Fin de vie : en finir avec le déni ?

avec l’aimable autorisation de Daniel CARRE

Une
fois encore, ce sont les faits divers (le suicide le 13 août de Rémy Salvat, 24
ans), qui ouvrent le débat sur la fin de vie. Information flash à France Inter
dès 8 heures le 14/8, deux pleines pages du « Parisien » le même jour
exposent motifs et conditions de la fin de vie d’un handicapé, gravement et
douloureusement atteint d’une maladie rare.


Normal
0
21
false
false
false
FR
X-NONE
X-NONE
MicrosoftInternetExplorer4

/* Style Definitions */
table.MsoNormalTable
{mso-style-name: »Tableau Normal »;
mso-tstyle-rowband-size:0;
mso-tstyle-colband-size:0;
mso-style-noshow:yes;
mso-style-priority:99;
mso-style-qformat:yes;
mso-style-parent: » »;
mso-padding-alt:0cm 5.4pt 0cm 5.4pt;
mso-para-margin:0cm;
mso-para-margin-bottom:.0001pt;
mso-pagination:widow-orphan;
font-size:10.0pt;
font-family: »Times New Roman », »serif »;}

Les
réactions des journalistes partent de considérations très générales, basées sur
les situations exceptionnelles qui ont attiré l’attention des médias. J’ai
l’intime conviction que nous n’observons là que des manifestations atypiques
qui à la fois révèlent et masquent la vérité des fins de vie difficiles.

S’il
y a révélation, c’est parce que le débat est lancé par des personnalités qui
ont pour projet de projeter publiquement les conditions de leur mort. Pour ne
retenir que 3 cas récents :

  • Maïa
    Simon enregistre une très belle déclaration à la radio avant son voyage à
    Zürich,
  • Chantal
    Sébire convainc FR3 Bourgogne de « couvrir » son appel au
    suicide assisté,
  • Rémy
    Salvat écrit à Nicolas Sarkozy qu’il piège en l’obligeant à écrire qu’il
    ne veut pas changer la Loi.

Ces
morts théâtralisées, de manière digne et respectable, sont des exceptions. Les
hommes, comme les animaux, ne vont pas mourir sur la place publique, mais se
terrent, hélas bien souvent dans une solitude et un silence inacceptables.
Personne à qui parler, personne avec qui pleurer ou rire sur ce qui a été une
vie qui s’achève.

Je
prétends que l’on se trouve devant un double déni :

  • Déni
    de la mort, amplifié par les progrès des technologies médicales qui
    portent les soignants à traiter la maladie sans considérer la personne,
  • Déni
    des volontés de la personne, dont le désir de quitter le monde est
    considéré comme une offense à la société.

Comme
le dit Claude Evin, « le suicide reste une liberté individuelle ».
Comment alors ne pas reconnaître que ce droit puisse s’exercer dignement, sans
forcer au suicide secret dont la découverte traumatise tous les proches.

L’hypocrisie
s’insinue. Le puissant, le bien né, la personne en bonne situation sociale part
sans bruit et il n’est jamais fait appel au procureur qui ordonne une autopsie,
comme ce fut le cas pour Vincent, Chantal et hélas aujourd’hui Rémy. L’homme ou
la femme « ordinaire » n’ont pas la chance d’accéder à des moyens ou
procédures particulières et en marge de la légalité. Ils souffrent en silence
et ruminent à longueur de journée leurs obsessions morbides, parfois soulagées
ou sporadiquement masquées par des molécules chimiques.

Le
peu de cas révélés est considéré comme la preuve que l’euthanasie ne concerne
que peu de personne. L’extrapolation des situations belges et hollandaises
infirme très fortement cette conclusion. N’oublions pas qu’en France, 550 000 personnes
par an meurent. Un chiffre de 10 000 cas de fins douloureuses, qui
entraîneraient une demande d’euthanasie, a été avancé en extrapolant la
situation belge. Il y a 200 000 médecins et 360 000 IDE. Ceci explique qu’un
soignant puisse n’être qu’exceptionnellement exposé à un telle demande,
d’autant plus que l’interdit est lourd.

Je
voudrais que le débat s’éloigne des positionnements compassionnels ou
émotionnels. Les faits, quels sont-ils ? Dans quelle condition et où
meurent les personnes ? Il faudrait aussi sortir du débat de
spécialiste : ce n’est pas un débat médical. Tout le monde meurt un jour.

La
problématique n’est pas comment les patients ou les fidèles doivent mourir.
Mais comment chacun, en toute liberté souhaite terminer sa propre existence.
Une mort violente dans la souffrance physique et psychique, ou bien la
possibilité d’accéder à une mort non pas douce, mais apaisée, terme ultime
d’une vie bien ou mal remplie, dernier projet de tout être humain dont la
conscience est respectée.

Dans
cette perspective, l’existence d’une loi est la reconnaissance solennelle d’un
consensus social, dont je sens qu’il prend forme.

Paris,
jeudi 14 août 2008

Message
diffusé sur :

http://www.mediapart.fr/club/blog/daniel-carre