Handicap : le miraculé d’un train régional malgré l’indifférence des autres ?

Quelques
jours après le terrible accident d’Allinges, en Haute-Savoie, où un
train régional a percuté un car scolaire provoquant la mort sept
enfants, un autre passage à niveau a failli être la cause d’une
nouvelle horreur.


Lors de son interview traditionnelle de la Fête nationale, le Président
Jacques Chirac avait énoncé le 14 juillet 2002, juste après sa
réélection, trois chantiers auquel il tenait beaucoup et qui n’avaient
pas grand chose à voir avec les clivages politiques : la sécurité
routière, la lutte contre le cancer et l’adaptation de la société aux
handicapés.

Des handicapés un peu oubliés…

Si
les deux premiers chantiers ont montré d’évidents signes de progrès,
notamment avec la répression systématique des délinquances routières
(fin de l’impunité, pose de radars automatiques, sévérité accrue etc.)
et avec la lutte contre le tabagisme (taxes augmentées, interdiction de
fumer dans les lieux publics etc.), le troisième laisse assez à désirer.

Pourtant, cinq millions de personnes sont handicapées en France, ce qui est un nombre élevé (8% de la population).

Transports
en commun, marches pour entrer chez les commerçants, stationnements
réservés soit à des emplacements inaccessibles soit utilisés par des
bien portants… rien n’est vraiment adapté dans la vie urbaine pour les
handicapés qui sont obligés de vivre des existences semées d’embûches
basiques.

…ou instrumentés ?

Un ministre a même été nommé par François Mitterrand de juin 1988 à mars 1993, Michel Gillibert,
devenu tétraplégique dans un accident d’hélicoptère à l’âge de
trente-quatre ans (disparu le 17 octobre 2004). Ce dernier avait
cependant été condamné peu avant sa mort à des peines de prison avec
sursis pour des affaires de financement public d’associations fantômes,
ce qui ne fut pas un exemple très probant de modèle d’intégration des
personnes handicapées dans la vie politique.

En Allemagne, l’actuel Ministre de l’Intérieur Wolfgang Schäuble
(de 1989 à 1991 puis depuis 2005), qui doit se déplacer dans un
fauteuil roulant depuis 1990 (victime d’un attentat provenant d’un
déséquilibré), a été l’un des hommes les plus importants de la vie
politique allemande et candidat pour devenir Chancelier (successeur de
Helmut Kohl à la présidence de la CDU, il a dû la laisser à Angela
Merkel à la suite d’une affaire politico-financière).

Le
point culminant de l’instrumentation du thème par la classe politique
fut sans aucun doute la campagne présidentielle française de 2007, où
la candidate du Parti socialiste Ségolène Royal est allée au cours d’une émission télévisée le 15 mars 2007
jusqu’à toucher un handicapé sur son fauteuil pour provoquer l’émotion
du public, puis à utiliser à très mauvais escient ce thème pour en
faire une ‘sainte colère‘ lors de son débat le 2
mai 2007
face à son concurrent Nicolas Sarkozy.

Nous sommes tous des handicapés virtuels

Et
pourtant, chacun peut un jour devenir handicapé à la suite d’un
malheureux accident, comme on peut être touché, de près ou de loin, par
un manquement à la sécurité routière ou par le cancer.

Un fait divers troublant

Un
exemple navrant de l’absence de considération des personnes handicapées
a eu lieu le samedi 7 juin 2008 matin, vers neuf heures trente et fut signalé initialement par Le Dauphiné Libéré.

Un
sexagénaire obligé de se déplacer en fauteuil électrique avait
l’habitude de franchir un passage à niveau pour aller au centre ville
de sa commune, Chambéry.

Or,
ce matin-là, pour aller faire son marché, l’homme a vécu une grosse
frayeur : une petite roue de son fauteuil électrique s’est coincée dans
un rail du passage à niveau. Il n’arrivait plus ni à avancer ni à
reculer et malgré une dizaine de minutes d’efforts, il n’a pas pu se
dégager alors que les barrières se mirent à se baisser pour le passage
du train régional qui redémarrait de la gare de Chambéry.

Bloqué
dans son fauteuil en plein milieu de la voie ferrée, le malheureux
s’est alors jeté à terre, a roulé pour s’écarter de la voie et a rampé
jusqu’aux abords. Le train n’a pas pu s’arrêter et a percuté son
fauteuil roulant qui a explosé à cinquante mètres sous le choc. Un
automobiliste s’est alors arrêté et a alerté les secours. Par chance,
le malheureux n’a pas eu une seule égratignure.

Depuis, l’homme se croit miraculé et est maintenant très sollicité par la presse et des curieux pour donner son témoignage.

Indifférence ?

Il
n’y avait pas beaucoup de circulation, ce qui l’a empêché d’être aidé
par des automobilistes. Cependant, il a quand même affirmé qu’un
automobiliste avait traversé le passage à niveau quand il s’était
trouvé bloqué et ne s’était pas arrêté malgré ses cris et ses appels au
secours.

Il a notamment raconté : « Ma roue avant était bloquée entre les rails, j’ai
appelé à l’aide mais personne n’est venu. »
et a évoqué des automobilistes qui auraient assisté à la scène sans faire le moindre
geste pour l’aider :
« Je les ai appelés pour venir me sauver, ils n’ont pas bougé. ».

L’handicapé
hésite aujourd’hui à porter plainte pour non-assistance à personne en
danger bien qu’il soit très heureux d’avoir réussi lui-même à éviter la
tragédie.

Une
source policière dit également que la présence d’un ou de plusieurs
automobilistes (les versions divergent en fonction des médias) n’a pas
été évoquée officiellement lors de son audition. L’incident ne fait
actuellement l’objet d’aucune enquête ni d’aucune autre procédure.

Questions…

Alors, la personne aurait-elle été victime de l’indifférence d’automobilistes ou pas ? Cette indifférence serait-elle
généralisée ou seulement spécifique à ces quelques automobilistes de passage qui ne représentaient qu’eux-mêmes ?

La
question n’est sans doute pas là, d’autant plus qu’en situation
normale, une personne handicapée préférerait sans doute cette
indifférence relationnelle : ne pas être observée comme un animal
étrange, ne pas subir vexation et discrimination à son encontre, ni
même pitié et compassion… Simplement, être considérée comme une
personne comme une autre.

La vraie question, à mon sens, c’est l’incapacité des collectivités publiques (nationale ou locales) à rendre accessible et sans danger aux handicapés tous les équipements et
infrastructures.

Car
ce n’était pas la première fois que cette malheureuse personne a été
bloquée sur le même passage à niveau. À l’époque, ce fut un cycliste
qui l’aida à se décoincer.

Et l’autre sujet, à mon sens de plus en plus récurrent, c’est la nécessité de définitivement supprimer les passages à niveau et de faire passer les trains à un autre niveau que les
automobiles.

L’État doit protéger les plus faibles

Parfois, il faut mettre un peu plus d’État pour résoudre des problèmes qui auraient dû être résolus depuis bien longtemps.

Volonté
politique, priorité budgétaire… 8% de la population et chacun
potentiellement capable de devenir handicapé, ça peut faire réfléchir,
non ?

http://rakotoarison.over-blog.com/article-20291673.html

Sylvain Rakotoarison