« Nos associations font campagne pour une société de tous les âges »
Entretien avec Anne-Sophie Parent, directrice de AGE, plate-forme européenne des personnes âgées.
avec l’aimable autorisation de "Le mensuel de l’Université"
Créée en janvier 2001, la Plate-forme Européenne des
Personnes Agées AGE est impliquée dans des activités politiques et informatives
afin de mettre les enjeux des personnes âgées à l’ordre du jour de l’UE. Sa
volonté est par ailleurs d’encourager l’établissement d’un réseau de contacts
entre les groupes de personnes âgées. Rencontre avec sa directrice, Anne-Sophie
Parent.
Le Mensuel de l’Université : L’allongement de
l’espérance de vie en Europe va-t-il de pair avec une amélioration globale des
conditions de vie pour les 3e et 4e âges ?
Anne-Sophie Parent : C’est globalement vrai, mais nous assistons à
une détérioration des conditions de vie pour un pourcentage significatif de la
population des 65 ans et plus. Nous observons par exemple un risque accru de
pauvreté, notamment chez les femmes.
Contrairement à la génération précédente, les
personnes âgées ont conscience qu’ils peuvent être acteurs de leur vie. Ils
sont demandeurs et prêts à s’investir dans des projets à vocation
philanthropique, culturelle et sociale. Il y a pourtant un manque
d’informations auprès de ce public, qui pourrait davantage s’investir.
LMU : Peut-on dans certains cas évoquer la
nécessité de « réinsérer » ces personnes âgées ?
A.-S. P. : C’est notre principale bataille. L’espérance
de vie, actuellement élevée, continue d’augmenter, ce qui signifie que beaucoup
de personnes passent près d’un tiers de leur vie à la retraite. Or beaucoup
d’indicateurs statistiques, malheureusement, ne prennent pas en compte les
personnes âgées de plus de 65 ans.
A tort, nous nous représentons les personnes à la
retraite comme des personnes passées, à charge de la société. Elles contribuent
pourtant énormément à la cohésion sociale et à la vie sociale et économique.
Nous essayons de faciliter leur rôle au sein de la
société, mais également de faire comprendre leur rôle via des campagnes
d’information sur le vieillissement actif. Nous félicitons les initiatives
comme le programme de soutien aux activités bénévoles pour les seniors,
récemment adopté par la ministre allemande de la Famille, Ursula Von Der Leyen.
LMU : Qu’entendez-vous par « vieillissement
actif » ?
A.-S. P. : Nous lui donnons un sens plus large que la
Commission européenne, qui la conçoit comme le maintien des gens au travail le
plus longtemps possible. Pour nous, cela signifie que les retraités continuent
à participer activement à la société.
LMU : Voilà six ans que vous dirigez AGE. En quoi
votre association a-t-elle pesé sur les institutions communautaires ?
A.-S. P. : Nous continuons à militer pour que les actions
des institutions européennes ne s’adressent pas qu’aux jeunes. En ce sens, nous
sommes parvenus à ce que le Parlement européen reconnaisse que le bénévolat est
une activité qui peut-être menée à tous les âges de la vie.
L’insertion sociale était souvent limitée à
l’insertion professionnelle. Notre organisation est désormais régulièrement
consultée, et ce thème a une place accrue dans les textes européens. Nous avons
également contribué au lancement d’un programme important sur l’aide que les
nouvelles technologies peuvent apporter pour l’insertion sociale des personnes
âgées.
LMU : Vous cherchez en quelque sorte à élargir le
volontariat européen, qui existe pour les jeunes ?
A.-S. P. : Tout à fait. Nous faisons ainsi campagne avec
le Forum européen de la Jeunesse et le Centre européen de Volontariat pour que
l’année 2011 soit déclarée année européenne du volontariat et 2012 l’année
européenne du vieillissement actif et des solidarités entre les générations.
Nous essayons aussi de coupler nos efforts en matière d’emploi, car la
discrimination dont souffrent les personnes âgées est assez similaire à celle
dont sont parfois victimes les jeunes.
Le but est de convaincre les politiques de cesser de
répondre aux besoins de groupes bien particuliers pour aborder les politiques
dans une perspective de plus grande solidarité entre les générations. Suite à
notre demande, la Slovénie a d’ailleurs organisé une conférence présidentielle
sur ce thème.
LMU : AGE regroupe environ 150 organisations de
seniors au niveau européen. Si l’on ne devait retenir qu’une seule
revendication parmi toutes celles que vous transmettent ces associations,
quelle serait-elle ?
A.-S. P. : Nos organisations font toutes campagne pour
une société de tous les âges. C’est ce qui résume le mieux ce que demandent nos
membres.
Elles se battent au niveau local et national pour
permettre aux personnes âgées de participer pleinement à la société. Cela se
décline dans différents domaines : l’insertion sociale, les pensions, la
santé, le bien-vieillir.
LMU : Ces revendications varient-elles beaucoup
selon les pays ?
A.-S. P. : Elles varient avant tout selon la nature de
l’association, mais il est vrai que la situation des personnes âgées diffère
énormément d’un pays à l’autre, en fonction notamment du système de retraite.
La différence est également nette concernant la fracture digitale : dans
certains pays, les personnes âgées sont beaucoup plus digital literate
(alphabétisation numérique) qu’ailleurs.
Les convergences s’affirment pour ce qui est du
revenu, même si dans certains pays comme les Pays-Bas, le taux de remplacement
est encore confortable. De même, on attend davantage des familles, et
généralement des femmes, dans la prise en charge informelle des dépendances.
C’est une tendance générale, y compris dans les pays nordiques où cela relevait
essentiellement des autorités locales.
LMU : Certaines de vos associations se
heurtent-elles encore à une frilosité nationale ?
A.-S. P. : Notre rôle est de rappeler aux ministères
leurs devoirs, comme celui de consulter les organisations de la société civile.
Certains réagissent très positivement. Les Luxembourgeois nous ont ainsi envoyé
la liste complète des associations de personnes âges et d’aide au
vieillissement afin de nous aider à trouver des membres directs.
Suite à une demande de nos membres aux ministères
polonais concernés par les volets pension, inclusion sociale et soins de longue
durée, nous avons rencontré le secrétaire d’Etat de l’insertion sociale.
Depuis, nos membres polonais sont consultés au même titre que les autres
partenaires sociaux.
LMU : Votre efficacité est-elle assurée à
l’échelle européenne ?
A.-S. P. : La concertation de nos membres fait la valeur
ajoutée de AGE. Nous faisons remonter jusqu’aux institutions européennes les
particularités et difficultés qu’ils rencontrent, mais aussi les exemples de
bonnes pratiques.
Nous dégageons ensuite de grandes recommandations,
très appréciées de la Commission européenne et du Groupe de protection sociale.
Nous sommes ainsi régulièrement invités à des exercices de peer review
(revue par les pairs), où les Etats membres présentent leurs systèmes dans un
domaine.
LMU : Quels sont vos objectifs pour la présidence
française ?
A.-S. P. : Nous allons explorer plusieurs pistes afin
qu’elle poursuive le travail de la présidence slovène. Je pense notamment à la
réforme des politiques sociales, des politiques d’urbanisme, de l’emploi. Il
faut également soutenir la cohésion sociale dans les municipalités et les
quartiers, et orchestrer la mise en place du bénévolat des personnes âgées.
Nous travaillons également avec le parlementaire
européen français Jean-Marie Beaupuy, président de l’Intergroupe Urban
Logement qui cherche des solutions pour concevoir des villes dans cette
perspective de valorisation de la cohésion entre les générations.
Entretien avec Anne-Sophie Parent, directrice de AGE, plate-forme
européenne des personnes âgées.
source : www.lemensuel.net
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