Bien des familles victimes de discours psychanalytiques divers se révoltent et à juste titre… elles font valoir combien ce type de discours est maintenant dénué de tout fondements, si tant est que la métapsychologie psychanalytique ait eu de quelconques fondements sérieux en dehors d’un discours séduisant… Rappelons que dès le départ ce discours fut l’objet de critiques diverses aussi bien en interne avec les scissions des divers pionniers fondateurs : Jung, Adler, Horney, Erikson, Bowlby que par des personnes extérieures comme Politzer, Wittgenstein, Watson, Baruk, Moreno, Rogers, Maslow, pour ne citer que les plus connus.
Malgré ces critiques toutes plus pertinentes les unes que les autres le discours psychanalytiques verra son triomphe s’installer dans l’ensemble des pays développés dans une période allant des années 1930 à 1970. Puis peu à peu le reflux s’est amorcé, partout, sauf en France, la psychanalyse a perdu son aura au profit d’autres approches.
Pourquoi ce triomphe des années d’or de la psychanalyse 1930/1960 ? Pour cela il faut comprendre le monde la psychiatrie ; pendant longtemps la psychiatrie ne fut qu’une science nosographique et se montrait bien incapable de donner des étiologies aux diverses maladies mentales et la thérapie était on ne peut plus rudimentaire.
La psychanalyse était la première approche à donner une explication étiologique aux diverses maladies mentales et à proposer une thérapie, même si les résultats se montraient inconsistants en dehors du traitement des petites névroses de la vie quotidienne.
De fait en donnant la parole aux « fous » la psychanalyse représentaient culturellement une approche alternative à la relégation des personnes dites incurables au fin fond de l’univers asilaire.
Puis peu à peu les choses se mirent à changer par diverses révolutions :
Celle des psychotropes, il faudra attendre les années 1950 pour qu’apparaissent peu à peu les grands psychotropes (sel de lithium en 1949, chlorpromazine connue sous le nom de Largactil en 1952 premier neuroleptique, 1954 découverte du méprobamate et des benzodiazépines premiers anxiolytiques diffusés sous les noms de Librium, Équanil, Procalmadiol, 1957 : découverte des premiers antidépresseurs l’iproniazide et l’imipramine diffusés sous les noms de Rimifon, Marsilid, Tofranyl, etc.) La découverte progressive des neurotransmetteurs permet depuis les années 1990 d’élaborer des psychotropes plus fins et surtout avec de moins en moins d’effets secondaires.
Puis dans ces mêmes années 50 et 60 apparaissaient les premiers fondateurs de la psychologie cognitive : Bandura, Beck, Harper, Ellis, Abramson, Seligman, Teasdale, Van der Linden, Ceschi, Ionescu, Festinger la plupart étant des transfuges de la psychanalyse, psychologie qui repose radicalement la construction des représentations mentales en interactions avec l’environnement.
À partir des années 1960, la neurologie commence à s’affirmer par les outils d’investigations qui s’affinent : l’électro-encéphalogramme, l’électromyographie, les angiographies, le doppler, la myélographie. L’imagerie statique et l’imagerie dynamique fonctionnelle constituent les acquis les plus importants de la période contemporaine : le scanner ou tomodensitométrie, la R.M.N. (résonance magnétique nucléaire), la débit-métrie, etc., font désormais partie de toute démarche diagnostique. Ces nouveaux instrument vont permettre une révolution quant à la compréhension de notre cerveau, du fonctionnement du psychisme humain, c’est l’ère des grands découvreurs : Eccles, Edelman, Damasio, Eustache, Seron, Baron, Le Moal, Jeannerod, Houdé, Serge Dalla-Piazza, etc….
Enfin, il y a depuis 2002 les différents apports de la génétique comportementale et de l’épigénétique : Pinker, De Fries, Plomin, etc. qui ouvrent mois après mois de nouvelles perspectives.
À cela nous pourrions aussi apporter les différents apports de la psychologie expérimentale et développementale….
Tous ces apports non seulement ont complètement ruiné les fondements des métapsychologies psychanalytiques (Freud, Klein, Lacan) mais aussi proposent de nouvelles voies de compréhension, de thérapies nouvelles et de prévention de la santé mentale.
Il serait naïf de croire que les grands pontes de la psychanalyse soient ignorants des avancées des dernières décennies concernant le fonctionnement du psychisme humain. Certes vous avez la piétaille des dévots, mais les chefs de cliniques, professeurs ne sont points des dévots, ils participent à suffisamment de colloques et congrès divers pour savoir à quoi s’en tenir…. Alors pourquoi continuent-ils à soutenir un discours qu’ils savent dépassé, désuet, dénué de tout intérêt tant scientifique que thérapeutique ?
Posons-nous les questions, les bonnes questions …. Pourquoi sont-ils entrés en psychanalyse ? Dans les années 1970 et 1980 cette dernière bénéficiait d’une aura plus que certaine, elle était entrée dans la culture française par le biais de médiatisation de prisunic, Pierre Daco comme Françoise Dolto ont su faire de la psychanalyse une composante « incontournable » de notre culture. Devenir psychanalyste ce n’était pas seulement un choix professionnel, c’était aussi devenir membre d’un réseau puissant aux ramifications multiples. Être psychanalyste c’était un moyen d’obtenir des avancements, des postes, des honneurs universitaires, médiatiques, une clé pour se faire éditer, participer à des congrès, tenir des rubriques dans divers magazines, animer des émissions à la radio ou à la télévision , etc…. ne soyons point dupes devenir psychanalyste était un moyen de domination, de conquête du pouvoir, d’accession à des promotions fulgurantes.
Ceux, qui dans cette période faste ont voulu quitter la psychanalyse, ont été très rapidement marginalisés, condamnés, réprouvés, l’un des cas des plus célèbres est celui de Bowlby qui fut en 1962 exclu de toutes les instances psychanalytiques, après avoir été traité comme un chien par Joan Riviere et Winnicott, il faudra attendre plus de 20 ans pour que son œuvre soit enfin reconnue.
Quant à ceux qui voulaient poser un regard critique sur la psychanalyse ils furent très vite condamnés et la maffia psychanalytique par le biais de son omniprésence dans les maisons d’éditions et les média dressait un véritable index des livres à ne pas publier ou à traduire en langue française. Quand par hasard un livre passait à travers les mailles du filet comme « Par delà la liberté et la dignité » de BF. Skinner, il était vite catalogué de nazisme, de fascisme, décourageant ainsi toutes velléités de lecture…. Plus récemment le public a pu voir la même tentative envers le « Livre noir de la psychanalyse » ou « Le crépuscule d’une idole ».
Seules quelques personnes ont osé quitter la psychanalyse, et dès qu’ils le firent, ils furent frappés d’ostracisme.
Dans ce contexte quel chef de clinique psychiatrique ou pédopsychiatrique oserait critiquer la psychanalyse ? La critiquer ne serait-ce point pour parler vulgairement « cracher dans la soupe » ? Prendre le risque de la marginalisation ? Quel courage ne faudrait-il pas pour briser la loi du silence et en même temps renoncer à ses privilèges ?
Le problème de la psychanalyse se redéfinit comme enjeu de pouvoir, de domination, l’enjeu n’est pas de savoir si elle est valide ou non, la question aujourd’hui est de savoir quels rapports de domination, de pouvoir elle garantit.
Nous avons un exemple avec la CIPPA, dont les fondateurs sont prêts à toutes les contorsions intellectuelles et acrobaties pseudo-scientifiques, dont la neuroanalyse est un spécimen savoureux ; les concessions aux méthodes éducatives se font, oui, mais à une condition que ce soient eux et eux seuls qui gardent les rênes du pouvoir !
D’ailleurs, il est légitime de se poser la question de pourquoi les psychanalystes tiennent-ils tant à garder la main mise sur l’autisme, alors que visiblement leurs compétences en ce domaine s’avèrent bien faibles pour ne pas dire nulles en regard de toutes avancées scientifiques concernant l’autisme ? Des réponses s’imposent :
1. S’ils lâchent sur l’autisme ce serait une brèche dans la forteresse aux ramifications multiples qui garantit leur pouvoir.
2. C’est également lié au fait que lâcher sur l’autisme, c’est reconnaitre qu’ils se seraient trompés, or la remise en question est quelque chose d’intolérable pour eux, je dirais même qu’il y a une sorte de verrou intellectuel qui les ferme à toute critique, même la plus fraternelle, verrou intellectuel bien fermé par le sentiment plus ou moins inconscient de toute puissance qui les habite.
3. lâcher sur l’autisme s’est se retirer de tout le champ de la « psychose infantile » et donc de tous les territoires qu’ils ont assujettis : CAMSP, CMPP, IME, ITEP etc… Et par voie de conséquences des « psychoses infantiles vieillies » : MAS, FAM, Foyer de Vie, autrement dit c’est pratiquement l’ensemble du secteur médico-social qui leur échapperait.
4. lâcher sur l’autisme, c’est ouvrir la porte à des alternatives, des pratiques fondées sur les apports des neurosciences, de la psychologie expérimentale, de la génétique comportementale, bref c’est ouvrir la porte à d’autres références que pour l’instant ils arrivent à confiner aux domaines de la recherche ou du secteur libéral. Cet endiguement leur permet d’avoir la mainmise sur la pratique, la digue sautant très rapidement, les personnes vont se rendre compte que derrière leur enflure verbale il n’y a que du vent.
5. Lâcher sur l’autisme par effet de dominos va permettre l’entrée d’autres courants dans les IRTS et autre institut de formation des travailleurs sociaux et médico-sociaux, or là aussi c’est ce territoire qu’ils ont colonisé et qui leur permet d’être soutenus dans les établissements sociaux et médico-sociaux par les armadas d’éducateurs, AMP formatés par eux.
6. lâcher sur l’autisme c’est la fin de leurs pouvoirs, de leurs statuts, de leur prestige, de leur aura.
7. lâcher sur l’autisme c’est banaliser la psychanalyse, qui deviendrait alors une approche parmi d’autres, qui perdrait ainsi sa prétention à être le savoir des savoirs, les autorisant une attitude de surplomb.
Quelle stratégie adopter pour en finir avec que ce qui n’est qu’une posture cynique de conservation du pouvoir ? Parmi les stratégies possibles, il y a en une qui se dégage, faire de sorte que les pertes, les dommages soient plus importants que les gains et avantages. Comment procéder ? Entre autres en utilisant l’arsenal juridique que donne la réglementation actuelle pour les bénéficiaires de l’action médico-sociale et psychiatrique, réglementation qui garantit à toute personne les droits :
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au respect de sa dignité, de son intégrité, de sa vie privée, de son intimité et de sa sécurité ;
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au libre choix entre les prestations adaptées qui lui sont offertes ;
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au droit à un accompagnement individualisé de qualité ;
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à l’accès à toute information relative à sa prise en charge ;
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à une information sur ses droits fondamentaux et sur les voies de recours à sa disposition ;
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à la participation directe à la conception et à la mise en œuvre du projet d’accompagnement qui la concerne ;
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au droit de recevoir les soins les plus appropriés et de bénéficier des thérapeutiques dont l’efficacité est reconnue et qui garantissent la meilleure sécurité sanitaire au regard des connaissances médicales avérées.
C’est en utilisant les divers recours que donne la loi en vigueur que peu à peu, après recours perdus les uns après les autres, voire des procès au civil et au pénal, que la posture psychanalytique apparaitra comme dangereuse, néfaste…. et pour pouvoir garder leurs pouvoirs, statuts et honneurs que des gens les uns après les autres « retourneront leur veste » et le reste s’écroulera comme un château de cartes.
Mais le combat ne sera point fini, car il faudra protéger le secteur médico-social et psychiatrique, faire de sorte qu’il ne soit plus l’enclos d’une arène politique, mais qu’il soit régulé par diverses instances assurant un fonctionnement démocratique en vue de l’intérêt supérieur de ses bénéficiaires. Vision optimiste, non celle d’un optimisme tragique qui est celle de tout humaniste qui sait qu’il a toujours à se battre contre ce qui est (l’ordre établi) pour ce qui doit être, et là vient la réflexion éthique qui sera l’objet d’un prochain article
Bernard Dov Botturi
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