux délibérations portant sur une affaire les intéressant personnellement ou comme mandataire. La notion d’élu intéressé suppose la réunion de deux conditions : le membre du conseil municipal doit avoir un intérêt personnel à l’affaire, et la participation du conseiller doit avoir une influence effective sur le résultat du vote. Par conséquent, il est conseillé à l’élu qui serait président d’une association, sinon de s’abstenir systématiquement de prendre part aux délibérations ayant une incidence pour l’association, tout au moins de quitter la salle au moment du vote lui allouant une subvention, afin que les conseillers municipaux ne soient pas influencés.
Aussi, nous ne pouvons que conseiller aux élus politiques de faire très attention s’ils sont présidents de structures comme les CLIC, les SSIAD ou les services à domicile.
En effet ils sont amenés à voter notamment le budget de ces structures en tant qu’administrateurs mais aussi à voter les subventions pour ces mêmes structures. C’est d’ailleurs peut être pour cela que nous voyons de plus en plus de CLIC intégrés directement les services du conseil général.
Laurent GIROUX
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