Chloé Sainte-Marie, Artiste et aidante
naturelle.
En mars dernier, vous vous êtes engagée
à donner suite à la principale recommandation du rapport de la consultation
publique, soit d’améliorer les conditions de vie des aînés par un
réinvestissement majeur dans les services à domicile. Le Dr Réjean Hébert,
coprésident de cette consultation et expert en gérontologie, a estimé à plus de
500 millions de dollars les investissements nécessaires pour y arriver. Or,
entre son estimation et les mesures annoncées dans le dernier budget, il y a
loin de la coupe aux lèvres.
En effet, le gouvernement octroie un
fonds de 80 millions de dollars répartis comme suit: majoration de crédit
d’impôt (35 millions), nouveau crédit (dix millions), nouveaux fonds Chagnon
(30 millions) et programme «Respect des aînés» (cinq millions).
Rien de concret
En y regardant de plus près, je comprends que les mesures de simplification et
de majoration des crédits d’impôt visent uniquement les personnes âgées de 70
ans et plus. C’est bien, mais ça exclut bon nombre d’aidants. De plus, si on
cumule la majoration et le nouveau crédit, on arrive à une augmentation des
crédits de 4290 $ par an, soit 11,77 $ par jour ou 0,49 ¢ de l’heure.
Croyez-vous vraiment que ce soit suffisant? Surtout que, pour y avoir droit, il
faut avoir lu et compris les 27 pages du document explicatif…
Quant aux fonds Chagnon, le premier (15 millions) vise le développement des
enfants de zéro à cinq ans vivant en milieu vulnérable et est donc à retrancher
de la somme 80 millions; quant au deuxième, il porte sur le développement de
services auprès des aidants naturels. Il faudra cependant attendre que les
objectifs et modalités soient définis… Rien de bien concret! Enfin, le
programme «Respect des aînés» cible avant tout le dépistage de la violence et
ne concerne pas les aidants.
Dans le vague
Je ne suis pas une spécialiste des énoncés budgétaires. Je ne suis ni comptable
ni fiscaliste. Toutefois, comme le Dr Hébert et de nombreux aidants, je pense
que vous êtes restée dans le vague et que l’aide qui nous concerne est noyée
dans une série d’annonces sans commune mesure avec nos besoins immédiats de
répit et d’aide financière.
Or, au moment où le Québec doit absolument prendre un virage majeur et sans
équivoque en faveur du soutien à domicile et aux aidants, on assiste plutôt à
un saupoudrage de mesures certes utiles mais insuffisantes à combler les
besoins criants des personnes qui ont choisi de s’occuper de leurs proches
plutôt que de les placer en institution.
Cela me fait dire que, contrairement à l’impression positive que j’avais eue à
la suite de notre rencontre dans le cadre de votre consultation, le
gouvernement n’a pas saisi l’ampleur des besoins ni le changement radical que
cela impose dans l’attribution des fonds publics. Avec le vieillissement de la
population et les coûts de l’institutionnalisation, c’est à n’y rien
comprendre!
Mesures novatrices
Devrons-nous, comme aidants, inscrire nos proches sur les listes d’attente des
CHSLD ou les reconduire à l’urgence, voire carrément sur la colline
parlementaire, pour que le gouvernement comprenne qu’il y a urgence à soutenir
véritablement l’indispensable rôle que nous jouons dans nos familles et dans la
société?
Je vous ai parlé de mesures novatrices afin de mieux appuyer les bénévoles qui
nous soutiennent et d’offrir une compensation financière aux aidants, comme le
fait le gouvernement du Vermont; je vous ai parlé, et je l’avais aussi exprimé
à votre collègue des Finances et du Conseil du trésor, Monique Jérôme-Forget,
de l’iniquité qui existe entre les familles d’accueil, qui hébergent des
personnes en perte d’autonomie — elles reçoivent le soutien de l’État –, et
l’absence de soutien pour les proches qui gardent à domicile un membre de leur
famille.
Comprenez-moi bien, Mme la ministre: la situation est urgente, voire
catastrophique pour plusieurs d’entre nous. Qu’attendez-vous pour aller au-delà
des bons sentiments et agir véritablement? Qu’attendez-vous pour être tout
simplement conséquente avec la priorité que vous avez vous-même énoncée:
priorité aux soins à domicile?
Chez les aidants que je côtoie régulièrement, la déception est grande et la
colère gronde… Vous avez semé de l’espoir avec votre consultation, vous
risquez fort de récolter la tempête avec les mesures insuffisantes annoncées.
Édition du mercredi 09 avril 2008
www.ledevoir.com
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