Réponse de Bernard Dov Botturi au Professeur Maleval
Monsieur Maleval
Tout d’abord je tiens à vous remercier de votre réponse, qui je pense permettra de clarifier et d’élargir le débat.
Je vais reprendre les points de celle-ci.
Dans un premier temps vous affirmez qu’il y a, qu’il y a eu des évaluations quant à l’insertion scolaire et professionnelle des enfants autistes et là vous me citez la « Forteresse vide » de Bruno Bettelheim (pages 506 à 510, de l’édition Gallimard de 1969) ! Depuis quand une auto-évaluation aurait-elle une quelconque valeur ? Comprenez que je mette sérieusement en doute les chiffres que vous énoncez.
Cela me pose question, … ne trouvez-vous pas hasardeux de faire appel à l’autorité de Bruno Bettelheim, magnifique imposteur qui sut profiter des tempêtes et des tourmentes de la 2° guerre mondiale pour se faire passer pour ce qu’il n’était pas, psychologue, psychanalyste, etc. Je n’ai pas envie de refaire le procès de Bettelheim dont les falsifications et impostures ont suffisamment défrayé la chronique aux USA. Je vous recommande de lire « Bruno Bettelheim ou la fabrication d’un mythe » de Richard Pollak, livre particulièrement bien documenté.
Vous écrivez également « D’autres études semblables existent » … Lesquelles ? Citez vos références, nous sommes entre universitaires alors un peu de rigueur. Jusqu’à la preuve du contraire je n’ai jamais eu connaissance qu’il y ait eu de quelconques études longitudinales, en France, tant sur les effets du packing (variante des cures de Sakel) ou de l’activité « pataugeoire », pour prendre des exemples, pourtant je suis de près les diverses études tant en psychiatrie qu’en psychopathologie. Alors je vous convie à lire le rapport de l’IPA « An open door review of outcome studies in psychoanalysis » de 2001, vous y découvrirez ô surprise que ces psychanalystes honnêtes reconnaissent à partir d’enquêtes longitudinales que les thérapies psychanalytiques n’ont guère de résultats en dehors du traitement des petites névroses de la vie quotidienne…
Donc bien entendu vos références ne me convainquent pas, ne me convaincront pas… car nulles.
Monsieur Maleval, ai-je une seule fois cité la HAS comme étant ma seule référence ? Le problème que j’ai posé est simple est-ce que oui ou non les effets de la psychanalyse (selon ses diverses modalités d’application) sont-ils évaluables oui ou non ?
La méthode d’évaluation que vous citez l’Evidence Based Medicine / médecine basée sur des faits probants n’est pas nouvelle dans ses principes, elle est pratiquée depuis longtemps dans les divers laboratoires de psychologie développementale, de psychopédagogie, de psycho-sociologie des organisations, de psychologie linguistique, etc. Moi-même, j’ai eu l’occasion d’appliquer ce type d’évaluation pour le compte d’un IME dans les années 1985, afin d’évaluer la pertinence du PEI (Programme d’Enrichissement Instrumental de Feuerstein) comme outil d’éducabilité cognitive. Vous écrivez au sujet de cette méthode : « Pour cette dernière, des conditions extrêmement contraignantes doivent être mises en place, impliquant par exemple la passation régulière d’échelles d’évaluation, et surtout une répartition aléatoire des enfants dans plusieurs groupes traités par des méthodes différentes. » je ne vois pas ce que cela a de contraignant, ne confondriez-vous pas contraintes et exigences scientifiques ?
Vous écrivez : « les psychanalystes proposent une autre méthodologie, celle des études longitudinales de cas cliniques », bien, mais comment et par qui seront évaluées ces études ? S’il s’agit d’auto-évaluation, cela n’a aucune valeur. Faites-le mais en observant un minimum de rigueur scientifique, qu’une personne extérieure, ou plutôt qu’un groupe pluridisciplinaire fasse un diagnostic précis avant la prise en charge et puisse à intervalles réguliers mesurer la progression de la personne en regard des soutiens proposés.
Alors que je ne vous en parle pas, vous me citez la méthode ABA, à laquelle je peux rajouter la méthode TEACCH, le programme de Denver, mais de quoi me parlez vous ? Toutes ces méthodes ne sont que des outils et comme tous les outils, ces méthodes ne prennent de sens que par celui qui les manie. J’ai connu des personnes qui maniaient la méthode ABA comme on manie un presse purée et qui avaient des résultats bien entendu catastrophiques, et d’ailleurs quelle que soit la méthode éducative qu’ils auraient pu utiliser ils auraient été tout aussi maltraitants. Ce qui compte, tout de même je ne vais pas vous l’apprendre, ces méthodes reposent sur plusieurs courants notamment celui de la remédiation de Vygotski, si des personnes sont incapables d’établir une relation de remédiation, c’est leur problème personnels mais ce n’est pas la faute de la méthode. Ne dites pas non plus que Vinca Rivière est la principale promotrice de la méthode ABA, cette méthode était bien connue avant elle, arrêtez de dire des demies vérités, elle est celle qui a introduit la méthode ABA au sein de l’université ce qui est différent ; je n’ai pas le temps ici pour faire une critique de madame Rivière, qui serait autrement plus nuancée que la vôtre qui, elle, se contente de prendre une citation de madame Rivière hors contexte. Pour revenir à ces méthodes j’ai pu assister à des séances ABA, où l’éducateur montrait une empathie et un souci éthique hors soupçon, et surtout très soucieux de la personne, … Je vous rappelle que l’un des principes de base de ces méthodes est « si la réponse à la consigne n’est pas celle attendue, c’est que la consigne a été mal formulée ou prématurée » et à partir de là se fait une analyse du feed back dans ses diverses expressions : faciales, gestuelles, etc. selon le cycle « je conçois, j’applique, je vérifie, j’évalue, je révise / j’améliore, je conçois, etc. »
Enfin les condamnations de la méthode ABA par des personnes porteuses de troubles autistiques dits de haut niveau, voire de type Asperger, me semblent tout à fait normal, si la méthode ABA est nécessaire pour l’éveil lors de la petite enfance, jusqu’à même les six ans, elle semble bien inadaptée après pour ce type de population, mais ne sommes nous pas dans un abus d’utilisation de la méthode ? Je rappelle tout de même que plus de 70% des enfants porteurs de troubles autistiques ont des QI marquant un retard mental allant de léger-moins à grave (QI entre 60 et 20)… utiliser les propos de quelques personnes porteuses de troubles autistiques dits de haut niveau n’est-il pas peu représentatif, pour ne pas dire peu pertinents ? Béla Bartók, Thelonious Monk, Glenn Gould, Ludwig Wittgenstein ne sont-ils pas des exceptions ? Et votre arguments n’est-il pas réversible car vous faites fi des autres témoignages de personnes porteuses de troubles autistiques de haut niveau qui elles critiquent la psychanalyse, comme Temple Grandin, Gunnilla Gerland, Wendy Lawson, Birger Sellin, etc. ?!
Quant à dire que je n’aurais que des représentations caricaturales de la psychanalyse, me connaissez-vous pour dire cela ? Croyez-vous que j’ai pu avoir le temps dans un simple article d’approfondir la chose ? Sachez que j’ai moi-même suivi une analyse et c’est bien pour cela que j’en connais les limites, et qu’il serait temps que la psychanalyse se cantonne à son périmètre de compétences plutôt que de s’aventurer dans un domaine dans lequel elle n’en a aucune, celui de l’autisme et de ce qu’elle nomme d’un mot fourre-tout « les psychoses infantiles ». Faut-il vous rappeler que tous les laboratoires de recherche universitaire travaillant sur l’autisme vous ont fermé la porte ?
Quant aux représentations caricaturales, je crois que vous, vous les exposez, que veut dire une expression telle que « Le ‘’doux forçage » prend appui sur les intérêts du sujet » ? Qu’appelez vous « sujet », mot plus qu’équivoque, feriez-vous référence au sujet au sens lacanien du terme, un sujet divisé, un sujet comme effet de signifiant opposé au moi qui ne serait qu’illusion, semblant, le sujet en tant que jeu phonétique entre Es (ça) et le S de sujet ? Autre question comment naissent les intérêts de l’enfant ? L’émergence de ces intérêts comment vient-elle ? Seriez-vous dans l’attente d’émergence de savoirs nouveaux, de nouages nouveaux pour reprendre vos formulations ? En saine psychopédagogie, les intérêts de l’enfant ne sont-ils pas ce que suscite l’adulte autour de lui ? Et selon les orientations que l’enfant prendra l’adulte l’accompagnera, l’étayera, le consolidera dans ses choix. Au « doux forçage, le « fort encouragement » de la méthode ABA tourné vers des attentes positives et les besoins spécifiques de l’enfant n’est-il pas préférable ?
Autre question quelle pédagogie n’agirait pas sur l’enfant ? Dès qu’un pédagogue est présent des interactions, des transactions ne se produisent-elles pas ? Quant à l’intérêt que manifeste un enfant porteur de troubles autistiques, trouveriez-vous normal de le laisser jouer avec ses fèces, voire les ingérer, trouveriez-normal de le laisser livré à lui-même dans sa bulle, ne faut-il pas poser des stimulations dynamiques pour l’amener à communiquer ? De façon plus ordinaire est-il normal de laisser un enfant manger avec ses doigts ? ne sortez pas le couplet de la « normalisation », je vous en prie, je ne fais que le rappel de règles d’adaptation sociale élémentaires qui permettent à toute personne de pouvoir vivre de façon satisfaisante pour elle-même comme pour les autres sans se paralyser dans des conflits tant internes qu’externes qui la feront rejeter par l’entourage.
Autre question, je suis très surpris que vous empruntiez un vocabulaire issu de la méthode Montessori : « prise en compte des intérêts privilégiés de l’enfant », « pédagogie active », « techniques ludiques », pourquoi habiller cette pédagogie d’une gangue psychanalytique ? Ne feriez-vous pas une récupération à moindre frais, tout comme vos collègues ont recyclé les thèses de Bowlby après sa mort et surtout après l’avoir chassé comme un chien de toutes les instances psychanalytiques ? Si vous voulez faire de la pédagogie, faites de la pédagogie et ne venez pas la légitimer par un discours psychanalytique qui n’a vraiment pas sa place.
Passons à la finale dans laquelle vous écrivez : « Quant aux informations détenues par M. Botturi sur l’étiologie de l’autisme, en des études qui feraient « enfin le tour du problème », qu’il en fasse part à la communauté scientifique. Pour l’instant celle-ci ignore les causes de l’autisme et la répartition entre déterminants génétiques et environnementaux. »
Relisez bien, ma réponse, JAMAIS je n’ai dit que les réponses sur l’étiologie de l’autisme étaient closes, simplement je faisais remarquer que vous jouiez sur les mots, que vous induisiez une confusion entre des apports scientifiques en construction et un savoir établi. Là encore, comme toute personne de la partie, je sais très bien que les causes de l’autisme sont multiples, mais ne vous appuyez pas sur le mot environnemental pour subrepticement induire je ne sais quel élément psycho-affectif. Ainsi, quand on parle de causes environnementales il est fait référence à des virus comme celui de certaines grippes, de l’alimentation de la mère, de toxines liées à la composition de tel ou tel vaccin, la candidose, etc. sans que l’on sache trop si cela est dû aux agents toxiques eux-mêmes ou à des faiblesses du système immunologique du fœtus d’origine génétique. Merci on le sait, ce qui expliquerait la diversité des types d’autismes. Mais que vous puissiez, à partir de recherches multiples, en profiter pour laisser sous entendre qu’après tout on ne peut rien dire sur les causes de l’autisme, cela n’est-il pas un tantinet manipulateur ? Je préfère supposer que vous êtes dans la méconnaissance, alors allez vous rendre sur le site Autism Genome Project, prenez connaissance des contributions de l’Inserm, etc. Cela vous évitera de dire des contre vérités indignes de l’universitaire que vous êtes. Ne dites pas qu’on ignore les causes de l’autisme, mais dites plutôt que l’on ignore l’ensemble des causes de l’autisme.
Je sais que vos collègues de l’ECF utilisent ce type d’arguments spécieux pour faire l’impasse sur l’étiologie génétique, pour formuler maintenant une cause purement spéculative, ce serait le « sujet » qui pour une raison mystérieuse refuserait d’accéder au langage, resterait à cette phase de l’Un tout seul, statut premier de l’être parlant, pour reprendre vos expressions. Expressions dans lesquelles se mélangent un discours relevant de la philosophie spéculative et de la linguistique, veuillez m’excuser mais à tout prendre je préfère lire le Parménide de Platon, la Phénoménologie de l’Esprit de Hegel ou l’Être et le Néant de Sartre que vos spéculations naïves, imprudentes et impudentes ; quant au langage, j’ai préféré travailler les grands linguistes Peirce, Jacobson, Hjelmslev, Benveniste, etc… Je vous conseille de faire ce même travail cela vous permettra de sortir de l’hyper-idéalisme lacanien (avatar radicalisé du nominalisme du XVI° siècle et des thèses de Berkeley), de Lalangue sorte de dea ex machina…, peut être cela vous permettra-t-il de sortir de vos croyances…Croyances sur lesquelles vous sacrifiez des milliers d’enfants, écoutez donc les colères et les larmes des parents d’enfants porteurs de troubles autistiques, qui n’en peuvent plus de vos interprétations douteuses, écoutez la VIE plutôt que de commenter les commentaires des commentaires des Écrits et Séminaires de Lacan.
Bernard Dov Botturi
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