Communiqué de la FNG

Dépendance et Liberté

Les medias se sont fait l’écho depuis une semaine de la proposition de M. Jean-Marie Delarue, contrôleur général des lieux de privation de liberté, d’élargir son pouvoir d’investigation aux EHPAD.

La question est complexe et le débat  peut virer rapidement à la polémique ou au plaidoyer « pro-domo ».

La FNG exprime son opinion sous la forme d’une courte déclaration co-signée par sa nouvelle présidente élue le 30 janvier dernier et le président de sa « Commission permanente sur les droits et libertés ».

Précisons que cette instance a été mise en place en 1985 et qu’elle est à l’origine d’une « Charte des droits et libertés de la personne en situation de handicap et de dépendance » , diffusée en 1987  et réécrite à deux reprises en 1997 et 2007.

Cette Charte a reçu depuis le départ l’appui des ministères  chargés des affaires sociales.                  

Texte du communiqué

« Les maisons de retraite (Etablissements d’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes  -EHPAD) sont-elles des lieux de privation de liberté ?

Ne faut-il pas plutôt inverser la proposition ?

C’est d’avoir perdu son indépendance, et d’avoir besoin de l’assistance d’autrui pour pouvoir vivre, qui limite la liberté et l’accès aux droits. C’est aux professionnels qui travaillent dans les établissements de permettre à ces personnes devenues dépendantes de disposer d’une plus grande liberté d’aller et venir qu’au domicile, d’être mobilisées selon leurs souhaits lorsqu’elles ne peuvent se déplacer seules, de conserver un droit au choix lorsque leurs capacités décisionnelles se trouvent limitées.

Cette mission difficile est lourde de responsabilités. Elle exige de la totalité de l’équipe un professionnalisme compétent, une réflexion approfondie sur le sens de ses actions ou inactions, une connaissance des besoins et la mise en œuvre d’une capacité de réponses adaptées à chacune des situations individuelles.

Il est certain que les sorties sont contrôlées pour éviter l’errance de ceux qui ne savent plus retrouver leur chemin, que chaque décision d’admission dans une unité fermée pour malades dits « Alzheimer » pose un grave problème éthique, que le simple respect du droit au choix est parfois complexe. La responsabilité de respecter la liberté et d’assurer dans le même temps la protection de ces personnes exige une grande expertise dans ce domaine et une réflexion permanente.

Comme dans tout lieu d’accueil collectif, des contrôles y sont nécessaires. Pour qu’ils soient crédibles et qu’ils aient une utilité, il est indispensable que le visiteur connaisse le domaine des déficiences menant à la dépendance, leurs conséquences, les réponses de la « bientraitance » et qu’il le connaisse autant ou mieux que les équipes contrôlées, pour qu’il puisse donner avec pertinence les conseils, recommandations ou injonctions susceptibles de faire cesser le dysfonctionnement relevé, en particulier toute atteinte aux droits et à la liberté.

On ne voit pas ce que pourrait apporter l’expérience du milieu carcéral dans le domaine de la prise en soin des situations de dépendance. Au contraire de la prison, l’objectif  en EHPAD est de conserver ou de rendre des espaces de liberté à la personne captive de ses déficiences. En quoi un tel contrôle donnera t-il plus de droits à celui dont la liberté est limitée par sa situation de dépendance ? Sur le plan des symboles, comparer ces établissements à des « prisons » (car c’est ce raccourci  qui sera retenu du débat médiatique), n’est-ce pas apporter une vexation supplémentaire et inutile adressée à des équipes qui ,pour la plupart,  essaient de faire pour le mieux avec les moyens et les formations  octroyés ?

Il est temps de reconnaître la spécificité des situations où une personne, quel que soit son âge, a perdu son indépendance. Son proche aidant voit alors lui aussi sa liberté grandement altérée. Le professionnel de l’aide doit être préparé à la responsabilité de l’accompagnement de la personne qui ne peut vivre sans son assistance. Ainsi, il saura être le garant d’espaces de liberté et de droit au choix pour la personne qui « dépend » de lui. Cette mission ne mérite pas la répression, mais au contraire la valorisation de cette activité noble et difficile, consacrée aux plus vulnérables : ceux qui ne peuvent pas vivre sans une aide humaine. »

Paulette GUINCHARD                                             Pr Robert Moulias

Présidente de la FNG                                              Président de la Commission

Secrétaire  d’Etat aux personnes âgées                    FNG sur les droits et libertés

(2001-2002)

Extrait de la Charte (14 articles) :

Article 1 «  toute personne âgée devenue handicapée ou dépendante est libre d’exercer ses choix dans la vie quotidienne et de déterminer son mode de vie.

Elle doit bénéficier de l’autonomie que lui permettent ses capacités physiques et mentales, même au prix d’un certain risque. Il convient de  la sensibiliser à ce risque, d’en tenir informé l’entourage et de proposer les mesures de prévention adaptées.

La famille et les intervenants doivent respecter le plus possible le désir profond et les choix de la personne, tout en tenant compte de ses capacités qui sont à réévaluer régulièrement»