Point de vue d’universitaires et d’analystes de
l’activité des organisations syndicales
Par
la voix de Corinne Gobin, GRAID, ULB :
Bonjour à tous,
Georges
Debunne nous passe la parole à Maxime et à moi-même pour lui servir de
porte-voix. A 90 ans, et après un combat syndical d’une durée exceptionnelle,
plus de 65 ans (il fut responsable syndical dès l’âge de 20 ans), il nous
demande de lancer un appel pour que le socialisme, et particulièrement le
syndicalisme socialiste, continue à s’engager, corps et âme, dans tous les
combats d’avenir pour renforcer les valeurs de la démocratie.
Nous
aborderons ainsi quelques points de focalisation de l’engagement de Georges qui
nous semblent être indispensables pour poursuivre ce combat dans les années à
venir et forcer le reflux des pensées dominantes actuelles, conservatrices et
libérales.
Des
représentants de la FGTB prendront la parole ensuite pour rappeler la place
qu’a occupée Georges dans l’appareil syndical.
Nous
parlerons donc de notre point de vue d’universitaires et d’analystes de
l’activité des organisations syndicales.
Ce n’est
pas pour rien que Georges a tenu absolument à ce que Maxime et moi-même
assumions ce rôle de porte-voix.
Georges
Debunne a très vite compris qu’il y avait un triangle magique entre les
sciences du social (sociologie, droit social,…), l’institution parlementaire et
l’institution syndicale.
Il faut ces
trois piliers pour soutenir la généralisation d’une culture du conflit
démocratique. Parlements et Syndicats sont des alliés naturels et doivent
œuvrer ensemble comme producteurs légitimes de la norme sociale.
Les
sciences sociales s’associent à ce combat par ses propositions et ses
réflexions sur le contenu de ce travail collectif de production de la norme.
Rappelons que c’est Henri Janne, directeur de l’Institut de Sociologie, qui
alimenta les débats du Congrès de la FGTB de 1971, par un rapport sur l’état de
la société que Georges lui avait demandé.
Ce n’est
pas un hasard si les forces conservatrices discréditent aujourd’hui ces trois
institutions d’intégration de la tension démocratique. Pour que le syndicalisme
aille mieux, il lui faut aussi dénoncer les attaques contre les autres porteurs
du débat et du conflit démocratiques. Il lui faut s’allier avec ceux qui
portent les idéaux de la délibération collective contradictoire.
Georges a
aussi consacré une très grande part de son énergie à promouvoir, à développer,
à renforcer toutes les institutions qui aident à construire l’égalité par la
solidarité. Il s’agissait de rendre tous les citoyens égaux grâce au
développement par l’Etat d’une Sécurité sociale de plus en plus forte et large
(il y a tellement de nouveaux droits collectifs que nous pourrions encore
socialiser) ; mais encore par le développement d’un système de services
publics de plus en plus étendu ; d’une responsabilité publique clé dans le
contrôle de l’orientation de l’économie et le développement d’entreprises
publiques. Ce système a démontré qu’il était, réellement, un vecteur de
l’égalité (ne prenons ici que l’exemple de l’augmentation globale de
l’espérance de vie moyenne à la naissance grâce à la socialisation de l’accès aux
soins dans un système de santé qui doit rester de la responsabilité des
pouvoirs publics).
Georges a
sans cesse œuvré pour l’extension de la solidarité dans tous ses aspects
syndicaux ET politiques. Ceci nécessite la poursuite de la lutte syndicale pour
la sauvegarde de tous les mécanismes de redistribution des richesses
collectives : fiscalité directe progressive, indexation des salaires,
liaison à cette indexation des autres droits à rémunération (pension, chômage,
aides sociales, …), salaire interprofessionnel minimum garanti …dont les
principes devraient représenter l’avenir des luttes syndicales à l’échelon
européen.
L’espace
européen est devenu notre nouveau système politique commun : pour que les
acquis sociaux de tous soient préservés et ensuite étendus, les luttes doivent
nécessairement s’appuyer sur des revendications transnationales, pour casser
les politiques de mise en concurrence internationale des travailleurs. C’était
le sens du combat européen de Georges.
La pauvreté
et la déqualification des travailleurs (thèmes on ne peut plus actuels) ne sont
pas des fatalités mais les conséquences des politiques actuelles. La solidarité
n’est pas une valeur morale qui doit se traduire par la charité mais une valeur
politique centrale du système démocratique qui doit être mise en œuvre par des
droits, et des droits qui doivent devenir européens : d’où le combat de
Georges pour des verrous législatifs de rémunération à imposer dans l’ensemble
des pays de l’Union européenne : un plancher en dessous duquel il serait
interdit de descendre pour les salaires, les pensions, les allocations de
chômage, etc).
Cela
devrait se faire à travers un mode de calcul commun et national qui tienne
compte des disparités de développement économique et qui s’inscrit dans une dynamique
d’harmonisation dans le progrès : pour donner un exemple, une
revendication commune d’un salaire interprofessionnel minimum brut européen
fixé pour chaque pays à 70% du Revenu National Brut par habitant.
Cette
solidarité doit être organisée des riches vers les plus démunis par une
fiscalité directe réellement progressive, des travailleurs expérimentés vers
les jeunes travailleurs, les travailleurs moins qualifiés ou les travailleurs
au chômage, des « actifs » vers les pensionnés et des
pensionnés vers les « actifs » car Georges n’a jamais vu les
pensionnés comme une charge inutile pour la société mais comme étant des
« actifs » autrement, une source de richesse humaine et sociale
extraordinaire (grâce à de solides pensions de retraites) : notamment par
l’exercice de la solidarité des grands-parents vis-à-vis de leurs
petits-enfants (par la transmission de la mémoire, le don du temps,…).
La
Solidarité comme valeur socialiste est en fait une somme de solidarités :
Solidarité interprofessionnelle (d’où l’importance pour Georges d’avoir un pôle
interprofessionnel puissant à l’intérieur du syndicalisme) ; solidarité
inter-générationnelle (entre jeunes, actifs, pensionnés) ; solidarité
universelle (par l’impôt direct sur TOUS les revenus) ; solidarité inter-nations
(Georges est européen en tant qu’inter-nation-naliste).
Je
terminerai par l’importance pour Georges du socialisme comme vecteur de
l’émancipation sociale (individuelle et collective).
Georges a
toujours démystifié le capitalisme en montrant bien qu’il s’agit in fine de
l’exaltation du pouvoir d’un petit groupe qui cherche à dominer la masse en
cassant les mécanismes de solidarité collective. Pour sortir du capitalisme, il
faut que s’épanouisse un modèle d’Etat social de services publics mais il faut
aussi une réduction du temps de travail, globale, interprofessionnelle, sans
perte de salaire par une réduction de la durée hebdomadaire du travail, par une
diminution de l’âge de départ à la retraite, par la possibilité pour tous de
faire de longues études… soit tout un travail de mise en droit pour accroître
les temps sociaux de l’émancipation collective.
Le
capitalisme n’a jamais été pour Georges une fatalité indépassable mais une
absurdité qui exacerbe les pires défauts de l’humain (égoïsme, individualisme,
haine de l’autre et du différent, vision à court terme, appropriation violente
des ressources et des richesses collectives,…).
Merci pour
ces combats, Georges, qui doivent rester au centre de nos luttes.
Par
la voix de Maxime :
Nos
réflexions se réfèrent au passé mais concernent l’avenir. Elles ont trait à:
–
Un
monde en mutation et le mouvement syndical socialiste ;
– Une
ligne de conduite idéologique pour la pensée et l’action ;
–
L’unité
et la collaboration au sein de la classe ouvrière confrontée avec une grande
diversité de projets sociétaux ;
–
Le
droit à un travail décent avec le droit au travail comme droit constitutionnel – la responsabilité
sociale des entreprises ;
–
La
nécessité d’une classe ouvrière solidaire et notre réforme de l’Etat ;
–
La
paix mondiale est également un objectif syndical.
xxx
Le socialisme
démocratique est une nécessité pour une Europe sociale
–
Le
monde est en mutation permanente ;
–
L’économie
libre du marché capitaliste n’a fondamentalement pas changé ;
–
Le
capital domine le travail ;
–
Élargissement
d’échelle mais accroissement du potentiel ;
–
Le
socialisme n’a pas fait faillite avec l’implosion de l’URSS ;
–
Les
citoyens ont besoin d’une analyse et d’une ligne de conduite idéologique: une mission pour les syndicats;
–
Les
anciens pays de l’Est sont en pleine mutation vers la privatisation.
Xxx
Droit au travail à
intégrer dans la responsabilité sociale des entreprises.
– Le droit au travail est une
revendication syndicale primordiale ;
-Le droit au travail doit être
intégré dans l’objet social de l’entreprise ;
-Corporate social
responsability-responsabilité sociale doivent avoir un contenu plus
concret ;
-La sécurité d’emploi ne peut être
mis en cause ;
-Le chômage et le travail décent
sont liés au droit au travail ;
-La gestion des entreprises est un
thème à mettre à l’agenda.
Xxx
La réforme de l’Etat
et la solidarité ouvrière.
–
Des
réformes d’inspiration nationaliste ne bénéficient pas aux travailleurs ;
–
L’impact
européen et international tant économique que politique est de plus en plus
grand ;
–
Le
mouvement ouvrier a besoin de solidarité, de collaboration et de cohésion.
Respect mutuel et bonne foi dans l’exécution des obligations respectives ;
–
Diviser
pour régner.
Xxx
La paix mondiale et des
institutions internationales démocratiques.
–
La
paix mondiale : un objectif vital ;
–
Des
organisations internationales trop souvent dominées par les grands Etats ;
–
Respecter
le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes dans le cadre d’une solidarité internationale ;
–
Le
fonctionnement démocratique est
déficient ;
–
Le
mouvement syndical socialiste doit soutenir le procès démocratique.
Georges vous remercie de votre
présence et vous souhaite à vous toutes et vous tous une lutte syndicale
fructueuse et beaucoup de bonheur dans
votre vie familiale.
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