Réaction du professeur Maleval suite à la publication de l’article d’un internaute

Pour lire l’article de Monsieur Botturi cliquez ici

M. Botturi propose une méthode d’évaluation des pratiques psychanalytiques avec
les autistes par objectif. Fort bien. Cela existe. Réglons-nous sur les
objectifs probants d’insertion scolaire et d’insertion professionnelle ; et
prenons pour exemple une des études les plus connues sur ce point : 4O enfants
autistes traités pendant plusieurs années à l’Ecole Orthogénique de Chicago. 47%
de résultats satisfaisants. 17 ont fait des études au lycée ou à l’université, 9
ont obtenu un emploi. Résultats publiés en 1967 par Bettelheim dans « La
forteresse vide » dont certains de ces enfants ont pu témoigner. D’autres études
semblables existent.


Convainqueront-elles M. Botturi ? En tout cas il lui échappe le point essentiel,
à savoir que la méthode qu’il propose est sans valeur pour la Haute Autorité de
Santé (HAS). Pour cette dernière, des conditions extrêmement contraignantes
doivent être mises en place, impliquant par exemple la passation régulière
d’échelles d’évaluation, et surtout une répartition aléatoire des enfants dans
plusieurs groupes traités par des méthodes différentes. Ces conditions issues de
l’Evidence Based Medicine sont tellement contraignantes pour l’établissement
d’une preuve scientifique que l’HAS aboutit à la conclusion qu’il n’existe
aucune étude probante concernant la prise en charge des autistes ! La mieux
évaluée, la méthode ABA, n’obtient qu’ « présomption scientifique »
d’efficacité, niveau B. Or, malgré la rigueur affichée, le rapport Warren de
l’académie de pédiatrie américaine, utilisant en 2011 les mêmes méthodes et une
échelle comparable, ne lui donne que la note C. La méthode ABA est par
ailleurs fermement condamnée pour des raisons éthiques par de nombreux autistes
de haut niveau. Les conclusions du rapport de l’HAS restent extrêmement
réservées, elles aboutissent au mieux à des « présomptions scientifiques » ou à
« un faible niveau de preuve».

M. Botturi me fait dire que la
psychanalyse n’est pas évaluable. Qu’il lise attentivement : elle n’est pas
évaluable par la méthodologie de l’HAS. Or les autres méthodes ne le sont pas
vraiment non plus, puisqu’aucune preuve scientifique ne peut aujourd’hui être
établie après plus d’un demi-siècle de recherches et après la publication
d’innombrables études. C’est la méthodologie de l’HAS qui n’est pas adaptée au
domaine considéré, c’est pourquoi les psychanalystes proposent une autre
méthodologie, celle des études longitudinales de cas cliniques

M. Botturi n’a pas lu le rapport de l’HAS et n’a de la psychanalyse que des
représentations caricaturales. Elle consisterait à « livrer un enfant à lui-même
dans une pataugeoire sous le regard de trois soignants » ! Caricature pour
caricature, mieux vaudrait peut-être cela que de le soumettre à des chocs
électriques, comme le prône encore récemment M. Vinca Riviere, principale
promotrice de la méthode ABA en France.

M. Botturi m’explique
plus sérieusement qu’une part de contrainte est nécessaire dans l’éducation, me
prêtant l’opinion contraire ; or je considère, comme tous les psychanalystes qui
se réfèrent à « La pratique à plusieurs », qu’un « doux forçage » constitue un
élément indispensable du traitement. La différence entre le doux forçage et les
pratiques agressantes de la méthode ABA réside dans la prise en compte des
intérêts privilégiés de l’enfant et notamment de ses objets autistiques. Ce
n’est pas par le degré de fermeté que le « doux forçage » se distingue de
l’apprentissage contraint, la différence tient à leur nature même. Le « doux
forçage » prend appui sur les intérêts du sujet ; l’apprentissage contraint sur
le savoir de l’éducateur. Le « doux forçage » s’oriente le plus souvent d’une
pédagogie active et de techniques ludiques, lesquelles, en laissant une place
aux choix de l’enfant, cherchent à l’inciter à agir, plutôt qu’à agir sur
lui.

Quant aux informations détenues par M. Botturi sur
l’étiologie de l’autisme, en des études qui feraient « enfin le tour du problème
», qu’il en fasse part à la communauté scientifique. Pour l’instant celle-ci
ignore les causes de l’autisme et la répartition entre déterminants génétiques
et environnementaux.

 

Pr J-C Maleval.
Département de psychologie.
Université de Rennes 2.