Que peut une vie ordinaire ?

Pour Guillaume Le Blanc, la précarité, loin d’être la condition
naturelle de l’homme, est socialement produite. La pauvreté, la
marginalisation ou le mépris social empêchent l’individu de constituer
son autonomie dans un jeu nécessaire avec les normes.

Guillaume Le Blanc, Vies ordinaires, vies précaires, Le Seuil (La couleur des idées), mars 2007, 290 p.

L’auteur prévient : ce livre trouve son
origine dans « l’air du temps irrespirable, une suffocation, une colère
contre la précarisation des vies ordinaires à laquelle nous assistons,
impuissants » (p. 13). L’atmosphère idéologique peut empêcher de penser
ou provoquer la révolte. Pourtant, l’indignation reste stérile
politiquement, parce qu’elle est vaine théoriquement. Tout le mérite du
livre de G. Le Blanc se noue ici : d’avoir compris et fait le travail
par lequel la précarité est devenue, pour nous, un objet
philosophique ; de chercher à lier critique théorique et critique
sociale, mais aussi « critique et clinique », c’est-à-dire le soin dû
aux précaires, soin qui ne peut attendre les jours meilleurs où la
précarité aura disparu. Autant dire tout de suite l’importance de ce
livre qui fait partie de ceux qui transforment ses lecteurs, qui les
convoquent à un travail intellectuel, voire à une activité éthique ou
politique. Livre de philosophie, il n’apporte pas les solutions ou les
remèdes à un mal clairement diagnostiqué, mais réfléchit sur les
difficultés et les voies qui permettent d’interroger le statut de la
précarité en le mettant en rapport avec « la vie ordinaire », loin d’en
faire un moment exceptionnel, ou une dimension limite révélant l’humain
à sa vérité.

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