Quand la "bulle médicale" va-t-elle éclater ?

du Dr Dominique DUPAGNE

La situation de la médecine est très proche de celle de l’économie des années 2000

Nous avons connu récemment l’explosion de quelques bulles : internet, immobilière, financière.Les mécanismes qui aboutissent à une bulle et à sa rupture sont connus. La première grande bulle documentée, celle des tulipes, date du 17ème siècle. Le phénomène de bulle ne touche pas que les biens matériels, il concerne aussi les pratiques, les idées, les théories. Cet article démonte les mécanismes d’une bulle prête à se rompre : la bulle médicale.

La médecine a fait tellement de progrès que plus personne n’est en bonne
santé.

Aldous Huxley

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Résumé :

Une bulle naît quand un certain nombre de conditions sont réunies :
augmentation durable de la valeur d’un groupe d’objets, négligence du caractère
cyclique de l’évolution de cette valeur, opacité du système d’évaluation,
conflits d’intérêts entre les experts et les objets évalués.

Spéculation et mimétisme collectif sont les deux derniers rouages de la
constitution d’une bulle qui surestime la valeur et s’auto-entretient jusqu’à
sa rupture, généralement brutale.

La médecine remplit toutes ces conditions : le progrès médical croît depuis
plus d’un siècle et de mémoire d’homme, personne ne l’a vu régresser.
L’évaluation de la médecine, des médicaments et des stratégies de prévention
est devenue suffisamment opaque pour être incompréhensible par la majorité des
patients et par de nombreux professionnels de santé.

L’industrie pharmaceutique a fait fortune grâce aux prescriptions des
médecins. Elle finance désormais leurs formations, leurs experts, leurs
recherches, leurs accès à l’information professionnelle. La dilution de
l’éthique et de l’indépendance médicale dans les capitaux industriels se conjugue
à l’imprudent désengagement des pouvoirs publics de ces secteurs.

De nombreuses stratégies médicales, médicamenteuses où non, sont plus
délétères que bénéfiques. Jules Romains était visionnaire quand il brocardait
dès 1923 la "médecine moderne" du Dr Knock. L’université médicale
et  l’hôpital sont devenus une gigantesque "Knock Academy"
tandis que la médecine humaniste s’éteint sous les coups de boutoir conjugués
de la normalisation sclérosante et de l’inflation administrative sanitaire.


L’explosion de notre système de sécurité sociale solidaire sera sans doute
le grain de sable qui va enrayer cette spirale inflationniste et provoquer la
rupture autant salutaire que douloureuse de la bulle médicale.


Une bulle est un phénomène d’inflation anormale de la valeur d’un ensemble
d’objets. Ce phénomène est auto-entretenu et déconnecté de la valeur
intrinsèque de ces objets. Une bulle finit toujours par éclater après un temps
variable : la valeur surestimée s’effondre pour rejoindre la valeur réelle.

Un exemple classique : la bulle immobilière

Dans une bulle
immobilière, les prix augmentent initialement par la conjugaison de la rareté
du bien et de la solvabilité croissante des acheteurs. Après quelques années,
la hausse paraît inexorable et durable et il est tentant d’acheter un bien
immobilier non pour l’habiter, mais pour faire une plus-value en le revendant
un peu plus tard. Cet engouement provoque une flambée des prix qui valide cette
stratégie spéculative et encourage les nouveaux acheteurs à accepter un prix
élevé. Les prix sont progressivement déconnectés de la valeur intrinsèque du
bien immobilier (le coût de sa construction par exemple), ou de la part de
revenu que les ménages peuvent consacrer à leur logement.

[…]Les bulles immobilières 1987-1991 (Paris) et 2002-2008 (France
entière) sont facilement identifiables si les prix sont rapportés aux revenus
des ménages.


Quand un grain de sable (ou un pavé) vient perturber la spirale inflationniste,
le rêve s’arrête brutalement et le retour à la réalité s’impose
douloureusement. De même que la hausse entretient la hausse, la baisse
entretient la baisse [1]. En matière d’immobilier, il est probable en
regardant ce graphique que les prix 2008 vont baisser d’environ 40% pour revenir sur la ligne
de base qui prévaut depuis 40 ans. C’est une bonne indication de la capacité
d’investissement des ménages, et donc du prix moyen auquel le bien est
susceptible de se vendre.

Les bulles
spéculatives sont vieilles comme le monde. Celle des
tulipes hollandaises
est une des plus connues et l’ humour juif s’en nourrit.

Les mécanismes
qui fondent une bulle spéculative sont connus. Pour qu’une bulle apparaisse, les
conditions  suivantes doivent être remplies:


l’augmentation de la valeur de l’objet dure depuis longtemps et semble sans fin
(mémoire courte…),

– les experts
qui apprécient cette valeur sont liés aux objets évalués (conflits d’intérêts),

– les alertes
sont occultées, leurs émetteurs sont dénigrés (biais de confirmation d’hypothèse),

– une opacité
croissante du système facilite l’appréciation erronée de la valeur de ses
composants (on se trompe quand on est mal informé),

– il est
possible de spéculer sur la valeur de cet objet, c’est à dire de tirer un
bénéfice lors de sa revente (appât financier),

– la
solvabilité des acheteurs facilite l’augmentation des prix (pas de prix élevé
sans acheteur solvable ou crédit facile),

– un mimétisme
collectif pousse chacun à reproduire le comportement général (instinct
grégaire),

– la croyance
en l’augmentation de la valeur de l’objet peut augmenter réellement sa valeur
affichée (la bulle s’auto-entretient).

Il existe des bulles immatérielles

Les mécanismes
qui permettent la création d’une bulle ne s’appliquent pas qu’aux biens
matériels. Les idées, les théories ou les pratiques peuvent être touchées par
des mécanismes similaires.

T.S Kuhn a montré en 1962 que les évolutions de la
connaissance sont discontinues. Sans pouvoir parler de bulle stricto sensu, les
révolutions et les ruptures scientifiques en sont très proches et en suivent
les étapes :

– découverte
stimulante d’une nouvelle théorie,  vérifiée par l’expérience,

– extension
progressive du domaine d’application de la théorie, augmentation exagérée de sa
"valeur",

– occultation
des critiques et des failles (expériences ou faits qui "ne collent
pas" avec la théorie),

– engouement
général ± prix Nobel pour le découvreur,

– la théorie
devient dogme et est enseignée partout,

– les failles
augmentent en nombre, mais ne parviennent pas à entamer le crédit de la
théorie. Ce sont les fameuses "exceptions censées confirmer la
règle".

– une nouvelle
théorie portée par une nouvelle équipe parvient enfin à expliquer les failles.
Elle provoque soit la chute brutale de l’ancienne théorie si elle se révèle
fausse (génération spontanée/expérience de Pasteur), soit sa
"provincialisation" au sein de la nouvelle théorie (physique
classique/physique quantique).

La suite de cet
article décrit la  bulle de la médecine occidentale au XXe siècle, mais un
parallèle pourrait être fait avec de nombreux domaines scientifiques.

Un parallélisme étonnant avec la médecine

Bien que
l’activité médicale ne représente pas un bien matériel durable et négociable,
nous allons voir que l’inflation qualitative auto-entretenue peut  toucher
de nombreux aspects de la santé, et aboutir à une bulle.

Gonflée de ses
énormes succès depuis près d’un siècle, la médecine a constitué une bulle prête
à éclater.

Reprenons un
par un les critères constitutifs d’une bulle et voyons comment ils peuvent
s’appliquer à la médecine moderne.

1)  L’augmentation de la valeur de l’objet dure
depuis longtemps et semble devoir être sans fin

De mémoire de rose, on n’a jamais vu mourir un jardinier !

Fontenelle


La mémoire humaine est bien courte. Nous sommes habitués depuis notre naissance
à une croissance constante et spectaculaire du progrès médical. L’idée d’une
régression même transitoire nous paraît inconcevable.

Et pourtant,
l’histoire de la médecine a connu des épisodes peu glorieux. Molière a croqué
perfidement les médecins de son époque qui étaient souvent des cuistres
inefficaces, voire néfastes. La lobotomie a été largement pratiquée, encore
récemment
, malgré sa barbarie et des effets indésirables
redoutables.

Au XIXe siècle,
Semmelweis a peiné à démontrer que l’hygiène
était fondamentale en obstétrique. Pendant des dizaines d’années, la mortalité
des accouchées a atteint des sommets ; seules les femmes qui n’avaient pas le
choix accouchaient à l’hôpital, en sachant qu’elles avaient de fortes chances
d’y perdre la vie. C’est à la maison, loin des médecins aux mains
souillées,  que les femmes avaient le plus de chances d’accoucher sans
drame.

Mais ces
événements ont constitué des trous d’air sans véritable récession durable du
progrès médical. Celui-ci a connu avec l’irruption de la méthode expérimentale dans le champ de la
biologie un progrès constant et exponentiel. Cette progression absorbait ou
effaçait de nos mémoires ces régressions transitoires. Cette dynamique peut
être rapprochée de la croissance économique depuis 150 ans et ses crises vite
oubliées et dehors de celle de 1929.

Cette
stigmatisation des aléas de la médecine pourrait paraître injuste. Comment
demander à une discipline de ne jamais commettre d’erreur ? Il est des erreurs
qui sont excusables : lorsqu’un risque imprévisible apparaît, il est parfois
trop tard. C’est le cas pour la terrible affaire de la thalidomide
; ce calmant utilisé chez les femmes enceintes a provoqué 15000 accidents
gravissimes chez leurs enfants. Cet effet était quasiment imprévisible à
l’époque et le médicament a été retiré du marché dès que sa responsabilité a
été reconnue. C’est seulement depuis cet accident que les prescriptions de
médicaments chez les femmes enceintes sont très réglementées.

En revanche,
dans l’affaire du Distilbène, des millions de femmes ont été touchées
dans le monde alors que l’on savait dès 1945 que ce produit n’avait aucun
intérêt pour traiter les menaces d’accouchement prématuré. La poursuite de la
prescription du Distilbène aux femmes enceintes jusqu’en 1971 est inexcusable.

De même, le
dogme médical consistant à coucher les nouveaux-nés sur le ventre, fondé sur
une simple hypothèse, a causé le décès de 1000 nourrissons par an pendant trente ans en
France. Il aurait été préférable de vérifier le bien-fondé de cette
recommandation avant de la généraliser.

Depuis quelques
années, le progrès médical patine et certains éléments font envisager une
dégradation de la qualité des soins et de la santé publique. Une inflation
de la technique
est venue masquer la détérioration des aspects
humains de l’aide à autrui.

Au XXIe siècle,
les maladies nosocomiales (infections contractées à l’hôpital) et les accidents liés à la médecine prennent des
proportions considérables et inquiétantes. Sans nier les progrès et les succès
de la cardiologie interventionnelle [2] ou de la chirurgie coelioscopique, beaucoup
ont le sentiment que les autres spécialités stagnent, voire régressent.
L’hôpital n’est plus le temple de la qualité des années1990-2000. Désorganisé
par une administration envahissante, il se déshumanise, décourage ses
personnels
, et devient un lieu inquiétant où les erreurs sont de
plus en plus fréquentes, provoquant des milliers de morts tous les ans.


Un événement récent est emblématique de la dégradation du climat
"humain" hospitalier : le projet (bien avancé) de doter tous les
patients hospitalisés d’un bracelet d’identification, comme les nouveaux-nés
: les intérimaires qui "bouchent" les trous des plannings ne
connaissent pas les patients et le risque d’erreurs de personnes est important.
Les témoignages des "habitués" des hôpitaux montrent que l’erreur
n’est plus l’exception, mais une réalité avec laquelle on compose.

La croyance
dans le caractère irréversible du progrès médical est donc la première
condition de l’apparition d’une bulle médicale. Or le progrès médical n’a pas
de raison d’être en croissance continue. Le progrès social a connu une
régression spectaculaire en Occident avec la chute de l’empire romain, qui
n’était pas la première civilisation à s’écrouler. La technologie des
civilisations anciennes a eu des hauts et des bas spectaculaires. L’Histoire
nous apprend que lorsqu’un système atteint un niveau de complexité important,
il finit par consommer toutes les ressources disponibles pour son
administration. Il ne produit alors plus grand chose et s’étouffe avant de
s’écrouler à l’occasion d’un événement imprévu. La santé publique n’a pas de
raison d’échapper à ces cycles systémiques universels. La fissuration actuelle
de la protection sociale pourrait bien en être un signe avant-coureur, face à
un corps médical découragé ou marié aux industriels.

2)  Les experts sont liés aux acteurs financiers

La corruption des meilleurs est la pire.

 St Thomas d’Aquin.


L’une des causes de la bulle financière a été l’incroyable aveuglement des
agences et experts chargés  d’évaluer la sécurité des placements
financiers et de surveiller le système économique. Nous découvrons avec quelque
surprise l’intensité de la collusion entre les agences de notation, les
"experts" et les acteurs économiques de la finance.

Dans le domaine
médical, l’effet de surprise est absent. Les liens entre les experts de la
médecine et les acteurs économiques sont institutionnalisés et légaux.
Les agences gouvernementales par exemple publient la liste des liens financiers
entre les membres de ses commissions et les industriels. Ces liens financiers
ne sont pas limités à des travaux de recherche et peuvent consister en des
missions de conseils. Cette publication par les agences est d’ailleurs
l’exception : la majorité des liens financiers entre experts et industriels
sont secrets, malgré une loi récente imposant leur mention publique.

Ces mêmes
commissions décident de l’intérêt des médicaments. Il ne vient à l’esprit de
personne d’exiger que les experts de ces commissions ne soient liés à aucun
industriel : l’argument fallacieux avancé est que la compétence n’existe que
chez ceux qui travaillent avec l’industrie pharmaceutique. Nous y reviendrons
plus loin.
Un exemple parmi d’autres : l’Assemblée Nationale a confié à l’Association Française d’Urologie l’évaluation du
dépistage controversé du cancer de la prostate
. Cette association,
outre le fait qu’elle représente les urologues dont l’activité est étroitement
liée au problème évalué, est financée à plus de 80% par l’industrie pharmaceutique
avec laquelle elle noue des "partenariats".

Le constat est
sans appel : telles les agences de notations financières financées par les
financiers, les experts de la santé sont liés  aux firmes commercialisant
les médicaments ou stratégies qu’ils doivent évaluer.

3)  Les alertes sont occultées, leurs émetteurs
sont dénigrés

Malheur au porteur de mauvaises nouvelles.


Les mécanismes de la grande crise financière de 2008 ont été décrits en détails
bien avant qu’elle ne survienne. Ceux qui avaient vu juste ont été dénigrés par
les experts en place. Ces lanceurs d’alertes ont été infiniment moins
médiatisés que ceux qui promettaient une croissance continue et sans faille. La
vidéo ci-dessous est caricaturale : les experts se moquent ouvertement du
financier Peter Schiff qui  annonce dès 2006 un récession grave à court
terme et décrit parfaitement son mécanisme.

Peter Schiff et les "experts"

Dans le domaine de la gynécologie,
il ne faisait pas bon remettre en cause l’innocuité du traitement hormonal de
la ménopause dans les années 90 :

Nous avons la
preuve depuis 2002 que ce traitement hormonal est cancérigène [4] et favorise les infarctus.

Les
"notables de la ménopause" alimentaient en 1998 une théorie du
complot et tentaient de discréditer ceux qui alertaient sur les dangers du
traitement hormonal substitutif [4-page 73]. Nous y reviendrons plus loin.

En médecine, de nombreuses stratégies paraissent consensuelles alors
qu’elles sont très contestables et d’ailleurs contestées
.

Récemment, un
vaccin a été commercialisé pour diminuer le risque de cancer du col de l’utérus.
Les données permettant d’établir l’efficacité de ce vaccin sont  maigres
face à un coût exorbitant et à des conséquences à long terme mal connues. Les
médecins libéraux de l’île de la Réunion  se sont élevés contre la promotion intensive de ce vaccin.
L’expert du sujet, dépêché en catastrophe sur l’île pour "étouffer la
polémique" (sic), n’a pas hésité à les traiter de négationnistes [3] :


Notons que cet expert n’a pas jugé utile de déclarer l’état de ses liens
financiers avec les industriels qui commercialisent ces vaccins.

Le dépistage
des cancers par exemple n’est pas aussi anodin qu’il y paraît. Un dépistage
aboutissant à de nombreux faux diagnostics ou révélant des cellules cancéreuses
qui n’auraient jamais provoqué de maladie peut être plus néfaste qu’utile. Si
le dépistage du cancer du col de l’utérus ne prête pas à discussion, le
dépistage du cancer du poumon n’a pas d’intérêt et n’est pas pratiqué. Celui du
cancer de la prostate, pourtant très répandu, ne repose
sur aucune base solide
. Or, la mise en cause de ce dépistage, fondée
sur des arguments scientifiques de qualité, provoque des réactions violentes et
agressives chez ses partisans.

Le dépistage du cancer de la prostate concerne tous les hommes vers 50 ans. La
ménopause concerne, elle, toutes les femmes au même âge. Le vaccin contre le
cancer du col concerne toutes les jeunes filles. Nous ne sommes donc plus dans
la prise en charge de telle ou telle maladie, mais dans l’intrusion de la
médecine dans la vie de la totalité de la population.

Ces quelques exemples ne sont que la partie émergée de l’iceberg. Dans de
nombreux compartiments de la médecine, des experts liés financièrement ou
intellectuellement à des traitements médicaux en assurent la promotion, parfois
au détriment de la santé publique. Et il ne fait pas bon tenter de leur tenir
tête.

4)  Il est possible de spéculer sur la valeur de
cet objet, c’est à dire de tirer un bénéfice lors de sa revente

La comparaison
avec la médecine peut paraître plus difficile. Elle est pourtant justifiée :
adhérer à une pratique ou à une stratégie dominante valorise son acteur auprès
de ses patients et de ses confrères. Mais il y a beaucoup mieux : être
l’initiateur d’une stratégie fait de son auteur un expert, qui sera invité dans
de nombreux colloques et congrès. Il pourra alors monétiser cette expertise
auprès d’acteurs économiques importants (l’industrie pharmaceutique le plus
souvent) qui le rémunéreront dans le cadre de leurs campagnes promotionnelles.
La valorisation financière n’est pas le moteur exclusif, loin de là. La quête
de la gloire et de la reconnaissance est un moteur puissant chez les
scientifiques.

Nous avons un
très bon exemple de ce phénomène avec le rapport ministériel sur les
"notables de la ménopause." [5]

Dans les années
80, certains gynécologues ont réussi à persuader presque toutes les femmes
ménopausées que leur situation physiologique était une maladie. Qu’il fallait
absolument se traiter sous peine de complications graves. Nous avons vu que les
voix discordantes étaient traités de "médecins du XIXe siècle".

La bulle des
hormones a finalement éclaté au début des années 2000 quand des travaux
scientifiques solides ont démontré un effet cancérigène du traitement hormonal
sur le sein et une aggravation des problèmes cardiovasculaires.

Un passage de
ce rapport (p. 133) illustre bien le mécanisme de spéculation :

« L’arrivée du
THS (…) a ouvert aux gynécologues un nouveau segment médical à partir des années 1970. Des gynécologues, précédemment investis dans les
combats autour de la contraception, ont alors la volonté de faire prendre en considération les
symptômes féminins de la ménopause.

Par la suite,
les firmes pharmaceutiques font preuve d’un intérêt grandissant pour les gynécologues intéressés par la ménopause, dont le discours rentre en congruence
avec des objectifs industriels. Rapidement, ces gynécologues sont associés aux activités
des firmes pharmaceutiques de plus en plus nombreuses dans ce secteur. C’est grâce à ces
activités, et à celle de représentant de sociétés savantes, que des gynécologues deviennent
progressivement des  "notables de la ménopause".

Ces gynécologues
acquièrent une position d’influence vis à vis de leurs pairs gynécologues et médecins généralistes, des firmes pharmaceutiques, des autorités sanitaires et
d’une certaine catégorie de médias. »

Le parallélisme avec les experts financiers jusqu’à la crise de septembre
2008 est frappant. Le monde était censé déborder de liquidités. Les inquiets
étaient des pessimistes ou des manipulateurs souhaitant faire baisser les
cours.


Le traitement hormonal de la ménopause a constitué une bulle brève au sein de la
grande bulle médicale. Elle est particulièrement bien documentée par le rapport
déjà cité qui se lit comme un roman policier.


Les médecins ont donc un intérêt spéculatif à adhérer à de nouvelles techniques
ou traitements médicaux. Les médias sont beaucoup plus intéressés par ces
"apporteurs d’innovations" pourtant douteuses et les dossiers de
presse qui leur facilite le travail,  que par ceux dont le discours est
plus mesuré et n’est d’ailleurs pas soutenu par les agences de communication
des industriels. Ce succès médiatique amène une adhésion du public qui fait
pression sur les médecins neutres, qui finissent par céder et prescrire ces
pseudo nouveautés.

C’est donc bien l’équivalent d’un phénomène spéculatif qui s’installe : le
succès artificiellement créé attire un  véritable succès commercial qui
semble le valider a posteriori et donc l’entretient.

5)  Une opacité croissante du système facilite
l’appréciation erronée de la valeur

L’une des
causes du crash financier de 2008 a été la titrisation des subprimes américains : des créances douteuses ont été
déguisées en placements financiers peu risqués. Intégrés dans d’autres produits,
telles des poupées russes, ces titres "emboîtés" ont permis de cacher
à l’acheteur final le risque sous-jacent à son investissement.

Dans le monde
médical, l’opacité se manifeste de diverses façons :

Du soin à la
prévention

Un grand
glissement est apparu au milieu du XXe siècle : la médecine est passée du
traitement de la maladie à celui du risque, de la médecine curative à la
médecine préventive. De ce fait, les résultats du médecin ne peuvent plus être
évalués à court terme par le patient. Certes, l’effet placebo a toujours faussé
cette évaluation, mais avec la médecine préventive, une véritable révolution
s’est opérée, qui reporte dans le futur le bénéfice attendu de l’action
présente. 

La médecine
préventive (diabète, tension, cholestérol, dépistages divers) vit de promesses
et assure qu’elle les tient. C’est la porte ouverte à toute les dérives,
illustrée par ce dialogue : 

Un homme marche
sur la ligne de chemin de fer  Manchester-Glasgow en semant des brins de
laine.

Un agent des
chemins de fer britanniques l’aborde :

– Pourquoi
faites-vous cela ?

– Pour empêcher
les éléphants de monter sur la voie.

– Mais enfin,
il n’y a pas d’éléphants !

– Ah vous voyez
! Ça marche !

En matière de
médecine préventive, nous avons été alertés bien avant Ivan Illich par un de nos
grands philosophes et écrivain : Jules Romains. Dès 1923, celui-ci perçoit
ou pressent le risque que fait courir la médecine préventive en mettant en
scène le désormais célèbre Dr Knock. 

Le Dr Knock invente la médecine moderne

Cette scène, qui se voulait satirique en 1923, décrit tout simplement la
réalité actuelle. Il est possible que de jeunes médecins n’y trouvent rien
d’humoristique.

L’irruption de
l’industrie pharmaceutique dans le financement de tous les pans de la
médecine  aboutit à une véritable "Knock Academy" : congrès,
colloques, formations, réunions hospitalières, universités, dîners en ville…
L’industrie est partout où on l’appelle. Ayant épuisé le potentiel des
principales maladies, elle en crée de nouvelles, avec la complicité
volontaire ou naïve de certains médecins. La scène de Knock entre le
médecin et le pharmacien préfigurait la collusion actuelle entre la médecine et
les entreprises pharmaceutiques.

Désormais, la médecine propose, dispose, et assure de ses propres résultats,
sans que le patient puisse évaluer l’intérêt de ce qu’on lui prescrit, «
sans qu’il ose opposer la poussière de sa singularité à ce qu’il croit être la
montagne de notre science »(
 Alain
Froment
 ). La médecine préventive représente désormais une part
considérable de l’activité de l’hôpital et des médecins, et la majorité du coût
des médicaments. [6]

Nous voilà donc
contraints de faire quasi aveuglément confiance à la médecine, comme le client
fait confiance à sa banque, qui pourtant prête beaucoup plus d’argent qu’elle
n’en a en dépôt.

La "stabilisation"

Knock avait
inventé la prévention, la médecine des malades qui s’ignorent. Mais les soins
curatifs disposent aussi de leur bulle grâce à la "stabilisation". La
maladie d’Alzheimer est un drame humain, familial et social malheureusement
incurable. Certains médicaments dont l’impact est nul ou insignifiant
sur la maladie sont pourtant largement prescrits. L’argument souvent proposé
est que le traitement stabilise ou ralentit légèrement la maladie. Bien malin
celui qui peut juger objectivement de concepts aussi flous. La Haute Autorité
de Santé, dans un décision devenue tristement célèbre, a confirmé
que le médicament était peu ou pas efficace ; mais elle en a confirmé l’intérêt
au motif que la maladie est grave et que la prescription permet permet au
spécialiste de revoir le patient régulièrement… Notez la différence, dans les
deux liens précédents, entre l’appréciation de ces médicaments par une revue
scientifique totalement indépendante de l’industrie d’une part et la commission
"de transparence" d’autre part, dont les membres et les experts rapporteurs présentent de nombreux
conflits d’intérêts avec l’industrie pharmaceutique comme nous l’avons évoqué
plus haut.

Ces médicaments
inutiles consomment une part importante des ressources qui pourraient être
affectée utilement au soutien logistique des familles prenant en charge une
victime de cette maladie.

La Haute
Autorité de Santé française est loin d’être la seule à souffrir des conflits
d’intérêts de certains de ses membres ou experts : la FDA (Food an Drug’s
Administration) est très exposée également.

L’opacité de la science médicale elle-même 

Si la science médicale est illisible au patient, elle le devient parfois
aussi au médecin. Les conflits d’intérêts déjà décrits, ne permettent pas
d’interpréter sainement l’engouement de tel expert pour tel médicament. Mais
surtout, les publications scientifiques deviennent également illisibles.


Il y a encore une vingtaine d’années, la science médicale était compréhensible
par un journaliste scientifique ou un praticien de terrain :


Essai clinique version 1970 : L’antidépresseur Zincou administré à
100 patients déprimés pendant trois mois a permis 65% d’amélioration de leur
état, contre 45% pour ceux qui recevaient un placebo. La probabilité pour que
cette différence observée soit due au hasard est de 0,2%.


Essai clinique version 2008 : L’antidépresseur Zincou 
était plus efficace que le placebo pour prévenir
les récidives de symptômes émotifs et de symptômes physiques douloureux de
dépression tels que mesurés par une analyse des critères individuels de
l’échelle HAM-D et de l’échelle analogue visuelle (ÉAV). Une différence
statistiquement significative a été observée pour 17 paramètres secondaires
d’efficacité sur 18
.
(Extrait non modifié d’un résumé récent).

Tout se conjugue pour rendre de plus en plus incompréhensible les
fondements de l’activité médicale et de la prescription. Vous retrouverez le
même jargon si vous lisez la décision de la Haute Autorité de Santé sur les
médicaments de la maladie d’Alzheimer, déjà citée.


L’emboîtement

Les travaux scientifiques s’appuient sur des travaux précédents (références),
qui eux-mêmes s’appuient sur des travaux précédents… Après quelques citations
en cascade, l’hypothèse devient certitude, l’anecdotique devient généralité,
sans que quiconque ou presque n’aille vérifier les sources. 


De même que la "titrisation" des subprimes a permis d’en masquer les
risques, les références en cascades permettent d’affirmer à peu près n’importe
quoi avec un peu d’habileté rédactionnelle.

6)  L’offre est abondante, mais les prix élevés
sont alimentés par la solvabilité des acheteurs, elle-même assurée par un accès
facile au "crédit"  

Jusqu’ici tout va bien.


Une des grandes surprises de la bulle financière a été la découverte du
mécanisme de création de l’argent à partir de la dette. Cet
argent aussi abondant que fictif permettait une surenchère à l’achat et
entretenait la montée des cours.


En matière de santé, la richesse nationale (elle même fondée désormais
largement sur la dette) a permis pendant des années de financer des coûts de
santé en augmentation permanente, autorisant la croissance de la bulle
médicale.

Les médecins
sont des agents économiques très particuliers : ils auto-prescrivent leur
activité et sont quasiment libres de leurs prescriptions. Imaginons des entreprises
de travaux publics qui décideraient sans contrôle de la construction de ponts
ou de routes, et des matériaux à employer.

La bulle a donc
pu être alimentée par des médecins qui agissent et surtout prescrivent
médicaments et examens sans que la pertinence de ces prescriptions puisse être
évaluée [7]. Vécue comme en progrès constant, à l’aune de
ses extraordinaires succès au XXe siècle, la médecine triomphante pouvait
encore se permettre de prélever 10% du PIB en 2007, aussi bien en France qu’en
Allemagne ou en Suisse. Or ces prélèvements deviennent insupportables pour une
collectivité qui entre en récession.

La réaction des
pouvoirs publics a été aussi classique  qu’inadaptée : augmenter
l’administration du système. Cette inflation administrative, qui augure
généralement la chute des civilisations, n’est parvenue qu’à renchérir les soins, à en diminuer la qualité, et à
décourager les soignants
. Il est frappant de noter que dans une
économie libérale comme celle de la France, c’est le système du Gosplan soviétique qui est appliqué à la santé,
et qui doit être renforcé prochainement. L’Histoire montre pourtant que toutes
les tentatives d’administration centralisée et dirigiste des phénomènes
économiques conduit à la ruine.

Le coup d’arrêt du financement solidaire risque d’être le facteur de rupture de
la bulle médicale : le public va brutalement s’interroger sur le bien-fondé de
ses dépenses de santé et chercher des alternatives économiques. Il risque
d’avoir quelques surprises. [8]

7)  Un mimétisme collectif pousse chacun à reproduire
le comportement général

L’Homme est une
espèce grégaire. Rares sont ceux qui prennent sans crainte des chemins
inconnus. Le groupe rassure, mais nous accordons au comportement majoritaire un
crédit souvent exagéré.

Ce phénomène
très présent en médecine permet l’auto-alimentation des engouements sans cause.
Surtout lorsque des agences de communication au service des fournisseurs
alimentent avec talent ce sentiment collectif pour le transformer en vérité
d’allure universelle. Nous vivons ainsi avec des croyances étonnantes, comme
celle du caractère indispensable des produits laitiers [9] dans notre alimentation ou des check-up
systématiques, ou de l’effet stimulant de la vitamine C [10].

Après le
"crash des hormones", le marché de la ménopause a cherché un autre
moteur et l’a trouvé avec l’ostéoporose. La majorité des femmes de plus de 50
ans ont été convaincues en quelques années que la fragilité potentielle de
leurs os constituait un grave problème de santé publique. Elles sont devenues
demandeuses de prise en charge spécialisée (examens, médicaments) pour un
problème dont elles n’avaient jamais entendu parler dix ans auparavant. Les
gynécologues de la ménopause se sont transformés en rhumatologues.

Comme nous l’avons déjà vu, dans la même tranche d’âge particulièrement
attentive à sa santé, les hommes sont très demandeurs du dépistage systématique
du cancer de la prostate, qui n’est pourtant recommandé ni par la Haute Autorité de Santé, ni par l’Organisation Mondiale de la Santé mais fait
l’objet d’une intense campagne de promotion par les urologues.

8)  La croyance en l’augmentation de la valeur de
l’objet augmente réellement sa valeur.

Un des
mécanismes de la spéculation est sa capacité à s’autovalider : le bien est
présenté comme peu cher et attrayant. Ceux qui l’on acheté constatent que le
prix monte encore et sont tentés de recommencer ou de convaincre leurs
relations de faire de même. L’erreur se valide elle-même.

Nous en avons
une très belle illustration en médecine avec le dépistage des cancers. Depuis
quelques années, un engouement marqué s’est installé pour la recherche de
petits cancers afin de les traiter tôt et d’éviter le cancer-maladie. Cette
stratégie semble frappée au coin du bon sens. Malheureusement les choses sont
beaucoup plus compliquées. En effet :

– Nous
fabriquons des cellules cancéreuses tous les jours, et nous les détruisons dans
les mêmes proportions.

– Mêmes quand
ces cellules se regroupent en petits nodules, il ne s’agit pas d’un
cancer-maladie pour autant. Ces  nodules peuvent disparaître ou rester
quiescents jusqu’à ce que la personne meure d’autre chose.

La recherche de
ces cellules cancéreuses peut donc être une très mauvaise idée et aboutir dans
de nombreux cas à des inquiétudes inutiles, ou pire à des traitements dangereux
ou mutilants. Il n’est pas rare que les complications immédiates d’une biopsie
ou d’une opération tuent un patient qui n’aurait jamais entendu parler des
cellules cancéreuses qu’il portait sans le savoir.

Un autre
événement rend certains dépistages dangereux : le faux diagnostic. Pour éviter
de "laisser passer" un cancer, le médecin qui analyse les biopsies au
microscope a tendance à englober des lésions suspectes, mais peut-être
bénignes, dans le groupe de celles qu’il qualifie de cancéreuses.

Nous avons eu
deux démonstrations récentes de ce phénomène peu connu :
Un fauteuil chinois contenant un produit toxique a provoqué des lésions
d’irritation chez de nombreux utilisateurs. Un
diagnostic (erroné) de cancer a été porté chez au moins deux personnes
,
dont une qui a reçu plusieurs dizaines de séances de chimiothérapie.
L’autre démonstration a été apportée par une étude norvégienne récente qui montre que la
pratique de mammographies de dépistages tous les deux ans aboutit à plus de 20%
de diagnostics de faux cancers, c’est à dire de lésions qui régressent
spontanément ou qui ne sont pas des cancers.

Certains
dépistages sont très utiles, comme celui du cancer du col de l’utérus chez la
femme ; mais d’autres, comme celui du cancer du poumon, du foie, du rein ou de
la prostate, sont nuisibles. Un livre remarquable fait le point sur ce sujet
qu’il serait trop long de détailler ici.

De nombreux
dépistages aboutissent donc à découvrir des lésions qualifiées de
cancer-maladie alors qu’elles n’en sont pas. Le même phénomène est observé pour
les maladies cardiovasculaires ou l’ostéoporose. Or ces découvertes valident
a posteriori ces dépistages injustifiés
. Les hommes chez qui un dosage de
PSA puis des biopsies ont révélé des cellules cancéreuses sont persuadés que le
dépistage leur a sauvé la vie. Personne ne leur a dit que la moitié des hommes
de leur âge portaient des cellules cancéreuses dans leur prostate, que très peu
en mouraient et que cette découverte ne justifiait peut-être pas de les rendre
impuissants et parfois incontinents. Plus le dépistage trouve de lésions,
plus il paraît justifié
.  Ce cercle vicieux alimente une inflation de
la valeur autoentretenue très proche de celle qui concerne les biens matériels
et qui alimente les bulles.

La bulle médicale est prête à éclater

Depuis vingt ans, il n’y a pas eu de progrès médical significatif. Seule la
chirurgie et la cardiologie interventionnelle ont continué à améliorer
significativement le sort des patients. Dans le même temps, le coût de la santé
a quasiment doublé.

Les grandes révolutions médicales sont derrières nous et ne sont pas
renouvelées :

– vaccins contre la diphtérie, le tétanos ou la poliomyélite, ayant fait
disparaître des fléaux historiques,

– antibiotiques guérissant comme par miracle des maladies infectieuses
souvent mortelles auparavant,
– chimiothérapies et radiothérapie anticancéreuses guérissant les leucémies de
l’enfant, les lymphomes et quelques cancers.
– découverte de l’insuline, des neuroleptiques, de l’héparine, de la vitamine D
et de quelques autres grands médicaments.
– progrès de l’anesthésie permettant une chirurgie de plus en plus complexe et
efficace,

L’augmentation de l’espérance de vie souvent mise en exergue est au moins
autant liée aux progrès sanitaires (conservation des aliments, gestion des eaux
usées) qu’à la médecine et aux médicaments.


Malgré l’augmentation des coûts, la qualité globale des soins médicaux se
dégrade. Cette dégradation palpable est liée à une cascade de causes : la
surévaluation de l’impact positif de la médecine sur la santé, les effets
iatrogènes croissants des médicaments, les maladies nosocomiales, une médecine
préventive incontrôlée, l’impossibilité d’évaluer la qualité des médecins et
des soins avec nos outils actuels, la pénétration abusive de l’industrie
pharmaceutique dans la formation et l’information des médecins, l’inflation
administrative et l’illusion de la "démarche qualité", le manque
d’experts indépendants et fiables, une opacité globale du système et pour finir
la consommation excessive et mal répartie des ressources que la nation peut
consacrer à la santé.


Le coup de grâce sera apporté par l’explosion des mécanismes de financement
solidaires tels que l’assurance maladie universelle. En désolvabilisant les
patients, cette rupture de la bulle médicale va conduire à s’interroger sur les
bien-fondés des stratégies médicales. Dans le même temps, de nouveaux outils
issus de la médecine 2.0 permettront peut-être de rendre la
déflation médicale moins douloureuse et de reconstruire une médecine plus
humaine, un art au carrefour de plusieurs sciences comme la définissait
Canguilhem [11] et non une pratique unique, dogmatique et
normalisée.


Stigmatisée très tôt par le philosophe Jules Romains et son Dr Knock, la
médecine moderne sera sans doute sauvée par le retour des philosophes à son
chevet, et notamment ceux qui comme Michel Serres [12] ou Edgar Morin s’intéressent aux sciences
de la complexité
.

Références

  1. En période
    de hausse, l’acheteur est incité à acheter rapidement de peur que le prix
    augmente. En période de baisse, l’acheteur attend le plus longtemps
    possible car il sait que le prix va baisser ; ce comportement attentiste
    accroît la baisse des prix.
  2. La
    cardiologie interventionnelle est à mi-chemin entre la chirurgie et la
    médecine. Elle consiste à traiter des lésions du coeur et surtout des
    artères coronaires sans ouvrir le thorax. Un cathéter, fin tuyau introduit
    dans une artère, permet de gonfler des ballonnets pour élargir des artères
    bouchées et de poser des ressorts (stents) pour maintenir cette
    dilatation. Cette approche moins traumatisante a révolutionné la
    cardiologie de la fin du XXe siècle.
  3. Article du
    journal de la Réunion, paru après la mise en garde des médecins locaux.
    article au format pdf
  4. Dans un
    rapport sur les causes des cancers, l’Académie de Médecine attribue au THS
    5000 cancers par an en 2000 et 1200 décès.
    Le rapport (page 28)
  5. Il s’agit
    dun rapport de la mission d’étude du ministère de la santé "Au
    bénéfice du doute – Les notables de la ménopause face au risque du
    traitement hormonal substitutif". Ce superbe travail se lit comme un
    roman policier.
    Rapport complet (pdf)
  6. Les neuf
    premiers médicaments (en chiffre d’affaire remboursé en France) sont des médicaments
    destinés à prévenir des maladies sans que leur effet puisse être constaté
    par le patient.
    Voir les annexes de ce document
  7. L’évaluation
    de la qualité médicale est un problème d’un grande complexité. Face à
    l’incapacité des médecins à proposer une mesure de leur qualité, les
    gestionnaires développent une "démarche qualité" basée sur des
    normes de soins. Cette idée séduisante est en fait une aberration qui
    détruit la qualité plus sûrement que tout autre méthode. Ceux qui ont déjà
    vécu une "démarche qualité" dans un domaine où l’humain est un
    facteur important comprendront sans avoir besoin de références. Les autres
    pourront consulter le lien fourni.
    Qualité
    et santé
  8. Exemple de
    surprise : le traitement le mieux étudié, et le plus efficace pour traiter
    l’hypertension artérielle, coûte un euro par mois ! Ce vieux diurétique à
    faible dose protège mieux des accidents cérébraux que des médicaments
    modernes coûtant plus d’un euro par jour. Le jour où le patient paiera
    lui-même ses médicaments, cette information risque de l’intéresser.
    Traitement économique pour l’hypertension
  9. Débat
    complexe et animé qui déborde le cadre de cet article.
    Un article de vulgarisation mais de bonne qualité sur
    le sujet
  10. La
    vitamine C prévient le scorbut, est un bon conservateur dans de nombreux
    aliments (nous en absorbons donc énormément) mais n’a aucune activté
    thérapeutique ou stimulante prouvée.
    article résumé et liens
  11. Le normal
    et le pathologique. puf 1966
  12. Colloque
    de 2006 qui présente la vision de Michel Serres de l’éducation médicale.
    Il intervient à partir de la 21ème minute
    Vidéo

source :http://knol.google.com/k/dominique-dupagne/quand-la-bulle-mdicale-va-t-elle-clater/3cicv6vyqos68/6#La_bulle_m(C3)(A9)dicale_est_pr(C3)(AA)te_(C3)(A0)_(C3)(A9)clater