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A quoi servent les vieux ?

Courriel envoyé à Madame Valérie LETARD, secrétaire d’Etat chargée de la Solidarité, auprès du
ministre du Travail, des Relations sociales, de la Famille, de la Solidarité et de la Ville.

Nous sommes avisés de ce que les
20, 21 et 22 mars se tiendra à Rennes une série de débats sur le thème :
« Comment sortir de la crise ? »
Rennes Métropole vient de lancer un site internet dédié à cette
manifestation à : www.forum.liberation.rennes-metropole.fr.

 

Au cours de ces débats, selon nos
renseignements, il sera aussi échangé selon le titre « A quoi servent les vieux ? ».
Et, il nous est indiqué que vous devriez participer à ces échanges.

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L’A.S.A.P.A.R. a tenté d’en
savoir plus en se rapprochant de :

M. Pierre-Henri ALLAIN,
correspondant du journal Libération (puisqu’il apparaît que ces débats sont co-organisés
par le journal Libération et la
Municipalité de Rennes).

Mme Nathalie APPÉRÉ, première
adjointe au Maire de Rennes.

M. Jean-Pierre BUSNEL, Président
de l’I.A.B. à qui nous devons cette information concernant lesdits débats
devant se tenir à Rennes.

De tous ces contacts, il apparaît
impossible de savoir qui a osé proposer le titre « A quoi servent les vieux ? ».

Quoi qu’il en soit, nous
souscrivons tout à fait à l’analyse de Jean-Pierre BUSNEL qui voit en ce titre
une intolérable provocation, même si on peut supposer qu’il ne s’agit que d’une
provocation.

Mais surtout, il nous paraît
insoutenable que votre autorité de secrétaire d’Etat chargée de la Solidarité participe
aux travaux d’un débat si odieusement intitulé : « A
quoi servent les vieux ? ».

On voudrait mettre à nouveau au
pilori les personnes âgées, en les rendant responsables des déficits sociaux et
de la crise économico-financière actuelle que l’on ne ferait pas pire.

Enfin, Madame la Ministre, vous l’avez
compris, il nous parait intolérable que l’on s’interroge dans une société
prétendue moderne, équilibrée et apaisée, sur la place des personnes âgées en
les renvoyant dans un rôle de référence strictement productif, car « d’usage ».

Si nous voulions répondre à la
provocation par la provocation, on pourrait en terme conclusif faire
remarquer :

–         
que le verbe servir vient de la racine latine servus,
qui elle-même a donné SERF (fém. SERVE) et ses dérivés, dont SERVAGE et
ASSERVIR. Le mot ESCLAVE est issu du bas latin ou du roman scalvus, signifiant
slave et emprunté aux langues slaves. En effet, au début du Moyen âge, de
nombreux Slaves des Balkans furent réduits en esclavage par les occupants des
territoires voisins et notamment de l’Italie.

–         
que dans un pays où heureusement la règle est de mourir
plutôt âgé, les vieux servent au moins à remplir les cercueils et à éviter la
crise financière et économique dans ce domaine.

–         
Et s’agissant de cette crise qu’il nous soit permis de
faire remarquer qu’avant d’être financière et économique, pour demain devenir
une grave crise sociale, elle est avant tout une crise de civilisation, de
société ; en témoigne le titre même de ces débats à Rennes et attestant
d’une société déboussolée coupée de ses références humaines, de toute
spiritualité non seulement religieuse mais plus gravement de toute spiritualité
laïque et sociétale fondée sur la solidarité intergénérationnelle.

–         
Qu’eu égard aux progrès scientifiques, il nous est sans
doute promis à brève échéance une manipulation génétique programmant la fin de
la vie à des âges sensiblement moins avancés qu’à ce jour. Pourquoi pas dès la
fin du statut de salariés, donc de citoyens productifs ? En filiation à
cette dernière remarque, on pourrait rappeler l’humoriste Coluche :
« Les personnes âgées ça ne sert à
rien, il faut les tuer et de préférence à la naissance ».

–         
Qu’eu égard aux mêmes progrès scientifiques à venir et
en filiation aux recommandations de Grenelle, de la même façon qu’on recycle
les eaux usées, on nous proposera demain, dans cette société de plus en plus
déshumanisée de recycler aussi les personnes âgées.

En définitive, Madame la
Ministre, nous vous demandons de ne pas cautionner par votre
présence, les débats prévus à Rennes ou alors d’en exiger un changement de
titre, au profit, par exemple, de celui-ci : « De la place des personnes âgées dans la société ».

Votre responsabilité, Madame la Ministre, nous apparait
être d’éviter une guerre intergénérationnelle où l’on désigne facilement des
boucs émissaires : tantôt les jeunes, tantôt et ce n’est pas nouveau, de
plus en plus fréquemment les vieux.

La citation de René de
Chateaubriand nous parait plus que jamais d’actualité « En ces temps, la vieillesse était une
dignité ; aujourd’hui elle est une charge ».

Est-il besoin de rappeler que
notre pays est loin de réserver à ses personnes âgées le statut qu’elles devraient
légalement, réglementairement et humainement avoir car ce statut, depuis
toujours, relève davantage de la compassion, voire de la charité, que de
l’instauration de droits délivrés à tous les citoyens quel que soit l’âge. Le
débat actuel, toujours redondant et pendant, concernant le 5^ème
risque de protection sociale témoigne de cette vue manichéenne et égoïste dès
lors qu’il s’agit des personnes âgées. Notre démocratie dont nous nous
enorgueillissons ne peut passer que par une appréciation holistique, braudelienne,
fondée sur la solidarité, notamment au profit des plus vulnérables que sont les
personnes âgées en perte de capacité. L’exclusion de la dépendance au titre d’un
authentique 5^ème risque de sécurité sociale s’inscrit à l’inverse de
cette solidarité et, ainsi que l’indique M. Pierre BOISSIERE, Président de l’association
solidarité dépendance Millau-Fenaille, est un grave déni de l’article 22 de la
déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, stipulant « toute personne a droit à la sécurité
sociale… indispensable à sa dignité… grâce à l’effort national ».

A nouveau, en espérant que vous
ne cautionnerez pas des débats ainsi odieusement intitulés, nous vous assurons,
Madame la Ministre,
de nos respectueux sentiments.

Dr Guy Pétin, Président de l’A.S.A.P.A.R.

Le 18.03.09

Copie adressée à tous les correspondants
de l’A.S.A.P.A.R.