"Observer pour
comprendre
". Telle était la règle de Louis PASTEUR et de Claude
BERNARD.

Si les réalités sociales des départements étaient mieux
observées et subséquemment les enjeux mieux cernés, elles pourraient permettre
des politiques sensiblement plus justes, plus efficaces à coût sensiblement
identique, d’éviter les ruptures entre l’offre et les besoins, d’éviter les
pressions diverses et polluantes, de permettre d’anticiper et d’aller vers des
évaluations permanentes.

Pour évoluer vers ces bonnes pratiques, les
départements doivent développer des systèmes d’observation modernes
afin
d’exploiter leur formidable gisement de données socio-démographiques,
développer
l’exploitation informatisée de celles-ci, croiser les indicateurs
départementaux avec les statistiques nationales I.N.S.E.E. et D.R.E.S.S. Bref,
concrètement, cibler des échantillons représentatifs afin de dégager des
corrélations significatives permettant d’aller de "l’observer pour
comprendre
" au "comprendre pour agir", aller du
"savoir" au "savoir-faire". Ce recours aux
études épidémiologiques médico-sociales existe depuis plus de 50 années dans
les pays nordiques de culture anglo-saxone et depuis plus de 30 années dans les
lands allemands. Cette évolution est d’autant plus nécessaire en France que les
progrès, même s’ils ne sont pas à nier pour partie, restent insuffisants depuis
un certain rapport parlementaire confié à Denis Jacquat et concluant que les
prises en charge départementales, s’agissant des personnes âgées, étaient
"insuffisantes, inadaptées, inégales et incohérentes" (1991).

 On ne peut
de nos jours piloter des politiques publiques, mobilisant d’importants budgets,
de responsabilités grandissantes (et parfois réclamées) depuis la loi du 13
août 2004, qu’en développant des systèmes d’aide à la décision fondés sur une
observation moderne.

Les
présidents des Conseils Généraux affirment que le département est la strate la
plus pertinente de la politique de décentralisation et regrettent (parfois non
sans raison) que les moyens n’aient pas suivi les délégations de compétences.
Bien, mais comment se fait-il qu’à moyens égaux, voire moindres, certains
départements fassent sensiblement mieux que d’autres, s’agissant notamment des
politiques sociales concernant les personnes âgées? Les études de la D.R.E.E.S. ont montré que les
disparités étaient davantage liées à des sensibilités qu’à des moyens, à des
idées toutes faites plutôt que construites, donc à des conceptions qu’à des
réalités.

Convient-il
de rappeler une double évidence? : si les départements ne se dotent pas de
moyens communs à une observation moderne, d’autres qu’eux, et peut-être non les
mieux placés, le feront à leur place. Tel a été le cas avec l’enquête de
l’Express (nov. 2007) laquelle, s’agissant de l’action sociale envers les
personnes âgées place les départements de la Haute-Marne et des
Ardennes à la 87ème position sur 96 étudiés
, alors que la Lozère est placée en tête,
département qu’on ne peut classer parmi les riches, au contraire. Enfin, un
référentiel commun aux départements parce que fondé sur un modèle unique, donc
lisible pour tous, permettrait sans doute aux départements les plus en demande
de mieux crédibiliser leurs requêtes. Tel aurait pu être le cas au niveau de la C.N.S.A. venant de répartir
pour 2008 les crédits de l’O.N.D.A.M. médico-social en enveloppes régionales et
départementales.

La mise en
place d’indicateurs communs aux départements devrait être une priorité pour
A.D.F
., ainsi que la réclame Patrick MARSCHAL, Président du Conseil Général
de la
Loire-Atlantique. Les départements ne peuvent plus aller en
ordre disparate à la bataille des actions sociales à mener, agir en invoquant
simplement leur niveau de richesse ou de pauvreté et masquant ainsi souvent des
sensibilités politiques différentes qui règlent l’actuelle disparité selon les
départements. Une cohérence s’impose d’autant plus que l’Etat social se fissure
et délègue ; d’autant plus que la

charge
fiscale territoriale pèse davantage, que le pouvoir d’achat est en berne et que
les actuels usagers demandent à être éclairés et à participer.

Concrètement,
les départements ne peuvent plus se limiter à recruter quelques médecins gérant
restrictivement l’A.P.A., ne peuvent plus décider de ratios d’équipement
approximatifs, et a fortiori si restrictifs*. Le choix des actions à mener doit
être rationnellement étayé.

Ils
doivent évoluer vers des méthodes d’observation moderne, recruter des
professionnels formés en épidémiologie médico-sociale et dotés d’informaticiens
de la statistique en cette discipline.

L’étude de
cohortes à indicateurs communs (en ce qui concerne la dépendance par exemple ou
les bénéficiaires du R.M.I.) devrait permettre des évaluations constantes et
d’anticiper. Ainsi, il y  va aussi,
au-delà du bon usage des prélèvements sociaux, d’un gain en éthique
politico-sociale** réactualisée et de la justification, à terme, de la strate
départementale.

 * En Haute-Marne, s’agissant du schéma départemental 2005-2011, la
référence quasi unique aux listes d’attente en E.H.P.A.D. en tant qu’indicateur
majeur des besoins, a généré l’actuelle rupture entre l’offre et les besoins.
En atteste un taux d’équipement en places E.H.P.A.D. de 87,64 contre 127,2 au
plan national (référence STATISS 2007 Champagne-Ardenne)

**Pléonasme étymologique qui
pourrait être ainsi évité car "politicos"
= qui concerne la gouvernance des citoyens dans la cité.

 

Dr Guy Pétin,

Représentant
les Coderpa au C.E.S.R. Champagne-Ardenne

Le 18.03.08

                                                        

Petit rappel des sigles :                                  

A.D.F. :
Assemblée des Départements de France
I.N.S.E.E. : Institut national de la Statistique et des
Etudes Economiques

C.N.S.A.
: Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie
O.N.D.A.M.
: Objectif National d’Assurance Maladie
E.H.P.A.D
: Etablissements d’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes
A.P.A.
: Allocation personnalisée d’Autonomie
D.R.E.E.S. : Direction de la Recherche, des Etudes,
de l’Evaluation et des Statistiques (Ministère de la Santé)