Une loi pour le vieillissement : c’est parti !
14 octobre 2013 – Blog de Jérôme Guedj
Je me félicite sans réserve de l’annonce du Premier ministre ce matin (voir sur le portail du gouvernement). Nous en rêvions depuis des années, ce gouvernement va enfin la proposer (là où ses prédécesseurs, sous Nicolas Sarkozy, ont procrastiné pendant 5 ans) : une loi d’orientation et de programmation pour l’adaptation de la société au vieillissement sera bien présentée devant le Parlement avant la fin de l’année 2014.
Pour la première fois un calendrier précis confirme les engagements du Président de République :
– concertation jusqu’au 31 décembre 2013 ;
– transmission du projet de loi de programmation à l’avis au Conseil économique social et environnemental (CESE) entre le 1er janvier et le 31 mars 2014 ;
– présentation du texte en Conseil des ministres entre le 21 mars et le 21 juin 2014 ;
– vote par le Parlement avant le 31 décembre.
Cette loi reprendra les trois « A » annoncés par Michèle Delaunay, la Ministre des Personnes âgées et de l’Autonomie : anticipation, adaptation de notre société et accompagnement de la perte d’autonomie. Comme l’avait indiqué le Président de la République lui-même fin janvier 2012, elle se déclinera sur toute la durée du quinquennat : une première étape avec la réforme de l’APA à domicile, des mesures relatives à la prévention et des mesures pour l’aide aux aidants ; une deuxième étape sur l’accompagnement et les soins en établissement intégrant des mesures pour réduire des restes à charge des résidents et de leurs proches.
Parce que toutes les mesures susceptibles d’améliorer la prise en charge du vieillissement, et notamment de la perte d’autonomie, ne relèvent pas nécessairement de cette future loi, je souhaite que des mesures d’anticipation de cette loi, fidèles à son esprit et ses objectifs, soient arrêtées dès cette année dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS 2014) et dans le budget de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) qui doit être adopté le 19 novembre prochain. Comme membre du conseil de la CNSA et comme parlementaire, avec plusieurs de mes collègues, je défendrai des propositions de mesures nouvelles financées par l’utilisation des réserves de la CNSA et au moins une partie de la Contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie (CASA) dès 2014.
Je propose 10 propositions d’actions susceptibles d’être engagées dès 2014 et reprises dans la future loi, une boite à outils pour nourrir le débat avec le Gouvernement et avec les membres du Conseil de la CNSA.
Je suis convaincu que cette future loi et les actions d’amélioration de la prise en charge qui peuvent être engagées dès à présent constitueront un marqueur de ce quinquennat. La révolution du « bien vieillir » est notre avenir à tous, le Gouvernement de Jean-Marc Ayrault nous propose résolument de préparer cette transition gérontologique et d’améliorer les réponses collectives qu nous devons apporter aux personnes âgées d’aujourd’hui et de demain.
Adaptation de la société au vieillissement :
En attendant la future loi, un plan d’actions dès 2014
1) Revaloriser l’APA à domicile
Depuis sa mise en place le 1er janvier 2002 l’APA n’a pas été revalorisée, sans compter que le seuil de ressources pour pouvoir en bénéficier a été relevé dès 2003 par décret du Gouvernement Raffarin. Ainsi en 2011, 26% des plans d’aide étaient « saturés », c’est-à-dire d’un montant égal au plafond, laissant une part à la charge des personnes âgées à domicile de plus en plus importante. Alors que l’APA permettait en moyenne de financer 56h par mois, en janvier 2013, elle ne permet plus d’en financer que 41h.
Je propose par conséquent de revaloriser les montants des plans d’aide lors des renouvellements des demandes d’APA et ce dès le 1er janvier 2014. Le coût estimé de la mesure s’élève à 150 M€. Compte tenu du coût important de l’APA qui pèse actuellement sur les Conseils généraux qui paient aujourd’hui plus 70% de la dépense d’APA, cette revalorisation en 2014 est imputée à 100% sur la CNSA. Cette mesure ne présume pas des inflexions pus signifivatives de l’APA que la future loi pourra apporter.
La revalorisation de l’APA à domicile permettra aussi aux personnes âgées et à leurs aidants d’avoir plus recours aux accueils de jour. En effet, l’APA actuelle leur permet difficilement de payer en plus de l’accueil de jour.
Concrètement pour les bénéficiaires de l’APA et pour leur famille cette mesure leur permettra lors du renouvellement de la prestation de revenir au niveau moyen d’aide en 2002, c’est-à-dire 56h/mois en moyenne.
2) Mettre en place un fonds de développement de l’aide et des soins à domicile
Depuis 1998, les activités d’aide à domicile, qui représentent en 2009, 10% des effectifs associatifs ont vu l’emploi plus que doubler (+ 91 000) et la masse salariale plus que tripler.
Cependant depuis fin 2009, le secteur de l’aide et de l’accompagnement à domicile se trouve dans une situation financière difficile en raison de la crise qui réduit les capacités financières de la plupart de ses contributeurs, en particulier des conseils généraux, alors même que les besoins de la population à domicile vont croissant et se diversifient sous l’influence de changements culturels et générationnels importants. En 2010, la branche de l’aide à domicile avait enregistré 8 700 pertes d’emplois démontrant que ce secteur d’utilité sociale, jusqu’alors créateur d’emplois s’est enfoncé dans les difficultés.
C’est pourquoi il est proposé des créer un fond de développement de l’aide à domicile sous deux formes : un fonds de garantie et un fonds d’investissement.
Le premier, cogéré par l’Etat (via CNSA) et les représentants de la branche permettra la prévention des situations à risque en assurant un accompagnement obligatoire des services concernés, en attendant que soit mise en uvre une réforme de ma tarification des services à domicile sur la base des expérimentations menées par l’ADF et les représentants du secteur. 50 M€ supplémentaires lui seraient attribués, en sus des 50 M€ débloqués en urgence en 2012 et complétés par 50 autre M€ en 2013. Rappelons en effet, que cette aide permettra au secteur du domicile de créer à nouveau des emplois : le conseil d’analyse stratégique estime que d’ici 10 ans près de 160 000 emplois à domicile vont être créer.
Concrètement pour les résidents et leurs proches, cela leur permettra de conserver des services à domicile près de chez eux et de répondre mieux à leurs besoins d’aide.
Le deuxième, doté à la base par l’Etat de 50 M€ (via par exemple la Caisse des dépôts et de consignation) permettrait le développement de réponses innovantes et d’initiatives proposées par les services de la branche. Il pourrait par ailleurs être ouvert aux industriels du secteur qui souhaitent développer des solutions technologiques en faveur du maintien à domicile et favoriser ainsi le développement de la silver économie.
3) Accélérer la professionnalisation à domicile
Les crédits de la section IV du budget de la CNSA, ressources spécifiquement dédiées à la modernisation et à la professionnalisation du secteur de l’aide à domicile, cofinancent :
– la modernisation et la structuration des services d’aide à domicile ;
– la promotion des actions innovantes permettant le maintien à domicile ;
– la professionnalisation des salariés de l’aide à domicile, y compris ceux exerçant en emploi direct ;
la qualification des personnels soignants des services de soins infirmiers à domicile (SSIAD), des services polyvalents d’aide et de soins à domicile (SPASAD) et des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) et pour personnes handicapées.
Dotés de 72,1 M€ en 2013, je propose de les doubler tant il est important que les professionnels qui accompagnent les personnes âgées les plus vulnérables soient qualifiés.
Cette disposition permettra aux personnes âgées et à leur famille d’être aidés par des professionnels mieux formés. Coût estimé de la mesure pour 2014 : 72 M€
4) Améliorer l’attractivité des métiers à domicile
Temps non complets et salaires bas, les métiers du domicile souffrent d’un déficit d’attractivité important alors que ce sont des emplois de proximité et non délocalisables dont ont de plus en plus besoin les personnes âgées en perte d’autonomie.
Il est proposé d’augmenter la valeur du point de la convention collective de la branche de l’aide, de l’accompagnement, des soins et des services à domicile de 1% en 2014. Le coût estimé de cette mesure est de 41 M€. Afin qu’il ne pèse pas sur les budgets des conseils généraux, je propose qu’il soit compensé dans sa totalité par la CNSA.
Pour les personnes âgées et pour leur famille, cette mesure leur garantira que les professionnels qui les aident et les accompagnent à domicile restent durablement à leurs côtés.
5) Faciliter les recrutements et la formation de jeunes en emploi d’avenir à domicile et en établissement
Au total, sur les deux secteurs (établissements et services médico-sociaux (2 850 emplois d’avenir prévus) et aide à domicile (4 000 emplois d’avenir prévus)), l’apport financier de la CNSA est estimé à 11,3 M€ en 2014.
Il est proposé de doubler le montant de cette aide dès 2014 pour accélérer les recrutements et les formations des jeunes. Coût de la mesure : 11 M€.
Cette mesure permet d’anticiper les besoins de recrutement du secteur de l’aide à domicile dans les 5 ans et évitera aux personnes âgées et à leurs familles de trop grandes difficultés de recrutement. Elle permettra d’accompagner le déjà prometteur développement des emplois d’avenir dans le secteur médico-social et du domicile.
6) Introduire des MIG et des AC dans la tarification des EHPAD
Les EHPAD sont actuellement soumis à une tarification soin automatique sur la base d’une équation tarifaire qui ne tient pas compte des spécificités liées à leur environnement et au contexte dans lequel ils se trouvent.
Il s’agit donc d’identifier et de valoriser les missions d’intérêt général remplies par les établissements, par la création de Missions d’intérêt général (MIG) et d’Aides à la contractualisation (AC).
Les MIG et AC permettent de compenser les frais liés à la prise en charge notamment par le secteur public et non lucratif de missions spécifiques de publics particuliers ou encore à l’installation dans une zone géographique isolée. Ces MIGAC peuvent être définies au niveau local pour chaque établissement et service par les agences régionales de santé, sur la base de critères définis au niveau national : habilitation majoritaire à l’aide sociale à l’hébergement, la mise en oeuvre d’actions de prévention, l’accueil de personnes âgées souffrant de maladies neuro-dégénératives ou de publics socialement exclus, l’implication des établissements et services dans des filières gériatriques autour du parcours des personnes âgées, leur rôle de coordination sur le bassin de vie, la signature d’un contrat pluriannuel d’objectif et de moyens
Je propose d’y consacrer 63 M€ dès 2014.
Pour les personnes âgées et leurs familles, cette mesure permettra de mieux tenir compte de la situation géographique de l’établissement et de la qualité des soins et de l’accompagnement qu’il propose et leur assurera une meilleure adéquation entre les professionnels présents dans l’établissement et le niveau de prise en charge.
7) la suspension de la convergence tarifaire pour les EHPAD
La convergence tarifaire a été organisée par la LFSS 2009 pour les EHPAD. Elle consiste en 5 ans, voire en 15 ans si l’établissement a contractualisé dans le cadre d’un CPOM, à ramener les établissements dont la dotation est supérieure aux tarifs plafonds, à ce niveau.
Elle touche quasi exclusivement les établissements associatifs et publics et ne tient pas compte des missions exercées par ces structures.
Par conséquent, il convient de mieux délimiter et chiffrer le coût des missions spécifiques d’intérêt général exercées par les secteurs publics et non lucratifs avant d’engager une démarche de convergence tarifaire.
La démarche de convergence tarifaire devrait donc être suspendue dans l’attente de la définition de ces missions.
Le coût de cette proposition est de 13 M€.
Pour les personnes âgées qui se trouvent dans un EHPAD touchés par la convergence tarifaire, cela leur éviter de voir baisser le nombre d’aides-soignants et d’infirmiers qui s’occupent d’elles.
8 ) Doubler le plan d’aide à l’investissement pour les établissements médico-sociaux
L’aide à l’investissement de la CNSA pour les établissements médico-sociaux s’est élevée à 113 millions d’€ en 2011, 120 M€ en 2012 et 120 M€ en 2013.
Cette aide à l’investissement est particulièrement importante en EHPAD où elle contribue à faire diminuer l’augmentation du reste à charge pour les résidents et leur famille. En effet, sans aide tout le coût de l’investissement est reporté exclusivement sur les tarifs d’hébergement dont s’acquittent les personnes âgées et leurs proches ; tarifs déjà élevés puisque le tarif hébergement moyen en 2007 s’élevait à 2 097 €/mois en établissement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) privés, à 1 552 €/mois en EHPAD privé à but non lucratif, à 1 390 €/mois en EHPAD public autonome quand le niveau moyen des retraites est de 1 400 €/mois, et de seulement 1 102 €/mois pour les femmes, qui représentent 75% de la population en EHPAD.
C’est pourquoi je propose de doubler le montant du PAI 2014 pour le porter à 240 M€.
Cette aide supplémentaire assurera aux personnes âgées qui vivent dans un établissement qui a besoin d’être rénové, un impact de la réhabilitation sur les prix de journée moins important que sans subvention (2 à 5 € par jour en moins, soit de 60 à 150 € d’économies par moi).
9) Améliorer le congé d’accompagnement de fin de vie
Depuis 2010, le congé de fin de vie permet aux salariés de bénéficier d’une allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie pendant 21 jours maximum.
C’est bien mais il serait bienvenue de ne plus le limiter qu’au seul moment de fin de vie mais de l’étendre aux périodes de crise que rencontrent les aidants : hospitalisation de leurs proches, recherche d’une place en EHPAD, décès de l’un des conjoints…
Pour ce faire, il est proposé de modifier les conditions d’octroi de ce congé et de doubler les financements qui lui y sont consacrés de 20 M€ à 40 M€.
Concrètement, une famille qui aura besoin de trouver une place en EHPAD pour un de ses parents âgés pourra bénéficier de ce congé.
10) Des formations pour les aidants qui travaillent
49% des aidants exercent une activité professionnelle et ce nombre ne va cesser d’augmenter du fait à la fois du recul de l’âge de départ à la retraite et du recul de l’âge du premier enfant.
Mieux les informer et les former au titre des actions de formation continue constituerait un soutien appréciable pour les aidants et les entreprises.
Concrètement cette mesure offrira plus de disponibilité à leurs proches pour les premiers ; et moins d’absentéisme de la part de leurs salariés pour les seconds.
La CNSA pourrait participer au financement de ces formations en signant des conventions avec les organismes paritaires collecteurs agréées (OPCA) intéressés. Je propose qu’elle y consacre 10 M€ dès 2014.
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