Symposium Rouen 2008

Interview de Jean Carette*

* Jean CARETTE, Fondateur et animateur, en France, du Groupe d’Études et de Recherches pour des solutions aux Problèmes des Personnes Âgées (GERSPPA), et de L’Âge et la Vie Internationale, Fondateur, en 1970, de la revue française « Gérontologie », dont il a assumé la direction de 1974 à 1976. Depuis 2001, il a lancé et préside le mouvement « Espaces 50+ », Canada.

ENTREVUE
sur les réseaux géronto en France

 

Q :
Vous serez présent au colloque de Rouen les 8 et 9 octobre sur « L’âge et
le pouvoir». Vos nombreux travaux sur le sujet vous ont amené à analyser le
rôle et le pouvoir des retraités dans la société en tant que chercheur et
universitaire tout d’abord, puis, le temps faisant, en tant que retraité
vous-même. En tant qu’analyste et témoin, quelles sont selon vous les grandes
évolutions dans les rapports de forces entre les retraités et les décideurs
publics que le colloque de Rouen pourrait mettre en avant ?


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R :
Je participerai avec joie au colloque de Rouen, à la fois pour écouter et pour
échanger. Les choses ont bien changé depuis mai 1968, où je démarrais mon
cheminement et ma carrière en gérontologie sociale. Les baby-boomers sont
devenus les papy et mamy-boomers, qui accèdent par milliers à une période de
retraite que la majorité d’entre eux souhaitent active et utile, pour eux et
pour la société. Ce remplacement d’une génération par une autre marque l’arrivée
d’aînés en pleine possession de leurs moyens, expérimentés et conscients de
leurs droits et aptes à les défendre ou à les promouvoir. Ces «jeunes» aînés
«hyperactifs» sont aussi très impliqués dans des relations
intergénérationnelles, non seulement dans leur famille et leur voisinage, mais
au service d’enjeux sociaux plus globaux comme la paix, le développement
durable et la protection du patrimoine naturel, social et culturel. Face aux
divers décideurs publics, mais aussi dans leurs regroupements associatifs, de
plus en plus d’aînés refusent d’être réduits à une cible de clientélisme
paternaliste ou de marketing politique et se considèrent désormais comme des
citoyens à part entière, disposant d’expérience, de maturité et de temps
libéré.

Q :
Dans le contexte québécois, vous avez pris l’initiative de créer les réseaux
Espaces 50 +. Est-ce une nouvelle forme de militantisme ou d’organisation
collective des retraités ou des seniors ?

R :
J’ai lancé Espaces 50 + il y a 5 ans à Montréal pour signifier activement que
les aînés devaient être reconnus comme des acteurs sociaux majeurs et comme un
plus pour la société, aussi bien par les gouvernements que par les institutions
universitaires et culturelles et que par les décideurs économiques. Espaces 50
+ est un incubateur de projets sociaux initiés par les aînés, et pas forcément pour eux. Espaces 50 + est constitué en
réseaux à géométrie variable en fonction du choix des acteurs, de l’importance
des enjeux et du contexte. À travers les actions entreprises et les mouvements
provoqués, à travers des partenariats, Espaces 50 + constitue peu à peu une
toile (web) géronto-active, efficace et souple. Parfois on peut parler de
militantisme ou de lobbyisme, de consultation-expertise, de création artistique
et littéraire, d’organisation de loisirs autocontrôlés et autres événements
comme les Cafés des âges que nous avons démarrés au Québec.

Q :
Dans le cadre d’Espaces 50 +, vous avez animé les «Ateliers de la retraite
citoyenne» qui ont permis la création d’un document : le Livre de bord de
ma retraite citoyenne. Comment se sont déroulées ces réflexions et en quoi
ce
  texte diffère des très nombreux
rapports plus ou moins participatifs qui se sont accumulés durant les deux
dernières décennies sur les bureaux ministériels ?

R :
Loin de moi l’idée d’un rapport, même si nos ministres sont ici moins lointains
qu’en France et parfois à notre écoute! Nous avons organisé des ARC dans une
perspective de pédagogie conscientisante: à travers leur propre connaissance de
leurs milieux de vie (voisinage, région, quartier, région, les aînés se regroupent
pour en dégager les meilleurs leviers en termes de changements dans la vie
collective. De ces ateliers est né le Livre de bord rédigé par des aînés
participants et qui sera lancé le 29 septembre en présence de Marguerite Blais,
ministre des Aînés du gouvernement du Québec. Il s’agit d’un outil évolutif
d’observation, d’enquête-terrain, d’organisation en réseaux et de mobilisation
pour agir.

Q :
Vous êtes également chargé du projet des États généraux des Âges auprès de
l’Institut du Nouveau Monde qui devraient se tenir entre l’été 2009 et l’été
2010. Pouvez-vous présenter cette initiative ?

R :
Au Québec, l’arrivée massive de baby-boomers à la retraite active modifie en
profondeur la condition des aînés et donc le paysage politique et social. Le
vieillissement collectif rapide ne manque pas d’interpeller démographes,
économistes et décideurs politiques
  et
fragilise le consensus intergénérationnel. 50 ans après la Révolution
Tranquille des années 1960-1970, le temps est venu de réécrire le contrat
social à travers un dialogue, convivial mais ouvert aux contradictions, entre
les générations. D’où l’idée des premiers membres d’Espaces 50 + des États
généraux des âges (titre provisoire). Il s’agit de mobiliser l’ensemble des
acteurs de la société civile pour débattre du vieillissement collectif et de
ses effets sur les rapports entre les générations, sur les institutions et les
diverses organisations sociales, de ménager entre citoyens de tous âges des
«rendez-vous stratégiques» sur les grands enjeux sociaux de l’heure et
d’élaborer une nouvelle et réelle politique du vieillissement et des âges (et
non «de la vieillesse»).

Avec l’Institut du Nouveau Monde
(www.inm.qc.ca), nous avons trouvé un opérateur efficace et
sur les mêmes longueurs d’ondes. L’INM est un institut indépendant, non
partisan, à but non lucratif, fondé en 2003 et voué au renouvellement des idées
et à l’animation de débats publics, le plus souvent au Québec.

                À ces États généraux des âges,
nous espérons associer l’ensemble des pays francophones à travers des échanges
de citoyens aînés ou plus jeunes, de décideurs politiques et de chercheurs
universitaires. Entre autres objectifs, je viens à Rouen pour poser les jalons
de cette nouvelle coopération.

 

Q :
Quels sont actuellement les thèmes majeurs qui préoccupent les retraités
québécois et comment se structurent-ils dans le débat public ?

  1. La pauvreté, en particulier
    celle des femmes plus âgées, mais aussi celle à venir des générations de
    la précarité;
  2. les violences sociales à
    tous niveaux, y compris contre les plus âgés;
  3. l’avenir des systèmes de
    santé et d’éducation;
  4. une réelle politique du
    vieillissement;
  5. la solidarité à redéfinir et
    redéployer entre les générations;
  6. l’avenir d’une démocratie
    fragilisée;
  7. le développement global et
    durable.

 

Les
élections fédérales qui auront lieu le 14 octobre et les élections provinciales
prévues au printemps 2009 sont et seront l’occasion d’intensifier ces débats
auxquels les aînés participent de plus en plus activement. Il est cependant
frappant de constater à quel point les aînés
 
passent de moins en moins à travers leurs divers regroupements
traditionnels «d’âge d’or» pour faire valoir leurs revendications et leurs
points de vue citoyens, mais agissent de plus en plus en lien avec des
mouvements
  sociaux et des réseaux
multi-âges. Cette recomposition complexe et souvent discrète, augure
positivement d’un «nouvel âge» où les 50 ans et plus tiendront toute leur place.