Oui en France, car il semblerait que la France présente une particularité qui suscite l’étonnement chez nos partenaire membre de l’Union européenne.
L’autisme semble être chez nous une partie de bras de fer entre l’état et les familles d’un côté et les opérateurs de l’autre (institutions et service médico-sociaux, services psychiatriques).
Les débuts 1994/1996
L’état français depuis 1994 a posé le problème de la prise en charge de l’autisme, faisons un rapide historique :
1994 :
En octobre un rapport de l’IGAS fait état du retard pris par la France, ce rapport est une bombe puisqu’il remet en question la référence à la seule CFTMEA, classification des troubles mentaux d’inspiration psychanalytique qui cataloguait l’autisme dans un fourre-tout la « psychose infantile » et fait appel aux classifications de la CIM10 et du DSM-IV. Ce rapport également pointait du doigt la psychiatrisation abusive de l’autisme.
En novembre 1994, l’ANDEM, devenue entre temps la Haute Autorité de Santé, fait les mêmes constats que le rapport de l’IGAS et souligne les rapports qui existent entre troubles du développement neurobiologique, cognition et les comportements autistiques. Ce rapport de l’ANDEM introduit ainsi la psychologie cognitive et la neurologie dans l’approche de l’autisme ; ce rapport suscite des protestations des diverses sociétés psychanalytiques d’obédience lacanienne.
1995 :
Janvier, parution d’un rapport de la DAS reprenant les deux précédents rapports.
En avril parait une circulaire de l’éducation nationale, l’AS/EN n° 95-12, qui pose la question de la nécessité d’établir des centres régionaux de dépistages et de soins le plus précoce possible des enfants autistes et propose l’élaboration de plan nationaux pour l’autisme pour la mise en place de prises en charges adaptées. Cette circulaire demande également d’associer les familles à ces actions.
Ces différents rapports et travaux donnent des pistes pour redéfinir l’autisme à par partir de la Classification Internationale du Handicap (CIH) de l’OMS et des axes suivants :
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le processus morbide défini par le diagnostic ;
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l’altération des fonctions et des organes qui peut en découler, appelée déficience (aspects lésionnels, dysfonctionnement neurologiques du handicap) ;
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la limitation des gestes et actes élémentaires de la vie ordinaire, appelée incapacité (aspect fonctionnel du handicap relevant de l’éducatif) ;
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les limites dans l’accomplissement d’un rôle dans la société, considéré comme normal et défini comme un désavantage social et donc, se posent les questions de l’intégration puis de l’inclusion.
Ces axes issus de la CIH permettent de briser les cloisons entre la psychiatrie, l’éducatif et le pédagogique, de resituer l’autisme dans diverses interactions : biologiques, psychologiques, sociologiques.
1996 :
La loi n° 96-1076 du 11 décembre (dite loi Chossy/Fabius) sort enfin l’autisme de la psychiatrie, pour l’intégrer à la loi de 1975 réformant la prise en charge du handicap, ainsi l’autisme est maintenant un handicap relevant d’une prise en charge pluridisciplinaire au sein du secteur médico-social.
La suite
Le train est lancé les CRA vont se créer dans chaque région, les plans autismes vont être systématiquement reconduit. Aussi bien l’ANESM que la HAS lanceront diverses recommandations
Anesm :
Janvier 2010 : « Pour un accompagnement de qualité des personnes avec autisme ou autres troubles envahissants du développement ».
Mars 2012 : « Autisme et autres troubles envahissants du développement : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées chez l’enfant et l’adolescent »
HAS :
Juin 2005 : « Recommandations pour le diagnostic de l’autisme »
Janvier 2010 : « Autisme et TED, état des connaissances »
Mars 2012 : « Autisme et autres troubles envahissants du développement : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées chez l’enfant et l’adolescent », cette dernière recommandation a été co-élaborée avec l’ANESM.
À cela nous pouvons rajouter les nombreux travaux de l’INSERM et de divers laboratoires du CNRS, de l’institut Pasteur…
Les lois :
Toutes les lois édictées depuis la réforme des annexes XXIV d’octobre 1989 à savoir :
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La loi du 2 janvier 2002-2 rénovant l’action sociale et médico-sociale
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La loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades
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La loi du 11 février 2005-102 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées
Et la réglementation qui en découle, pouvaient faire espérer une prise en compte réelle de l’autisme, des diagnostics précoces, des évaluations des besoins multidimensionnels et l’élaboration de soutiens pertinents mais la réalité est différente.
On ne change pas la société par décrets, et face à des dispositifs remarquables l’état doit faire face aux opérateurs qui paralysent tout.
Une Réalité sombre, les professionnels dans la toute puissance, les familles désemparées
Certes il existe des établissements qui font un travail remarquable dans la prise en charge des enfants et adultes autistes, et il serait injuste de mettre tout en secteur en question, mais hélas il y a les autres, majoritaires, qui fonctionnent dans une opacité plus que regrettable, dans un entre soi marginalisant les familles et visiblement dans un mépris total de la réglementation en vigueur.
Force est de constater que la France est l’otage d’une guerre idéologique de « conflits dévastateurs », pour reprendre l’expression de l’IGAS (rapport n° 94-099 d’octobre 1994), sur les origines de l’autisme, sur les catégories nosographiques pour repérer ce syndrome et sur les techniques appropriées pour prendre en charge ces troubles. Cette « guerre idéologique » entre certains représentants d’écoles psychanalytiques et d’autres organisations se réclamant d’écoles comportementalistes et éducatives n’a, à l’évidence, pas favorisé l’émergence rapide d’une politique pouvant faire consensus. Cette guerre malgré les apports de la neuropsychologie, de la psychologie cognitive, de l’épigénétique, de la génétique comportementale continue et cela bien entendu aux dépens des personnes autistes qu’elles soient jeunes ou adultes.
L’état malgré la volonté consensuelle des différents gouvernements (de droite comme de gauche) se heurte à la résistance acharnée de certains opérateurs (établissements et services médico-sociaux et psychiatriques) d’obédience psychanalytique, qui sous des prétextes divers dénoncent dans un inventaire à la Prévert : « la folie de l’évaluation », « la normalisation », « la marchandisation du soin », « l’idéologie de la performance », « le dressage des personnes autistes », « l’animalisation de l’être humain », etc.
Ces mêmes personnes vont même jusqu’à décrédibiliser, diaboliser, criminaliser, délégitimer la Haute autorité de sante (HAS), l’Agence nationale d’évaluation de la qualité des établissements et services sociaux et médicosociaux (ANESM) et récemment les Agences nationales et régionales d’évaluation de l’enseignement supérieur. Il suffit pour cela de se rendre sur des sites tels que :
Ces opérateurs au nom de leur aura, de leur statut, d’on ne sait trop quoi bafouent toute la réglementation en vigueur telle que :
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Contrat de séjour/accompagnement imposé, sans coopération avec les parents.
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Projet personnalisé dénués d’objectifs vérifiables.
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Absence d’évaluation annuelle en coopération avec les parents.
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Absence de révision des projets en coopération avec les parents.
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Silence sur les effets des prises en charge en matière de développement des compétences, de processus d’autonomisation, d’insertion scolaire, sociale, professionnelle.
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Absence d’évaluation commune des besoins et attentes.
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Impasse sur le consentement éclairé.
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Médication sans information auprès des parents.
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Absence d’information quant aux droits des parents.
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Silence sur les traitements dits thérapeutiques (packing, pataugeoire) auprès des parents.
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Abus d’hospitalisation.
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Non prise en compte du projet de vie adopté par la MDPH.
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Déscolarisation des enfants.
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Barrage dilatoire pour avoir accès aux dossiers médicaux, éducatifs.
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….
Et cela sur un fond permanent de mensonges, de falsifications, de demies-vérités, de manipulation de l’information….
Or toutes ces personnes qui entrent en « résistance » semblent oublier une chose : ils participent à des missions de services publics, que leurs établissements et leurs salaires sont financés par des fonds publics (État, CPAM, Conseil Général), que leurs référentiels de postes sont élaborés par l’état, que leurs prestations et services sont également réglementés. Les Che Guevara assistés par l’argent public, ça va un peu !
Pour donner un exemple récent,
Une jeune fille de 14 ans, connue pour être calme, sociable, orientée en IME… pour des raisons obscures est hospitalisée, par cet IME, en secteur psychiatrique. Les parents n’ont jamais été avertis d’une évaluation quelconque, la jeune fille est mise d’emblée dans une ambulance, en présence des parents, ceux-ci désemparés signent une autorisation à « l’arraché », ils ne savent pas trop où leur fille est amenée, ils ne sont même pas autorisés à accompagner leur fille.
Les parents malgré la loi sur les droits personnes hospitalisées mettront cinq mois à faire sortir cette jeune fille de l’établissement psychiatrique. Pendant cinq mois ils se verront dénier leur droit à retirer leur consentement à l’hospitalisation obtenu dans des circonstances plus que discutables. Pendant cinq mois leur fille sera médiquée sans avis des parents. Pendant cinq mois les parents demanderont en vain l’accès au dossier médical de leur fille. Mieux les parents comme cela est obligatoire aurait dû être avertis des frais occasionnés en ont été pour leurs frais de 400 euros… L’affaire pourrait s’arrêter là, mais comme la famille a osé demander des comptes, comme la réglementation l’y autorise et que cette famille s’est fait un peu trop connaitre, les chantages, les intimidations commencent.
Des exemples comme cela nous pourrions en sortir des centaines, des milliers… jusqu’à quand cela va-t-il continuer, que faudra-t-il comme scandale pour qu’enfin le gouvernement mette fin à des pratiques qui ne sont que dénis des droits les plus élémentaires, pour que les opérateurs comprennent que le secteur médico-social ne leur appartient pas mais que ce sont les lieux de prestations au service des personnes qui leur sont confiées.
Que demandons-nous ? Simplement que les opérateurs appliquent ce que la réglementation en vigueur garantit à toute personne prise en charge par des établissements et services sociaux et médico-sociaux. Il s’agit :
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du respect de sa dignité, de son intégrité, de sa vie privée, de son intimité et de sa sécurité ;
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du libre choix entre les prestations adaptées qui lui sont offertes ;
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du droit à un accompagnement individualisé de qualité ;
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de la confidentialité des informations concernant sa situation ;
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de l’accès à toute information relative à sa prise en charge ;
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d’une information sur ses droits fondamentaux et sur les voies de recours à sa disposition ;
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de la participation directe à la conception et à la mise en œuvre du projet d’accompagnement qui la concerne ;
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du droit de recevoir les soins les plus appropriés et de bénéficier des thérapeutiques dont l’efficacité est reconnue et qui garantissent la meilleure sécurité sanitaire au regard des connaissances médicales avérées.
C’est tout ! Que l’on en finisse avec une guerre idéologique qui prend pour otage les personnes autistes, que le massacre des personnes autistes cesse, que les larmes des familles cessent, que chacun fasse son travail comme cela lui est demandé et les choses pourront aller mieux, qu’un véritable travail de coopération entre les familles, les institutions et la recherche puisse s’établir pour le mieux être des personnes autistes.
Magali Pignard & Dov Botturi
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