Assistants sexuels pour handicapés: de quel droit le comité d’éthique s’en mêle-t-il ?

Par Marianne Chargois, Travailleuse du sexe, performeuse, contortionniste

Source : http://leplus.nouvelobs.com/

Le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) vient de rendre public son avis sur la question des assistants sexuels à destination des personnes handicapées : c’est non. L’instance s’appuie essentiellement sur des motivations d’ordre moral. Pour Marianne Chargois, ex-assistante sexuelle, performeuse, contorsionniste et travailleuse du sexe, cette décision est scandaleuse.

(Édité par Hélène Decommer  – Auteur parrainé par Celine Rastello) 

Le Comité consultatif national d’éthique a rendu un avis défavorable sur l’assistance sexuelle aux handicapés (JS EVRARD/SIPA)

Mais de quelle éthique parle-t-on ? Quelle est donc cette parodie d’avis qui a été rendu ?

La lecture de celui-ci dans son intégralité et la niaiserie des arguments avancés prêteraient à sourire si le sujet n’était pas aussi grave, si des personnes n’étaient pas concernées dans leur corps, si le point aveugle contre lequel se heurtent les libertés en matière de sexualité ne donnait pas tant envie de pleurer.

Chaque élément de réflexion avancé par ce comité – qui n’a d’éthique que le nom – est affligeant de morale bien-pensante. Il ne s’agit que d’un concentré de représentations en matière de sexualité des personnes composant le groupe. Par ailleurs, un coup d’œil à la liste des personnes auditionnées en dit long sur le simulacre d’ »impartialité » du groupe du travail : deux porte-parole du Mouvement du Nid, aucun(e) représentant(e) du Strass (syndicat du travail sexuel), aucune personne pratiquant l’assistance sexuelle ni travailleur(euse) du sexe.

Autant dire que l’affaire était pliée d’avance, le débat était biaisé, il n’a même jamais eu lieu. Tel un chercheur qui sait au préalable ce qu’il veut trouver, le comité a regardé là où ça l’arrangeait, là où il serait conforté dans ce qu’il avait déjà décidé : l’assistance sexuel n’aura pas lieu.

Paternalisme et argumentation hypocrite

Il n’a pas non plus eu peur de se compromettre avec des propos de paroisse pour légitimer son affligeante conclusion, tout y passe : la sexualité sacralisée et indissociable de l’amour, diabolisation de la pornographie, personnes handicapées qui auraient en réalité simplement une demande affective derrière la demande de sexualité.

Mais la palme de l’énormité revient à l’argument qui prétend protéger les personnes concernées – à savoir la personne handicapée elle-même et l’assistant(e) sexuelle – de toute implication émotionnelle, qui serait forcément vectrice de souffrances affectives. Le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) a la prétention de vouloir protéger les individus des sentiments qu’ils peuvent potentiellement éprouver. Quel projet ! Mais dans ce cas, l’éthique serait de chercher à protéger tous les individus de ce grand malheur, et non pas les seules personnes handicapées et les travailleurs(euses) du sexe. Et oui, la jalousie, la déception amoureuse, les sentiments contrariés, sont puissants. Ils peuvent même tuer, les suicides et crimes passionnels nous le montrent régulièrement. Pourtant, il me semble qu’il n’a jamais été envisagé d’interdire les jeux amoureux, les rencontres sexuelles, les flirts, ou les amitiés fusionnelles, afin de protéger les individus d’éventuelles déceptions et blessures intérieures.

Alors pourquoi cette exception faite aux personnes handicapées, ainsi qu’à celles percevant de l’argent pour une prestation sexuelle ?

Vouloir protéger les personnes d’elles-mêmes et de leurs ressentis est particulièrement intrusif, infantilisant et paternaliste.

Pour le Comité d’éthique, c’est « pas de bras, pas de chocolat »

Pour le CCNE, la sexualité est si grave qu’il faut protéger, même de force, ces pauvres inconscients qui seraient prêts à s’y livrer à la légère, avec argent et sans passion amoureuse. Le CCNE ne respecte pas le consentement de deux individus pourtant dans leur majorité sexuelle.

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