Edito par Jean Carette dans l’Info@lettre québecoise d’avril 2013 d’Espaces 50+
Le ministre Réjean Hébert fait actuellement une promotion vigoureuse de son projet phare : l’assurance autonomie. Paris, Bruxelles, Vancouver et … Drummondville ont déjà reçu sa visite. Il s’agit de nous doter d’une Caisse d’assurance pour le soutien de l’autonomie, avec une priorisation du soutien à domicile. Cette Caisse serait financée par un transfert des fonds publics actuellement consacrés aux soins de longue durée (2,8 milliards), plus les montants actuellement consacrés aux crédits d’impôt pour le soutien à domicile, crédits qui seraient remaniés et adaptés (600 millions), plus un nouvel investissement public de 500 millions déjà promis dans le soutien à domicile. Au total, 3,9 milliards ou près de 2% du PIB québécois, auxquels on envisage cependant d’ajouter des taxes augmentées, des cotisations ou même des redevances sur l’électricité.
Sur le papier, le projet est beau, presque clair et complet. Nombreux et convaincants sont les articles naguère écrits par le médecin chercheur Hébert quand il était encore doyen à Sherbrooke. Il s’agit en effet d’un programme majeur, attendu depuis longtemps et qui devrait permettre
- Une meilleure évaluation et prise en charge des besoins;
- Un virage vers les services et soins à domicile;
- Une utilisation plus judicieuse et plus juste des budgets actuels et des crédits d’impôt;
- Une plus grande équité entre les générations grâce à la capitalisation prévue;
- Une plus forte solidarité.
Cependant, quelques questions attendent une réponse :
- On ne peut raisonnablement annoncer des augmentations des crédits et procéder en même temps à des coupures : c’est pourtant ce qui vient de se passer pour la Culture, pour l’Enseignement supérieur, pour l’Aide sociale, pour les CPE, le transport adapté, le logement social et même pour le maintien à domicile (certains CSS procèdent à des coupures sous le manteau, par non remplacement des nouveaux retraités, par exemple). Le Ministre Hébert saura-t-il résister aux exigences pressantes du Conseil du Trésor et de sa Première Ministre ?
- Quid des crédits d’impôts ? Comment seront-ils réaménagés ? Pour les plus aisés vivant en résidences de luxe ? Ou pour tous les autres, surtout les plus démunis, par souci de justice ?
- Le financement par augmentation de la taxe de vente frapperait plus lourdement les plus pauvres, assujettis aux mêmes versements que les plus riches : le Ministre Hébert pourrait-il nous définir sa conception de la solidarité ?
- Le recours «favorisé» et annoncé à l’économie sociale et au réseau communautaire assurera-t-il une meilleure qualité des services et un salaire digne pour les travailleuses qui les rendent à un prix qui les maintient sous le Seuil de Pauvreté ou est-il prévu comme un moyen de créer ou de financer des emplois à rabais, forme perfectionnée de privatisation sur le dos du communautaire ?
Et la question politique :
Le ministre Hébert pourra-t-il résister aux tempêtes attendues dans le contexte actuel : gouvernement minoritaire et souvent désuni ou tiraillé, opposition menaçante et bientôt de plus en plus déterminée à vouloir de nouveaux rendez-vous électoraux, lobbies puissants et décidés, laboratoires, assurances privées, résidences lucratives, firmes d’ingénierie et autres principaux prestataires de soins et de services de santé ? Sans oublier une haute fonction publique encore noyautée par des libéraux ?
Comme le répète Réjean Hébert, l’assurance autonomie constitue une «innovation essentielle pour répondre aux défis du vieillissement». Encore faut-il prendre en compte le jeu cruel des rapports sociaux, c’est-à-dire des intérêts dominants et des vicissitudes politiciennes, face aux besoins des aînés et de leurs familles. Entre une recherche universitaire et la réalité du pouvoir gouvernemental et ministériel, il y a un grand écart, des plus difficiles à réduire
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