Cinq questions à Pierre Caro
I – En quoi la retraite et le vieillissement sont une étape particulièrement importante ?
C’est la possibilité d’une espérance de vie de trente, quarante ans et plus durant laquelle nous devons tout mettre en œuvre pour demeurer acteur dans et avec une société composée maintenant de quatre, cinq voire six générations.
Plus aucun Etat démocratique au monde ne peut envisager une politique du futur sans prendre en compte l’augmentation des populations en nombre en même temps que l’allongement de l’espérance de vie au-delà de soixante ans, au moins pour les prochaines décennies.
II – Comment vous y employez vous ? Pourquoi vous sentez-vous obligé de continuer à apprendre ?
Lors de mon entrée en situation de retraite, j’ai décidé de continuer ma vie familiale, amicale, de loisirs… et j’ai transformé le temps libéré du travail obligé de ma carrière en un temps de travail choisi, appris, compris et entrepris.
J’ai choisi, durant mes quatre premières années de retraite passées à l’Université, de demeurer professionnel en prenant la qualification de «chercheur autodidacte et artisan retraite et vieillissement».
Le mot artisan est important, il signifie que je m’oblige à mettre en pratique mes réflexions.
Je suis donc, d’une façon éthique et responsable, «obligé» de continuer d’apprendre, tout au long de ma vie, pour être connu et reconnu dans mes engagements professionnels.
III – Vous prétendez que le travail est un élément essentiel de la vie. Comment se prépare-t-on à ce «nouveau travail» en situation de retraite ?
Il importe qu’il soit choisi et entrepris avec plaisir et bonheur. Il le sera d’autant mieux qu’il sera préparé, comme un projet «personnel et collectif».
Personne ne peut prétendre préparer cette étape de plusieurs décennies en quelques jours. C’est pourquoi j’attache beaucoup d’importance à ce temps de réflexion entre la fin de la carrière obligée et celle à commencer.
C’est aussi apprendre ou réapprendre lorsque l’on a dépassé cinquante ans en revisitant nos savoir être, savoir-faire et expériences pour les transformer en outils pour mener cette nouvelle étape.
IV- Apprendre après 50 ans ?
Les conséquences des irrémédiables progrès modifient sans cesse nos environnements. Ceci nous oblige à essayer d’apprendre pour comprendre, à défaut de maîtriser, un grand nombre de connaissances, à être attentifs aux informations du monde tout au long de notre vie.
Il ne s’agit pas d’obtenir un diplôme, mais pourquoi pas ! Il s’agit surtout de prendre conscience que le travail devient libre. Celui de la carrière obligée est révolu. Nous n’apprenons plus pour une production obligée, réglementée, soumise, mais pour nous-mêmes, pour ce que nous voulons apporter aux autres, à la société.
Cette liberté est difficile à maîtriser. Le pire échec serait de penser que «nous avons fait notre temps de travail»
Apprendre à toujours mieux exercer sa profession ou en apprendre une autre ne suffit plus.
Il faut aujourd’hui apprendre à maîtriser nos environnements. Les applications informatiques, la multiplicité des médias et leur rapidité d’action, peuvent être les pires et les meilleurs de nos outils.
Apprendre à devenir ou à rester un citoyen libre, digne, altruiste, compétent, nécessite de posséder des bases de géopolitique, de sociologie, d’ethnologie, des sciences du vivant…
V- Des conseils ? En définitive, travailler au bonheur d’autrui, n’est-ce pas le principal conseil que vous donneriez ?
Je n’ai pas de conseil à donner. Je souhaite partager mes expériences et mon travail sur « le projet de retraite et de la maîtrise du vieillissement» en invitant ceux qui le souhaitent à échanger en réciprocité.
Je n’oublie pas les personnes en difficulté, celles malades, celles handicapées, celles en situation, d’exclusion, d’isolement… C’est dans un partenariat réel et sincère avec le plus grand nombre d’entre nous que nous devons faire le monde. Nous devons continuer de lutter contre la misère et la violence, lutter pour la justice, pour la dignité de chacun et de tous. De ce travail dépend le bonheur de vivre ensemble dans la paix, le respect de soi et des autres
C’est là une véritable profession. C’est pourquoi nous prétendons demeurer «retraités professionnels»
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