Condamnation de l’Etat pour non publication d’un décret
Article 2 : Il est enjoint au Premier ministre de prendre le décret prévu au second alinéa de l’article L. 344-5-1 du code de l’action sociale et des familles dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision.
Conseil d’État
N° 316264
Inédit au recueil Lebon
1ère sous-section jugeant seule
M. Arrighi de Casanova, président
M. Pascal Trouilly, rapporteur
Mlle Courrèges Anne, commissaire du gouvernement
SCP LYON-CAEN, FABIANI, THIRIEZ, avocats
lecture du lundi 27 octobre 2008
http://www.legifrance.gouv.fr/
Vu la requête, enregistrée le 16 mai 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée pour l’UNION NATIONALE DES ASSOCIATIONS DE PARENTS, DE PERSONNES HANDICAPEES MENTALES ET DE LEURS AMIS (UNAPEI), dont le siège est 15, rue Coysevox à Paris, 75876 Paris cedex 18, représentée par son président ; l’UNION NATIONALE DES ASSOCIATIONS DE PARENTS, DE PERSONNES HANDICAPEES MENTALES ET DE LEURS AMIS (UNAPEI) demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle le Premier ministre a rejeté sa demande tendant à l’adoption du décret prévu au V de l’article 18 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 ;
2°) d’enjoindre au Premier ministre de prendre ce décret sous astreinte ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution ;
Vu le code de l’action sociale et des familles, modifié notamment par la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
le rapport de M. Pascal Trouilly, Maître des Requêtes,
les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de l’UNION NATIONALE DES ASSOCIATIONS DE PARENTS, DE PERSONNES HANDICAPEES MENTALES ET DE LEURS AMIS,
les conclusions de Mlle Anne Courrèges, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu’en vertu de l’article 21 de la Constitution, le Premier ministre « assure l’exécution des lois » et « exerce le pouvoir réglementaire » sous réserve de la compétence conférée au Président de la République pour les décrets en Conseil des ministres par l’article 13 de la Constitution ; que l’exercice du pouvoir réglementaire comporte non seulement le droit mais aussi l’obligation de prendre dans un délai raisonnable les mesures qu’implique nécessairement l’application de la loi, hors le cas où le respect d’engagements internationaux de la France y ferait obstacle ;
Considérant qu’aux termes de l’article L. 344-5-1 inséré dans le code de l’action sociale et des familles par le V de l’article 18 de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées : « Toute personne handicapée qui a été accueillie dans un des établissements ou services mentionnés au 7° du I de l’article L. 312-1 bénéficie des dispositions de l’article L. 344-5 lorsqu’elle est hébergée dans un des établissements et services mentionnés au 6 ° du I de l’article L. 312-1 du présent code et au 2° de l’article L. 6111-2 du code de la santé publique./ Les dispositions de l’article L. 344-5 du présent code s’appliquent également à toute personne handicapée accueillie dans l’un des établissements et services mentionnés au 6° du I de l’article L. 312-1 du présent code et au 2° de l’article L. 6111-2 du code de la santé publique, et dont l’incapacité est au moins égale à un pourcentage fixé par décret » ; que le VI du même article 18 dispose que : « Les dispositions de l’article L. 344-5-1 du code de l’action sociale et des familles s’appliquent aux personnes handicapées accueillies, à la date de publication de la présente loi, dans l’un des établissements ou services mentionnés au 6° du I de l’article L. 312-1 du même code ou au 2° de l’article L. 6111-2 du code de la santé publique, dès lors qu’elles satisfont aux conditions posées par ledit article » ; que, à la date de la décision attaquée, le Premier ministre a implicitement rejeté la demande de l’UNION NATIONALE DES ASSOCIATIONS DE PARENTS, DE PERSONNES HANDICAPEES MENTALES ET DE LEURS AMIS (UNAPEI) du 10 mars 2008 tendant à ce que soit pris le décret prévu au second alinéa de l’article L. 344-5-1 du code de l’action sociale et des familles ;
Considérant que si le délai de six mois suivant la publication de la loi du 11 février 2005 dans lequel, en vertu de son article 101, devaient être publiés ses textes d’application, n’a pas un caractère impératif, plus de trois ans s’étaient écoulés, à la date de la décision attaquée, depuis la publication de la loi, sans qu’intervienne ce décret ; que quelles que soient les conséquences financières que serait susceptible d’entraîner l’entrée en vigueur de ces dispositions législatives, la décision attaquée méconnaît l’obligation, qui incombait au Premier ministre, de prendre dans un délai raisonnable les mesures qu’implique l’application de la loi ; qu’il suit de là que l’association requérante est fondée à demander l’annulation de cette décision ;
Considérant que l’annulation de la décision implicite par laquelle le Premier ministre a refusé de prendre le décret prévu au second alinéa de l’article L. 344-5-1 du code de l’action sociale et des familles implique nécessairement l’édiction de ce décret ; qu’il y a lieu pour le Conseil d’Etat, en application des dispositions de l’article L. 911-1 du code de justice administrative, d’ordonner au Gouvernement d’édicter ce décret dans un délai de trois mois ;
Considérant, en revanche, qu’à la différence des pouvoirs qui lui sont dévolus par l’article L. 911-5 du code de justice administrative qui permet au Conseil d’Etat de prononcer d’office une astreinte en cas d’inexécution d’une décision rendue par une juridiction administrative, l’article L. 911-3 du même code ne lui reconnaît pas un tel pouvoir ; que l’association requérante se borne à demander que l’injonction soit prononcée sous astreinte, sans chiffrer sa demande ; que ses conclusions ne peuvent, dès lors, être accueillies ;
Considérant enfin qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat le versement à l’UNAPEI d’une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
Article 1er : La décision implicite par laquelle le Premier ministre a refusé d’adopter le décret prévu au second alinéa de l’article L. 344-5-1 du code de l’action sociale et des familles est annulée.
Article 2 : Il est enjoint au Premier ministre de prendre le décret prévu au second alinéa de l’article L. 344-5-1 du code de l’action sociale et des familles dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision.
Article 3 : L’Etat versera à l’UNION NATIONALE DES ASSOCIATIONS DE PARENTS, DE PERSONNES HANDICAPEES MENTALES ET DE LEURS AMIS (UNAPEI) la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à l’UNION NATIONALE DES ASSOCIATIONS DE PARENTS, DE PERSONNES HANDICAPEES MENTALES ET DE LEURS AMIS (UNAPEI), au Premier ministre et au ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité.
Source : legifrance.fr
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