LETTRE OUVERTE

SOUFFRANCE D’UN RESPONSABLE D’ETABLISSEMENT D’HEBERGEMENT POUR PERSONNES
AGEES « DEPENDANTES » (EHPAD). 

Comment ne pas
jeter un Cri.

Un Cri
d’étonnement.

Etonnement de
l’absurdité d’une situation Kafkaïenne où l’on se débat, au risque de se noyer,
dans des occurrences injustes et qui tournent indéfiniment en rond comme sans
issue.

Ce Cri est un
Cri transmis.

Un Cri de
familles en souffrance elles aussi, Cri qui agresse, qui revendique, qui se
cristallise sur des inquiétudes, qui cherche des explications, un coupable
aussi :

         
« Ma mère
avait une prescription pour un drainage lymphatique et toujours pas de
kiné.. »

         
« Je suis
restée le soir avec mon mari et à 20 heures et pendant quelque temps 1 seul
soignant s’occupait des 35 personnes présentes…. »

         
« Vous
croyez que c’est gage de qualité d’avoir des infirmières intérimaires…. »

         
« Voilà
plusieurs semaines que vous savez que l’infirmière coordinatrice à une maladie
grave et vous ne l’avez toujours pas remplacée, comment fonctionner  sans cadre infirmier …… »

Le responsable
comprend, c’est vrai, il le sait, baisse la tête, encaisse et essaie de
répondre comme il peut.

Et pour autant
le responsable a une compétence, il est de bonne volonté et somme toutes les
bonnes pratiques qu’il impulse dans un volontarisme quotidien, portent ses
fruits ; la sérénité de ses résidents, tous atteints de la maladie
d’Alzheimer, est bien réelle.

Il s’inscrit
dans une démarche de recherche permanente de la Qualité. Il, croit
fortement à sa démarche.

C’était hier à
la réunion des familles. Réunion qu’il organise tous les 2 mois :

Le Cri lui est
arrivé en pleine face. Il l’a reçu comme une violence car les manquements réels
qu’il pointait, ne dépendent pas de lui, et de surcroit, lui ont semblé
occulter la valeur toute aussi réelle de son labeur :

– Oui le
nombre de soignants notamment de nuit est trop insuffisant, il a beau
remodifier, retourner, triturer le planning,

– Oui il peine
à recruter des infirmières et à les garder,

– Oui pour les
absences non prévues il n’arrive pas à remplacer au pied levé les aides
soignants,

– Oui avec un
budget pour un salaire brut annuel de 7 843 € il n’arrive pas à salarier
un kiné, même à mi temps, et les libéraux sont indisponibles,

– Oui il a mis
plusieurs mois avant de réussir, malgré des multiples annonces, à recruter un
gériatre coordonnateur.

Il sait que
les gouvernements successifs depuis 2002, ont amélioré les moyens des
établissements dédiés aux Personnes Agées handicapées.

Il sait pour
les connaître en Ile de France, que la grande majorité, mais pas toute !,
des DDASS se positionnent en partenaires soucieux de comprendre les
particularités  et de s’y adapter.

Mais il sait
aussi que les résidents qu’il reçoit sont de plus en plus lourdement handicapés
et requièrent de plus en plus de soins et de médico vigilance. Il le sait
d’autant plus que tous ses résidents sont atteints de la maladie d’Alzheimer à
un stade sévère.

Et il sait que
les effectifs de soignants, dans ce contexte sont insuffisants.

Il sait aussi
qu’il a de moins en moins d’infirmière, de moins en moins de kiné,
d’orthophoniste, de psychomotricien acceptant de venir travailler en gériatrie

Il sait qu’il
a très peu de gériatre et même de moins en moins.

Il sait qu’il
y a peu d’aides soignantes et encore trop peu d’aides médico psychologiques.

Il comprend
bien ce qu’on lui explique : la pénurie d’argent publique, de
professionnel de santé qui va s’empirant.

Mais
aujourd’hui il adresse son Cri :

         
Aux Elus pour
qu’ils anticipent et prennent des décisions courageuses et hardies en terme de
financement de la médicalisation des établissements et de politique de
formation du personnel soignant.

         
A certaine
DDASS pour leur demander de distraire leur regard obstinément fixé sur les
textes afin de l’ouvrir à la vraie Vie dans les établissements.

         
Aux familles
pour qu’elles ne se trompent pas, parfois, d’interlocuteur et afin qu’elles
s’unissent dans les associations représentatives et s’expriment fortement face
au pouvoir public comme les familles d’Handicapés ont su si bien le faire.

 

Le 18 juillet
2008 à Eragny sur Oise dans le Val d’Oise, Louis NOUVEL / JP et C.GIRE.