Rapport d’information sur les immigrés âgés
Avant propos de Monsieur Denis JACQUAT, président de la mission
Selon une image commune, les immigrés ne semblent être chez eux ni ici, ni là-bas, en transit permanent, engagés dans une « navette » entre leur pays d’origine, qui n’est plus le leur, et leur pays d’accueil, qui n’est pas devenu leur pays, installés durablement dans le provisoire, invisibles et stigmatisés, indispensables et oubliés, relégués dans un espace oscillant entre folklorisation et indifférence.Ancienne, l’histoire de l’immigration en France est, il est vrai, une histoire de mouvements. Nombreux furent les travailleurs qui franchirent nos frontières pour apporter leur concours aux travaux des champs ou au développement de l’industrie avant, une fois un pécule obtenu, de rentrer chez eux et de laisser la place à d’autres. Belges, Allemands, Italiens, Algériens, Polonais, Espagnols, Portugais, puis Algériens de nouveau, Marocains, Tunisiens, Sénégalais, Maliens, Mauritaniens, Chinois, Pakistanais, Sri Lankais… se succédèrent ainsi, prêtant leur force de travail à notre économie.
Mais l’histoire de l’immigration en France est aussi une histoire d’installation et d’intégration. Les arrivées se sont traduites par des départs, mais également par l’ancrage de populations nombreuses en certains points puis sur l’ensemble de notre territoire. Très nombreux même sont celles et ceux qui sont devenus français.
Longtemps négligé, volontairement ou non, par les politiques publiques, ce phénomène d’installation durable a conduit, le temps faisant son œuvre, au vieillissement, en France, d’une part de la population immigrée, désormais âgée, voire très âgée. Si le vieux travailleur, ancien ouvrier spécialisé ou agricole, installé dans un foyer depuis plusieurs décennies, en mauvaise santé, éloigné de sa famille, vivant dans des conditions indignes de notre République, en constitue le représentant emblématique, cette population est très diverse, dans ses attentes comme dans ses besoins. Elle n’en demeure pas moins, généralement, dans une situation difficile, qui interroge notre modèle social dans son entier et nos politiques d’intégration en particulier.
C’est pourquoi, je me suis personnellement félicité de la mise en place de cette mission d’information sur les immigrés âgés des États tiers à l’Union européenne, mission que j’ai eu l’honneur de présider. Elle est née de la volonté du président de l’Assemblée nationale, Claude Bartolone, et a été créée, sur le fondement de l’article 145, alinéa 4, du Règlement, par la Conférence des présidents. Conformément aux prescriptions de ce dernier, sa composition a reflété la configuration politique de notre assemblée.
Ses travaux, qui ont duré plus de six mois, se sont déroulés de manière très constructive, consensuelle, marquant l’urgence et l’importance que reflète, pour notre pays et aux yeux de tous les groupes politiques, cette question.
Avec le rapporteur, Alexis Bachelay, nous nous sommes efforcés de faire de cette mission parlementaire, la première à se pencher de manière transversale sur cette problématique, le point de départ d’une prise de conscience. Cette prise de conscience passait d’abord par la nécessité de rendre visibles ceux qui paraissaient invisibles, d’écouter celles et ceux qui ont tant contribué à l’histoire économique et sociale de notre pays et auxquels on n’a pas assez donné la parole et qui, dans leur digne réserve, ne sont pas prompts à s’en emparer.
De la même manière, nous nous sommes efforcés de prendre la mesure de cette question dans tous ses aspects politiques, historiques, économiques, sociaux, et culturels, et la population immigrée âgée dans sa très grande richesse d’origines, de situations, d’aspirations. Nous nous sommes intéressés à l’émigré et à l’immigré, à celui qui est rentré au pays comme à celle qui est installée en France, au travailleur et au retraité, à l’ouvrier et au travailleur agricole, à la personne vieillissante et à la personne âgée, à la femme et à l’homme seul comme à celui qui vit en famille, au mal logé en foyer ou en habitat diffus, au malade et à tous ceux qui les rencontrent, les aident… Tous sont venus vers nous, répondant volontiers à la myriade de questions que nous n’avons cessé de nous poser et nous sommes allés vers eux, dans toute la France ainsi qu’au Maghreb, dont la plupart sont originaires.
Nos analyses comme nos propositions ont pour fil rouge la ferme volonté de permettre à chaque personne immigrée âgée de vivre sa vieillesse dans la dignité et dans son unité, comme tout un chacun. Il s’agit de créer, dans des parcours souvent heurtés, un continuum entre vie de travail, vie familiale, vie culturelle… mais aussi entre les générations, conditions indispensables pour que chacun se réalise comme individu et membre du corps social, trouve sa place dans notre pays et dispose des moyens d’exercer sa liberté de choix, entre ici et là-bas.
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