Non, les aides à domicile ne sont pas soumis au secret professionnel !
Auteur : Sébastien CHARRIERE
Les aides à domicile ne seraient pas soumis au secret professionnel ? Ces professionnels du secteur social qui pénètrent au domicile de personnes fragiles et qui connaissent parfois (voire souvent) plus d’éléments de leurs vies privées que les membres de la famille eux-mêmes… Ces professionnels qui, malgré l’absence de leur qualité de soignant, ont fatalement une connaissance des ennuis médicaux d’usagers qu’ils voient parfois quasiment tous les jours (chacun sait, en outre, que les aides à domiciles ont certains usagers dans leur cœur, et vice-versa, ce qui les conduit à leur rendre visite même pendant leurs congés)… Ces professionnels qui ont, parfois, une meilleure connaissance de l’état financier de l’usager que l’usager lui-même… Ces professionnels qui ont parfois une bien meilleure connaissance de l’usager que l’aide soignant, l’infirmier ou le kinésithérapeute passant au domicile le temps d’un ou plusieurs actes techniques…
Cette affirmation a l’odeur, le goût et la texture d’une provocation. Pour autant, bien qu’ayant pour effet de provoquer les foules, il n’en s’agit pas d’une mais bien d’une simple vérité juridique qui pourra paraître surprenante à certains.
Le secret professionnel est, en effet, une expression juridique qui a une définition et un cadre bien spécifique. Ainsi, le plus simplement du monde, ce qui est dans ce cadre sera concerné par le secret professionnel, ce qui est hors de ce cadre ne pourra pas être concerné par le secret professionnel. Finalement, toute la question est : l’aide à domicile est-elle située dans le cadre fixée par le secret professionnel ainsi défini ?
Le secret professionnel tel que défini par les textes est en fait un délit puni pénalement par une peine d’emprisonnement et une amende. L’article 226-13 du Code Pénal dispose en effet que « la révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire, est punie d’un an d’emprisonnement et de 15000 euros d’amende ». La désignation des professionnels concernés par le respect du secret professionnel tel que précédemment défini ne pourra donc se faire que par la loi ou la jurisprudence (ensemble des décisions rendues par la Cour de cassation). Le code pénal renvoi au code de l’action sociale et des familles quant à la détermination des professionnels soumis au secret professionnel. Ainsi, s’il n’existe pas de texte précis pour les autres professionnels, le délit ne sera pas constitué. Or, aujourd’hui, ni la loi, ni le juge n’ont considéré l’aide à domicile comme étant soumis au secret professionnel et donc comme étant susceptible d’être poursuivie pénalement pour avoir violé le secret professionnel.
Lorsque l’on travaille dans un Service Polyvalent D’Aides et de Soins à Domicile (SPASAD) combinant un service d’aide à domicile (SAD) dont sont salariés les aides à domicile et un service de soins infirmiers à domicile (SSIAD) dont sont salariés des aides soignantes, le paradoxe de cette absence de respect professionnel ressort d’autant plus. Les aides soignantes, qui font partie du corps médical, sont par définitions soumises au secret médical qui découle du secret professionnel et peuvent donc être poursuivies pénalement en cas de divulgation. Les aides à domicile, qui travaillent donc dans la même structure et parfois dans les mêmes domiciles, ne peuvent pas quant à elles être poursuivies dans le cadre du secret professionnel. On peut légitimement s’interroger sur l’opportunité qu’il y aurait d’intégrer l’aide à domicile dans le cadre du secret professionnel. Finalement, au regard de la spécificité de sa fonction, ainsi que de celle du public concerné, ne serait-il pas clairement logique que ce professionnel soit également soumis au secret professionnel ?
Pas de secret professionnel pour l’aide à domicile donc. Pénalement, elle ne peut être poursuivie. L’aide à domicile est-elle pour autant libre de parler et de divulguer des informations qui relèvent de la vie privée de l’usager ? Fort heureusement non !
Un texte d’ordre général est d’abord parfaitement applicable à l’aide à domicile comme à toute personne quelle qu’elle soit. L’article 9 du code civil protège, en effet, chacun d’entre nous contre les atteintes de tiers à notre vie privée. Un usager pourrait parfaitement agir en justice contre une aide à domicile pour atteinte à la vie privée sur le fondement de cet article afin d’obtenir réparation sous forme de dommages et intérêts.
En outre, l’aide à domicile comme tout salarié, a l’obligation d’exécuter de bonne foi son contrat de travail (art. L. 1222-1 du code du travail). Cette obligation de bonne foi impose une obligation de loyauté vis-à-vis de l’employeur. L’aide à domicile travaillant pour un particulier employeur pourrait se voir reprocher sa mauvaise foi et son manque de loyauté, si elle venait à divulguer des informations d’ordre privé.
Enfin, de par sa profession, l’aide à domicile, si elle n’est pas soumise au secret professionnel, est tout de même soumise à une obligation de discrétion professionnelle et de non divulgation des informations récoltées lors de sa profession. Autrement dit, elle est en quelque sorte soumise à un "secret professionnel" dont le cadre se limite au lien de subordination entre elle et son employeur. Le contrat de travail doit prévoir cette obligation de discrétion et de non divulgation, ainsi que le règlement intérieur qui prévoit les sanctions en cas de faute professionnelle. Car il s’agit bien de cela, non pas d’une faute pénale, mais d’une faute professionnelle pouvant conduire jusqu’au licenciement de l’intéressée. A ce titre, il est à noter que la convention collective de branche de l’aide, de l’accompagnement, des soins et des services à domicile (secteur non lucratif) a prévu un article sur l’obligation de discrétion : « l’immixtion dans la vie privée et l’intimité des usagers oblige l’intervenant à une obligation de discrétion sur tous les faits de nature à constituer une atteinte à leur vie privée ». Bien sûr, cette obligation de discrétion professionnelle n’est pas absolue : elle ne doit « pas être un frein à la communication entre l’employeur (structure) et le salarié dès lors que cela est nécessaire au bon fonctionnement de la structure et au service rendu à l’usager. De même, il faudra évidemment concilier cela avec les impératifs liés à la divulgation d’informations nécessaires à la découverte de cas de maltraitance.
Sébastien CHARRIERE
sebastien.charriere@laposte.net
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