Message de Brigitte Lescuyer suite au dossier de presse du Secrétariat d’Etat chargé de la solidarité « Le droit des personnes âgées repose sur la bientraitance » et au communiqué de presse de l’AD-PA « La bientraitance des personnes âgées : Parlons de vrais sujets »

Les moyens manquent et les dispositions prises par l’Etat sont bien sous-estimées compte-tenu de nos constats et du vécu des professionnels concernés. Non seulement les moyens évoqués ne répondent pas aux problèmes actuels mais nous sommes nombreux à être alarmés sur le peu de perspectives annoncées pour préparer l’avenir proche (dans 40 ans) où les + de 60 ans représenteront 1/3 de la population et où les perspectives de personnes en grande vulnérabilité seront conséquentes également.

 

J’adhère à votre mobilisation en ce sens.

J’émettrais quelques réserves quant à vos propos sur le « 3977 ». Permettre l’écoute de possibles victimes ou de souffrances de particuliers ou de professionnels est tout à l’honneur de cette organisation, certes encore dans ses balbutiements.

Mais il existe d’autres portes d’entrée pour évoquer les situations de violence voire de maltraitance : ALMA, les conseils généraux, les DDASS, les professionnels des CLIC, des CCAS, les associations d’aides aux victimes, toute la sectorisation sociale et le travail d’accompagnement de nombreuses associations qui pallient aux manquements de l’état avec des moyens souvent dérisoires, etc.

Le social, le médico-social, le sanitaire sont une grande famille. A nous de faire vivre nos réseaux ! Encore faut-il avoir le temps ? (J’anticipe votre réponse). La notion de temps est insuffisamment considérée comme si la mission essentielle de l’accompagnement ne comptait pas ou moins.

La démarche volontariste de la bientraitance et tout le travail inhérent à sa conception et sa pérennisation ne doivent pas nous faire oublier la mission essentielle « de passer du temps avec les usagers ». Ne surévaluons pas l’approche de la bientraitance… Vouloir ou exiger la qualité ou la bientraitance, ce n’est pas forcément l’obtenir !

Il faut du temps pour initier des projets de service ou d’établissement, pour gérer des projets individualisés, pour organiser une démarche de soins et donner du sens à l’équipe dans laquelle nous sommes associées et surtout parler et / ou tenir la main de son patient.

On peut s’interroger en effet à savoir si ces « enquêtes flash » dont vous parlez sont réellement un plus pour les équipes ou si elles sont là pour justifier des fonctionnements de professionnels technocrates.

L’agressivité, la violence et la maltraitance sont des concepts qu’il faut connaître pour comprendre la genèse de la violence ; celle que nous recevons et celle dont nous pourrions être à l’origine.

Par contre, je ne vous rejoins pas du tout lorsque vous évoquez « les petites maltraitances quotidiennes». Il n’y a pas de classification de violence suivant leur importance.

Ce n’est pas à nous de décider si nous sommes face à une petite ou une grande violence ! C’est la victime qui nous le dit, qui nous le montre à travers des décompensations psychologiques ou physiologiques.

Soyons très vigilants dans nos évaluations sur les souffrances des uns et des autres.

L’institution est un lieu de vie et il est donc raisonnable de penser qu’il puisse y avoir ponctuellement des phénomènes de crise. Renforcer l’idée du politiquement correct, de policé, de l’aseptisé et de la tolérance zéro en matière de violence est en quelque sorte, nier que dans un lieu de vie, il puisse y avoir des phénomènes que l’on retrouve partout ailleurs.

Je pense qu’il serait important de dissocier les violences… des maltraitances…

La violence résulte le plus souvent de réactions irrationnelles, le plus souvent suite à des réactions défensives (la non gestion de nos frustrations quotidiennes). La maltraitance est une organisation consciente ou inconsciente qui se répète dans le temps. Au regard du traitement de la maltraitance, nous savons qu’il est très rare qu’il y ait urgence. Chaque protagoniste a un rôle qui pourrait surprendre. Dans le domaine familial, les maltraitances s’organisent sur des décennies. Interférer dans ce contexte alors peut fragiliser davantage la structuration familiale. Dans le cercle familial, des enjeux de reconnaissance affective ou de non-reconnaissance sont le lit de beaucoup de souffrances. Il n’existe pas deux situations similaires.

Il faut dissocier d’une part notre démarche volontariste de s’imprégner de l’idéologie de bientraitance, de vouloir accompagner de façon pertinente l’usager, de s’associer à une équipe avec une intentionnalité bienveillante, et d’autre part notre compréhension des phénomènes d’agressivité, de maltraitance et de la genèse de cette violence. La très grande majorité des personnes n’ont pas conscience de la violence qu’elles génèrent. Certaines personnes témoins sont parfois incapables de réagir face à ce qu’elles ont vu ou entendu.

Dans les équipes où je me déplace, les stagiaires soulignent souvent l’absence de reconnaissance de leur témoignage. Aujourd’hui encore dans des établissements ou des associations où il existe des projets d’établissement ou de service, où tous les outils de la loi de 2002 sont mis en place, des témoignages de violence ou de maltraitance ne sont pas pris en compte ou récusés par les collègues, les cadres ou même la direction. Les personnels se plaignent  également de l’absence de retour suite aux signalements qu’ils ont eu le courage de faire.

Je défends la nécessité des formations sur la maltraitance non pas pour assurer mon gagne-pain, même si cela pourrait être légitime, mais parce que je crois en la capacité de chacun d’entre nous à se positionner et à se mobiliser sur ce sujet du moment qu’il est suffisamment informé de tout ce qu’il recouvre. Travailler sur le risque, c’est responsabiliser les professionnels et les considérer pleinement, c’est aussi leur donner la possibilité de prendre du recul par rapport à la gestion de leur agressivité sur leur lieu de travail  et dans le cercle de leurs intimes afin de repositionner leurs fonctionnements.

Avec l’AD-PA et beaucoup d’autres, je me mobilise pour solliciter plus de fonds publics pour que les professionnels qui travaillent dans les établissements et ceux qui travaillent au domicile soient reconnus à leur juste valeur, en leur donnant les outils nécessaires et qu’on leur permette d’être en nombre suffisant. 

En les reconnaissant, nous portons un regard bientraitant envers nos aïeux. On ne peut dissocier le fond de la forme…

Brigitte Lescuyer

 Formatrice : Maltraitance Personnes Âgées / Personnes Vulnérables

"Comprendre la genèse de la violence pour tendre vers

la Bientraitance"

 

Brigitte LESCUYER 

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