Réponse de Pierre Caro

Suite à l’article "Faire évoluer le modèle des services à la personne" par Martin Vial
02/09/2008

Je lis avec intérêt vos lignes parues sur Le
Figaro.fr

Je suis retraité depuis dix ans, et je me suis posé la question
de ma condition de vie en situation de retraite, avant d’entreprendre
celle-ci.
Je l’ai commencée par quatre années à l’université, où j’ai
construit mon projet de vie en situation de retraite à partir d’une recherche
sur : le rôle et la place possibles du retraité dans la société.

Je développe
quatre éléments qui me semblent essentiels : comprendre sa santé ; apprendre
aujourd’hui ; élaborer un réel projet de vie pour les vingt, trente ans et plus
qui nous sont offerts ; entreprendre son vieillissement.

Aujourd’hui
j’ai pris conscience que nous sommes retraité puis, peut-être, vieille ou
vieux.
Peut-être parce que, le plus souvent, le déroulement des premières
années de retraite conditionnent le temps et l’état des capacités à conserver
notre autonomie intellectuelle, mentale, physique.

Je comprends, en
partie, vos lignes.
Je sais surtout que les conséquences de l’allongement de
la durée de la vie, au-delà de soixante ans, n’ont pas été un souci tant que
nous, notre génération née entre 1935 et 1950, avons été en activité. La plupart
de nos parents décédaient après seulement quelques années de retraite, voire
avant. L’entrée en situation de retraite marquait l’entrée dans la vieillesse
tout comme le service national nous faisait entrer dans le monde des
adultes.

Mais aujourd’hui, nous sommes la première génération, entrant en
situation de retraite, qui peut vivre avec ses parents et grands-parents, ses
enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants.
A soixante ans nous ne
sommes plus des vieux.

Nous n’avons pas d’histoire d’une telle société.
Nos parents n’ont pas pu nous « apprendre » à vivre un temps de retraite d’un
tiers ou d’un quart de vie, d’un tiers ou d’un quart de siècle, ce n’est pas
rien.
Par contre, nous avons à éduquer nos enfants et leurs enfants à vivre
un temps de retraite peut-être encore plus long, où ils devront conserver leurs
capacités nécessaires et indispensables à leur autonomie.

Et c’est là où
mon projet de vie en situation de retraite m’a conduit à envisager sérieusement
la mise en place d’un réel apprentissage à la retraite.
Un temps où l’on
visite ses acquis, ses manques, ses envies, ses passions., afin de les
transformer en outils « utiles » pour vivre avec nos plus jeunes « dans et avec
la société ».

Car tout au long de ces dix années je me suis rendu compte
combien quarante années d’exercices professionnels n’étaient pas obligatoirement
l’assurance de qualifications professionnelles qui pouvait être
transmises.

Ce temps d’apprentissage, j’y ai consacré quatre années, doit
permettre à chacune, à chacun, d’apprendre pour comprendre et entreprendre., au
moins sa vie.
On ne peut plus « s’occuper » durant deux, trois ou quatre
décennies. On ne peut plus confier ces années au hasard.
Le projet de vie est
au moins aussi essentiel que les problèmes financiers sur lesquels beaucoup
d’experts se penchent. avec intérêt (pour eux le plus souvent).

En
prétendant à la nécessité d’un réel apprentissage, je pense à une nouvelle
carrière de professionnel retraité.
Je prétends que nous devons aller au-delà
de la fonction de bénévolat, qui occupe la plus grande partie des retraités.
Aujourd’hui, même ces fonctions obligent à une formation si nous voulons
dépasser le stade de consommateurs d’activités.

J’ai acquis le sentiment
que beaucoup de professions relationnelles pourraient être parfaitement prises
en charge par les jeunes retraités.
Nous avons à inventer 80 % des
professions qui seront à exercer dans les années 2030 – 2050., c’est
demain.
Les services à la personne sont parmi celles-ci.
Je pense que nous
ne sommes qu’au début de nos découvertes.

Et la réflexion est à
entreprendre entre-nous, aujourd’hui, (hier même).
Nous devons travailler sur
le fait de savoir si les conditions que nous offrons à nos aînés sont celles que
nous allons accepter d’ici à vingt, trente ans et plus ?

Si oui, nous
pouvons continuer de penser l’évolution des services à la personne.
Si non,
nous devons « inventer » les années 2030 – 2050 en nous approchant le plus
possible des environnements imaginables ou non, des décennies
prochaines.

C’est faire entrer un peu de prospective dans notre travail
pour les générations prochaines. celles qui prendront soin de notre
vieillissement.
C’est ce qui me fait travailler davantage encore que les
trente cinq heures que j’ai quittées.  C’est ce que je souhaite partager avec
chacun d’entre-vous.

Et là je trouve une grande satisfaction à avoir
entrepris ma recherche sur la retraite et le vieillissement.
Je sais
aujourd’hui que, devant ce grand bonheur de vivre plus longtemps, nous devons
entreprendre de comprendre notre santé, de continuer à apprendre, d’élaborer un
vrai projet de vie, et, c’est irrémédiable, nous devons entreprendre notre
vieillissement.

Lorsque l’on sait où l’on va, on prend davantage le
risque d’y arriver dans les meilleures conditions possibles. C’est mon
sentiment.

Un vrai projet de vie en situation de retraite est un atout
essentiel.
Celles et ceux qui vont se consacrer aux professions des services
à la personne, professionnels formés et compétents en même temps qu’un peu
passionnés (et encouragés à l’être puisqu’il s’agit de relations humaines),
auront suffisamment de travail avec les personnes en grande difficulté
auxquelles elles pourront consacrer davantage de temps et d’amour.
C’est
souvent ce qui manque le plus faute de temps. 

A la soixantaine on n’a
plus le droit de dire : j’ai fait ma part.
Car cette part est déjà
mangée.

Je vous remercie de votre attention et je demeure à votre
disposition.

Pierre Caro
Retraité
Recherches : retraite et
vieillissement

44530 Saint Gildas des Bois.