Compte rendu de Yves Gineste sur le reportage sur France "Maisons de retraite : du scandale à l’espoir"

Le reportage "maisons de retraite du scandale a l’espoir…"
de Hervé Brecque, diffusée le dimanche 5 octobre sur France 3, crée un nombre
incroyable de polémiques, il suffit de lire les forums sur internet pour voir
et le malaise qu’il a créé chez de nombreux professionnels, et l’indignation et
l’espoir chez le grand public.

La charge émotionnelle est telle qu’il me paraît nécessaire
d’expliquer la démarche de ce grand reporter, que je connais très bien, ses
difficultés et ses intentions.

Hervé Brecque est un vrai professionnel, il a tourné de nombreux documentaire
diffusé sur les chaînes principales, sur l’obésité, la sexualité des personnes
âgées etc.


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C’est dans le cadre de ce dernier reportage sur la sexualité
que je l’ai rencontré, et j’ai accepté d’y participer simplement parce que nous
avons parlé d’éthique en permanence, sa pudeur et sa retenue ont d’ailleurs
touché tous ceux qui ont participé, sans exception.


Saisi d’une commande de France 3, il y a plus d’un an, il m’a contacté dès le
début, je lui ai proposé des adresses d’établissements particulièrement
bientraitants, et l’ai laissé se débrouiller pour la maltraitance.

Il a mis 1 an pour réaliser ce reportage. Un an
d’investigation, de vérifications, d’interviews, des milliers de kms pour se
retrouver devant des portes closes.
Il m’a demandé mon avis sur certains cas de maltraitance, afin d’éviter de se
laisser piéger par un regard non professionnel.

Un an pendant lequel il a reçu des quantités
invraisemblables de témoignages, mais où en permanence les rendez vous étaient
annulés au dernier moment, les témoins (soignants, familles), disant qu’ils
avaient peur des représailles de collègues, ou pour leur parent.

Car le problème de ce genre d’enquête, c’est l’omerta, la
peur des conséquences, le silence.

Dans un autre reportage sur le même sujet, un reporter
m’avait confié qu’un le reportage sur la torture en Bosnie lui avait posé moins
de problème d’omerta, et que plus jamais il n’en ferait un sur la maltraitance
en institution…

Il est interdit d’en parler, parce que les soignants ne le
supportent pas. Eux qui sont là pour faire du bien, ils choisissent souvent le
silence plutôt que la souffrance d’être assimilé à ces soignants ou ces
établissements maltraitants. Ils se sentent salis, comme d’ailleurs doivent se
sentir salis les policiers quand ont dénoncent les bavures, les enseignants
quand on parle d’instits violeurs où autres.

Alors faut il parler des prisons, des bavures, de la maltraitance des vieux
parce que les "bons" professionnels en souffrent?

Ils réagissent comme un corps, quand on coupe un doigt, le corps entier à mal.
Alors, en visionnant ces images, on interprète la réalité des images, des mots,
des situations, on voit des choses qui n’existent pas, on entend de façon
filtrée.

Allons ensemble sur les forums (http://forums.france3.fr/france3/documentaires/liste_sujet-1.htm),
la première chose qui est flagrante, c’est que tous les messages qui disent bravo,
super reportage, il faut dénoncer, voire qui témoignent de maltraitances n’ont
aucun écho: une ou 2 réponses.
Par contre, ceux qui se disent scandalisés par le traitements de l’info, ceux
qui parlent du manque de moyens, de personnels, des difficultés des
professionnels ont entre 30 et 50 réponses.. Et que les professionnels qui
cautionnent le reportage y sont mis en difficulté.

Analysons ensemble ce qui s’y dit:

"D’autre part, le journaliste dit qu’il est inadmissible que
le "vieux monsieur" reste assis devant son repas sans qu’on ne le
remarque. On peut voir 2 soignantes qui semblent s’occuper d’une vingtaine de
personnes (elles s’occupent des gens en chambre qui sont certainement
grabataires) : pour les nourrir correctement, il faudrait que chacune des
soignantes consacre 15 min par personne. Si ce monsieur était délaissé (comme
on pourrait le croire), je pense qu’il serait DCD depuis longtemps. En plus ,
le journaliste qui a filmé ce monsieur pendant 20 min aurait très bien pu se
lever pour lui donner à boire si il avait trouver la scène si
"consternante.."

Dans la séquence, on voit une employée, debout, les bras
croisées, attendre totalement indifférente. Le journaliste lui pose la
question: ce monsieur ne mange pas? et entend répondre "je sais pas, d’habitude
je suis pas à cet étage". Le monsieur repartira sans manger. Quand au
journaliste qui aurait du se lever… Quand à la scène, elle n’est pas
consternante, elle est scandaleuse.

La première réponse d’un soignant à ce mail  est : "merci merci et merci….. "

"je suis moi-même  ide et je peste depuis
la fin du reportage sur le manque d objectivité de celui-ci !!!"

Bon continuons :

"Une As: Ce reportage est affligeant par sa démagogie!!!!!!
Il m’est le discrédit sur 1 profession qui est déjà en souffrance et qui aurait
plutôt besoin du soutien des médias pour faire avancer la cause des personnes
âgées en institution!"

En aucun cas il ne jette de discrédit sur la profession,
surtout en filmant dans 3 endroits des soignants supers…

"Un AS : Pour finir, je dis bravo aux journalistes car ils
ont réussi a faire croire à certaines personnes (comme kary690) que ces
pratiques étaient plus que courantes alors que c’est totalement faux."

Faux, ce qui est courant, c’est qu’il y a 300 établissements
qu’il faudrait fermer (Pascal Champvert), 600 où la maltraitance est grave
(pour moi). La réalité est pourtant là: en 1998, lors de notre enquête sur les
coups et blessures volontaires et répétées, basés sur des témoignages de
soignants courageux, écrits ou enregistrés, dans les maisons de retraite
publiques, nous avons retrouvé ces actes dans 70% des établissements!
Aujourd’hui, grâce à la médiatisation qui a obligé les professionnels à réagir,
nous estimons en recueillant toujours les témoignages, à 10% les établissements
concernés, soit environ 600 établissements… Et puis il faut quand même
regarder la réalité en face: 47600 soins de force tous les jours en France en
gériatrie, en plus des maltraitances volontaires… Cela vaut bien un
reportage.

"Avant d’être infirmier, j’ai bossé à l’usine (à la chaîne),
j’ai bossé sur des chantiers et je peux vous dire que le métier de soignant est
de loin le plus dur. Plus dur que celui de journaliste qui n’est que la pour
constater des faits et donner SON point de vue sans intervenir : si j’avais été
le journaliste de ce reportage, j’aurais éteint ma camera et je serais
intervenu."

A la place des soignants présents,  ou surtout de la
famille qui s’occupe des résidents pendant que la soignante attend, les bras
croisés?  Parce que c’est ce que l’on voit sur l’image. Et qu’aurait filmé
le réalisateur, si au lieu de tourner 15 heures d’images brutes en service, il
avait tourné 8760 heures, soit un an complet ? Qu’aurait on vu?  Ce qu’il
a filmé, c’est une infime partie de l’iceberg de la maltraitance, voilà ce
qu’un raisonnement objectif conduit à penser.

"Je voulais juste te dire que :   non un aide
soignant n’est pas là pour être au service de la personne même si celle-ci paie
cher!  Je suis actuellement en formation
d’aide soignante et un aide soignant est là pour accompagner une personne dans
les gestes et les activités de la vie quotidienne et non là pour faire à sa
place (sauf incapacité) ni être un servant comme certaine personne pourrait le
penser!"

Voilà la première cause de la maltraitance, d’ailleurs
évoquée par Jérôme Pellissier dans le reportage: la culture soignante: je ne
suis pas là pour être un servant.. Je ne suis pas au service d’un client. Sauf
que oui, nous sommes au service de ces personnes, et la culture hospitalière
transmise lors des formations initiales ne prépare absolument pas à ce service.

"A aucun moment sur ce forum je n’ai vu qu’un professionnel
niait que des actes de maltraitance pouvaient être infligés dans certaines
institutions pour personnes âgées. Nous sommes juste choqués que le reportage
d’hier n’ait montré que les dérives honteuses de notre profession sans contre
balancer en montrant tout ceux qui sont sur le terrain et qui se battent pour
améliorer la qualité des soins apportés a nos anciens. C’est ce parti pris du
réalisateur que nous dénonçons! En espérant que mon message sera bien
passé………."

Faux, il s’agit d’un reportage sur la maltraitance qui
consacre quand même un tiers à la bientraitance, dans 3 établissements
différents.

J"’ai 27 ans et je suis aide soignant de nuit dans une
ehpad!  Et je veux juste dire que ce
reportage est une atteinte à notre dignité de soignant.  C’est de la démagogie, ce pseudo journaliste
pense faire de l’info et bien il se trompe c’est de la désinformation!!! Il
prend le problème à l’envers comme quoi on peut être journaliste et n’avoir
qu’une faible ouverture d’esprit."

"Toutefois on peut s’interroger sur l’angle journalistique
qui une nouvelle fois après M6 et les différentes enquêtes de consommateurs
fait le choix de la "dictature de l’émotion" pour aborder la
difficulté d’un accompagnement de nos aînés en institution avec dignité. Et
surtout on verse dans la caricature en gardant le même schéma avec dans un
premier temps la dénonciation des situations à scandales tirés de faits avérés
ou non et on présente derrière Mr Gineste et sa méthode Humanitude comme
caution morale de bonnes pratiques. C’est un peu court! "

Là, c’est un formateur qui répond :-). C’est surprenant, car sur les trois
reportages, on ne parle de moi que sur un seul, j’accompagne le journaliste sur
le troisième, et le mot humanitude n’est pas prononcé une seule fois !

Et puis encore une fois, un doute sur la véracité des faits
(avérés ou pas), alors que justement ce qui est présenté est indéniable, filmé,
enquêté, prouvé.

"et je suis entièrement d’accord avec titemimi49, les
résidents et leurs familles sont hyper exigeants.   Certains veulent leur
toilette à telle heure, qu’on les descende en salle à manger à telle heure et
si votre BIP sonne urgent, ils ne comprennent pas qu’on les laisse, même s’ils
sont en sécurité, pour une autre personne. Ils ne voudront pas se déplacer de
la table pour que la personne qui doit s’installer à côté d’eux et qui a des difficultés
à marcher suite à une fracture, c’est à la personne qui souffre de se
débrouiller. Croyez moi, certains sont très égoïstes mais que voulez- vous ils
paient…"

Voilà, les familles et les vieux sont responsables… On
dirait que rien n’a été vu dans ce reportage. Que les familles en détresse sont
hyper exigeantes, alors que je n’ai entendu que des demandes normales, et de
l’humanité.

"Je suis infirmière en ehpad qui est la nouvelle appellation
des maison de retraite ( une chose qui n est pas précisé dans ce reportage!!!)
, je suis outrée du manque d objectivité de se reportage qui fait preuve d une
vision très négative concernant le personnel soignant  des maison de
retraite : il y a certes des problèmes de maltraitance dans certain établissement
et se le cacher ne serait qu’un vaste mensonge mais votre reportage ne parle
que de cet aspect la des choses et fait donc preuve d une prise à partie
évidente"

Faux, encore une fois, puisqu’il
parle aussi de bientraitance.

"Enfin en aucunes façon vous n’abordez la encore le problème
des familles avec impartialité , vous montrez des familles proche de leur
parents et qui se soucis de leur bien être … sachez que l inverse est
vrai…; de plus le placement en institution amène souvent une problématique de
culpabilité pour les enfants qui engendre de l agressivité envers les soignants
 des demandes non fondées et une exagération des faits … "

Les faits filmés sont vrais. Ils sont très graves. Ils
bouleversent le public, mais il semble que cela révoltent beaucoup de soignants
quand ils sont évoqués.. Et encore une fois, les familles sont responsables. Je
ne sais pas d’où l’on peut tirer cela du reportage.


"Autre question : pourquoi le journaliste n’intervient il pas ….comme vous le
savez aujourd hui la tv aime montrer du sang de la chique et du mollard c’est
plus vendeur … mais faire du positivisme encouragé les actions porteuse ou
avoir un débat ce qui inclus deux partie alors non : pas assez d’audimat
!!!"

Peut être aussi que la population estime qu’il est normal
qu’un professionnel fasse ce pourquoi il est payé, alors j’ai vu des quantités
de reportage sur des commerçants filous, mais jamais sur des commerçants
honnêtes.

Bon arrêtons là.

Les soignants doivent se rendre compte que c’est le silence
qui fait le lit de la maltraitance. Et que ces réactions aussi.

Mais à chaque reportage, nous sommes attaqués, tous ceux qui
essaient de faire de la bientraitance et que l’on montre: le service de
Tonneins, qui après le fabuleux reportage d’envoyé spécial à eu droit à la
menace de fermeture de certains lits, eu 2 inspections la semaine suivante,
Rosette Marescotti accusée d’attouchement sexuel sur les vieux parce qu’elle
fait une toilette à mains nue, moi, comme dirigeant une secte, ce qui
d’ailleurs recommence à la suite de ce reportage, Albi, maintenant, le milieu
de vie le plus  avancé au monde, en tout cas à ma connaissance, où
certaines personnes commencent à regretter d’avoir participé au reportage car
elles sont soumises à des commentaires très négatifs, et quasiment pas un seul
bravo, alors que la directrice fait partie du conseil d’administration d’un
regroupement de 74 directeurs; et la soignante qui a tenue la caméra cachée,
une fille incroyable d’humanité et de courage, la seule qui a su dire non, et
qui est maintenant menacée d’un procès, etc.

Comment peut-on en arriver là ?

Que faut-il changer dans cette culture de la culpabilité, de
la faute, pour que soient enfin regardée la réalité en face ?

Pourquoi ces interprétations, pourquoi affirmer que le
reportage ne parle pas du manque de moyens, alors que c’est dit plus d’une
dizaine de fois en 30 minutes ?
Pourquoi des centaines de mails de félicitations du public, des familles, pas
un seul d’un directeur d’établissement, et si peu de soignants? Car il y a des
soignants qui soutiennent le réalisateur. Ils le disent, mais leur arguments ne
sont pas entendus, et les réactions à leur propos sont vives.

La fin de la maltraitance se trouvent peut être dans la
réponse à ces questions.
Ce que nous savons, Rosette et moi, c’est que nous continuerons à nous battre,
malgré ces critiques insupportables, car l’expérience nous montre que nous,
quand on prend des coups, les vieux en prennent moins.


Yves Gineste-Marescotti
CEC-IGM.France
1, rue de l’Amiral Courbet
66250 Saint Laurent de la Salanque
France
Tel: 04 68 28 08 64
Site Internet: http://www.cec-formation.net
Courriel : ygineste@cec-formation.net