Réactions au billet d’humeur

Suite au billet d’humeur de Jean-Michel CAUDRON "Le système de surveillance de trop?" nous avons eu plusieurs réactions dont celles-ci :

 

Bonjour,
Bravo sur votre coup de gueule concernant la surveillance en
hébergement et les palpeurs de lit médicalisé.
Nous allons vers le
meilleur des mondes où pour préserver la vie des hommes et des femmes : ceux ci
seront enfermés dans des systèmes totalitaires, ignorant leur liberté.

Le
stade suivant, c’est la machine automatique de survie pour les grands vieillards
dépendant qui seront "monitorisés" pour la nourriture, l’élimination de
excéments et la toilette, climatisés et drogués pour vivre quelques mois de
plus. Une vision infernale que la technologie peut concrétiser sans difficultés
majeures.  Il y a certes le coût, mais un financier malin ou manipulateur
 démontrera sans problème la rentabilité d’un tel investissement qui permet
d’abaisser substanciellement le ratio personnel/résident dans un système
d’hebergement hi-tech!

[…]

Très cordialement

Daniel Carré

————

 

Mon Cher
Jean-Michel,

Investi
depuis de nombreuses années auprès des personnes âgées et surtout celles en
perte d’autonomie (je
devrais dire: "personnes en situation de handicap quel que soit leur
âge
"), je ne peux te laisser réagir comme cela face aux avancées
technologiques !

Le principe
de base est l’AUTONOMIE dont l’une
des définitions pourrait être: "liberté de comportement d’un
individu, faculté d’agir avec
indépendance".

Lorsque nous
sommes autonomes (ou croyons l’être…), nous pouvons choisir librement notre
façon d’agir, dans la mesure ou nous respectons certaines règles établies.
Mais lorsque pour une
raison ou pour une autre, nous perdons cette capacité d’agir par nous-même, nous
sommes quelque fois bien contents de pouvoir nous "appuyer" sur une technologie
pour pallier cette déficience.

Prenons quelques exemples acceptés de
tous, comme les exemples médicaux,
qui sont souvent de bons exemples,
car passés par la moulinette de "l’éthique".

-Certains
malades sont à haut risque de mort subite par arrêt cardiaque. Trois solutions
s’offrent à eux lorsqu’ils survivent à un premier arrêt du coeur: rester sous
surveillance et monitoring dans un hôpital, rentrer chez eux et attendre le
prochain accident… ou bien rentrer chez eux, mener une vie la plus "normale"
possible, à condition d’être appareillés d’un défribrillateur automatique qui en
cas d’arrêt cardiaque, se déclenchera et enverra une alerte au SAMU le plus
proche pour envoyer des secours. Les malades ont la liberté de choix, car
information, liberté et consentement restent les principes éthiques de
base.

-Toujours
dans le domaine cardiaque et "surveillance". Certains malades ont des troubles
du rythme ou des poussées d’hypertension, non détectables lors d’un examen
médical "standard". On leur propose un appareil de surveillance sur 24 ou 48
heures, dans le cadre de leur retour à la vie normale. Le "décodage" de
l’enregistreur permettra d’avoir plus d’informations et de prévenir davantage
d’accidents de santé.

Prenons maintenant des exemples de la
vie courante

"les technologies" ont permis une amélioration de la qualité de la vie, voire de
la santé au sens global, avec bien-être.

-Ces
moniteurs de "surveillance" appelés "écoutes-bébé", qui permettent à des parents
de ne pas vivre ce stress du bébé fiévreux qui ne respire plus la nuit. On se
lève toutes les heures pour aller vérifier que tout va bien. Ils
doivent toujours se réveiller, mais le fait d’entendre son bébé qui respire dans
l’écouteur est rassurant et beaucoup moins traumatisant que de se lever et de
risquer de le réveiller dans sa chambre!

On lui permet
d’accèder à l’autonomie en restant seul dans sa chambre tout en
l’accompagnant… Bien évidemment, si ces mêmes parents laissent cet
"écoute-bébé" dans la chambre de leur garçon adolescent pour savoir comment il
passe ses nuits, nous sommes effectivement dans le cadre d’une "surveillance avec atteinte à la vie
privée"
, car ce jeune adolescent est théoriquement AUTONOME depuis
quelques années et a le droit à certaines activités nocturnes "autonomes" pour
ne pas utiliser le mot de "plaisirs solitaires"…

On pourrait
multiplier les exemples: télécommandes multiples, téléphones portables,
ouvre-boite électrique, décapsuleur ergonomique,
etc…

Les
situations de handicap ne manquent pas pour inventer des aides techniques
!

Parlons
maintenant de la "surveillance" que je
préfère dénommer "assistance".
L’association que je préside parle d’ailleurs de "téléassistance" et
non pas de "téléalarme" ou
"télésurveillance",
car l’ASSISTANCE s’appuie
sur la seule valeur fiable dans ce monde l’HOMME (pour disgresser et faire référence à
l’actualité lunaire d’APOLLO, le réglement intérieur des vols spatiaux de la
NASA stipule qu’il est toujours prévu une possibilité de prise des commandes par
les astronautes dans tous les vols spatiaux habités. Faire confiance à la
machine, oui, à condition que l’homme puisse toujours la
DIRIGER…).

De
plus en plus de personnes vivent seules et isolées (12 % des français, 40 % des
plus de 80 ans…)

Parmi
ces personnes seules et isolées beaucoup ont des problèmes de santé importants
(les plus âgées le plus souvent).

Parmi
les couples âgées, beaucoup vivent à domicile avec l’un des deux lourdement
malades.

On ne
peut méconnaître le problème de santé publique que représente l’accompagnement
des malades d’Alzheimer au domicile par des conjoints ou enfants (dits
"aidants"), épuisés.

96 %
des personnes (seulement ?) souhaitent rester vivre chez
elles.

Alors, sérieusement, que
dire:

-des
médaillons ou bracelets
permettant d’alerter un proche ou des
secours en cas de besoin lorsque l’on vit seul.

-des
bracelets détecteurs de chutes ou de malaises
permettant d’alerter un proche ou les
secours lorque l’on a même pas le temps d’appuyer sur un
déclencheur.

-des
bracelets (géolocalisateurs ou autres)
permettant à des conjoints ou des
enfants d’être prévenus lorsque leur parent, à domicile, se lève la nuit (pour
un besoin, certes), alors qu’ils viennent juste de s’endormir après une dure
journée d’accompagnement de leur malade d’Alzheimer, ou que leur parent quitte
le domicile par la porte de devant (au risque de ce perdre dans la ville ou la
fôrêt), alors qu’ils sont dans le jardin ou au
grenier.

-de toutes
ces aides techniques et outils qui permettent à de plus en plus de personnes de
vivre seules (elles préfèreraient quand c’était leur mari qui leur ouvrait le
pot de confiture si difficille à ouvrir à 80 ans avec de l’arthrose
!)

-etc,
etc…

-des
bracelets ou capteurs, permettant aux aides-soignants de nuit, si peu nombreux
dans leurs maisons de retraite,
de savoir que le résident de la
chambre n° 1 vient de se lever (probablement pour aller aux WC), alors qu’ils
sont à l’autre bout avec le résident de la chambre n° 50. Le résident de la
chambre n° 1 n’a plus la capacité d’utiliser "l’appel-malade", alors qu’il
ressent certainement un besoin. Pourquoi ne pas permettre à des soignants, si
peu nombreux et au combien motivés et formés, de venir à sa rencontre pour lui
permettre d’exprimer son besoin. C’est une façon de lui conserver son
autonomie.

Par contre, tout a fait d’accord pour
que tout système fasse l’objet d’une analyse préalable multidisciplinaire
(usager, familles, professionnels) et ethique avant sa mise en application pour
éviter toute dérive inutile et bien connu des professionnels (dénommée
TECHNO-PUSH) qui ne servirai que l’industriel et le
commerçant…

Pour
conclure, je te propose de venir les dimanche 18 et lundi 19 octobre 2009 à
PERIGUEUX (Dordogne)
ou nous aborderons tous ces aspects dans
notre colloque annuel ADAGE (Action Départementale de
formation sur l’AGE) dont le thème sera: "Les nouvelles technologies au service
de l’autonomie et du handicap"

Je te
propose également de recourir aux nombreux travaux et écrits de Vincent RIALLE
et de Jérôme PELLISSIER sur le sujet.

Bien
amicalement à toi.

Docteur Frédéric
WONÉ

Président de
CASSIOPEA (Conseil, Assistance, Services, Solidarité, Information et Orientation
sur les Personnes Âgées ou handicapées)
http://www.cassiopea.fr/
Praticien
Hospitalier – Chef de Service
EHPAD Parrot et Beaufort-Magne – Unité de Soins
de Longue Durée
Centre Hospitalier de Périgueux
83, avenue Georges
Pompidou
24019 PERIGUEUX Cedex – FRANCE
Courriel: frederic.wone@ch-perigueux.fr

——-

Réponse de Jean-Michel Caudron au Docteur Frédéric WONE ci dessus


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Réponse que
j’ai faite dans une liste de discussion, à quelqu’un qui me traitait de
passéiste…

Nous devons
faire le choix de quelle société nous voulons en France. Nous attendons
toujours la parution du décret annoncée par la loi du 30 juin 1975, sur
l’action sociale et médicosociale (la loi précédente celle du 2 janvier
2002)
, qui devait fixer des normes en personnel en maison de retraite. Nous
avons 2 fois moins de personnel en établissement en France par rapport aux pays
européens voisins, 3 fois moins qu’en Suède.

En Belgique,
par exemple :

en maison de
retraite, il y a à plein temps une assistante sociale, un psychologue, un
ergothérapeute, un psychomotricien, un kiné, un orthophoniste, etc., la
personne payant, en moyenne, 1000€/mois avec possibilité d’aide sociale,
l’assurance maladie payant 1000€/mois (la Région prenant en charge 65% du
coût des bâtiments pour un établissement public ou privé associatif)
,

à domicile,
l’aide à domicile est du niveau des travailleuses familiales en France (pour
sa formation, ses responsabilités et… sa rémunération)
et peut intervenir
jusqu’à 30 heures par semaine auprès de la même personne à domicile (soit
120 heures par mois d’un professionnel plus formé que les auxiliaires de vie
sociale en France)
, etc.

Au
Luxembourg, l’aide à domicile ou l’aide soignante en maison de retraite est
payée 2,5 fois plus que la personne qui fait que du ménage…

Quel sera le
choix de 5ème risque qui sera fait en France ? Entre autre, y
aura-t-il une convergence entre les champs du handicap (où la personne
handicapée peut avoir jusqu’à 6000€/mois d’aide)
et du vieillissement (où
le montant maximal d’APA pour la personne en GIR 1 dépasse, à domicile,
difficilement les 1200€/mois) 
? A nous de nous positionner dans les
prochains mois comme citoyens et professionnels…

En tout cas,
l’utilisation de géronto-technologies ne doit pas compenser, pour nous donner
bonne conscience (et ouvrir le parapluie), le manque de moyens humains
que nous attribuons aujourd’hui (que nous attribuerions demain) pour
accompagner dignement les plus fragiles de nos concitoyens âgés.

Cela étant,
ces géronto-technologies peuvent, à côté des moyens humains, faciliter
l’accompagnement des « personnes en perte d’autonomie », sans être
intrusifs à la liberté et l’intimité de la personne, tant en réduisant les
risques de rester seul à son domicile :

comme, par
exemple, le système couplé au compteur d’eau qui permet au CCAS de Laval de
déclencher une alerte si la consommation d’eau s’arrête, en présence de la
personne à son domicile,

ou encore
les écrans tactiles (où il suffit d’appuyer sur la photo de sa fille pour
déclencher le téléphone et la webcam pour communiquer avec elle)
pourraient
servir de support pour des services d’animation et de convivialité via les
Technologies d’Information et de Communication, utilisées pour lutter contre
l’isolement et le sentiment de solitude, tout en étant vigilant de la situation
de la personne (ce que prévoit un des axes du schéma gérontologique de la
Seine-Maritime :
http://www.lamaisondelautonomie.com/dmdocuments/schema-geronto-seine-maritime-76.pdf, http://www.lamaisondelautonomie.com/dmdocuments/fiches-actions-schema-geronto-seine-maritime-76.pdf),

etc.

 

———–
 

Réponse du Docteur Frédéric WONE à Jean-Michel Caudron ci dessus

Ta réaction n’était pas
passéiste, mais plutôt "réactionnaire" à une évolution mal maîtrisée annoncée
comme tu le signalais par la société XXX avec comme unique but de faire des
profits.

OUI nous avons besoin
d’HUMAINS
pour accompagner nos services d’aide à la personne qu’ils soient
au domicile ou en établissement.

OUI les "ratio" actuels en
France sont insuffisant et même honteux !

OUI il est inadmissible en
période de crise économique de faire une "relance" basée uniquement sur
l’industrie automobile ou la construction d’autoroutes (contraire au Grenelle de
l’environnement…), alors qu’une relance dans le secteur du médico-social
aurait l’avantage de créer des emplois pérennes, de combler un besoin et de
mieux répondre à un projet de société pour tous ! Mais apparemment, il n’y a pas
beaucoup d’actionnaires intéressés par le médico-social
!

Et enfin,
OUI,
nous avons besoin de
technologies pour permettre à ces Humains de mieux faire leur métier comme tu le
décrits si bien, mais ces technologies doivent répondre à un besoin et
s’inscrire dans un système construit au service de la personne et non pas
uniquement pour vendre des matériels….

Peut-être pourrions-nous
demander un système d’agrément des technologies d’aides à
la personne
comme il y a un agrément des services d’aide à la
personne, répondant à un cahier des charges précis construit par des commissions
multidisciplinaires compétentes (usagers, professionnels, experts,…). Il me
semble qu’un "lit électrique" utilisé dans le sanitaire ou le médico-social doit
répondre à un certain cahier des charges, cee n’est pas le même lit électrique
que l’on peut acheter sur la foire de Paris au rayon literie!

Mais je crois que je rêve
tout haut…

Bien amicalement à
tous

Docteur Frédéric
WONÉ

Président de
CASSIOPEA (Conseil, Assistance, Services, Solidarité, Information et Orientation
sur les Personnes Âgées ou handicapées)
http://www.cassiopea.fr/
Praticien
Hospitalier – Chef de Service
EHPAD Parrot et Beaufort-Magne – Unité de Soins
de Longue Durée
Centre Hospitalier de Périgueux
83, avenue Georges
Pompidou
24019 PERIGUEUX Cedex – FRANCE
Courriel: frederic.wone@ch-perigueux.fr