Lettre ouverte à Monsieur le Président de la République.

Plan d’Aups le 26 novembre 2009

Monsieur le Président de la République,

Vous vous êtes engagé à mettre en place le plan Alzheimer 2008-2012 sur la base politique du choix au maintien à domicile des malades et des familles.

Préparé par la Commission présidée par Monsieur le Professeur Joël Ménard, le rapport vous a été remis, voici deux ans, le 8 novembre 2007 et le 1er février 2008 a été mis en place le plan Alzheimer, qui prévoit 3 mesures essentielles, dans le cadre du maintien à domicile :

Mesure n°1: Développement et diversification de structure de répit des aidants avec expérimentation puis généralisation de formules de répit innovantes.

Mesure n°3: Mieux prendre en compte la santé de l’aidant dans le cadre du suivi du malade.

Mesure n°6: Création de 5000 places dans les services polyvalents d’aide et de soins à partir du 1er janvier 2009.

A ce jour, les différentes mesures du Plan Alzheimer 2008-2012 mises en œuvre ne suscitent pas un très grand enthousiasme, de la part des familles.

Quelle est la situation dans la prise en charge à domicile ?

Nos Ministres affirment que :

– les particuliers-employeurs emploient 86% des salariés du secteur de l’aide à domicile,

– les associations 12 % (UNA, AMDR)

– les entreprises qualifiées « à but lucratif » 2%.

Par convention conclue dans le cadre de la politique de soutien à la modernisation, à la structuration et à la professionnalisation des services d’aide et d’accompagnement à domicile des personnes âgées et des personnes handicapées, développée par l’État et la CNSA, les montants suivants ont été accordés sur deux ans :

– FEPEM : 1 201 570 €

– UNA : 19 455 527€,

– ADMR : 951 976 €,

Dans son dernier communiqué, l’UNA demande encore plus ! Il est vrai que leurs besoins sont grands, compte tenu des difficultés financières de certaines de leurs structures.

Comment cela se traduit-il sur le terrain ?

Qui contrôle où vont réellement ces sommes pharamineuses ?

Pensez-vous réellement, Monsieur le Président, que les malades et les familles vont voir un réel changement dans la professionnalisation de leur prise en charge ?

Les situations inadmissibles rapportées par nos médias ne vont pas dans ce sens !

Pendant ce temps les prestations au niveau des aides humaines de la PCH n’ont pas été augmentées depuis 2007 et varie fortement: si c’est un emploi direct (11€57/h), un service mandataire (12€73/h) ou un service prestataire (17€59/h). Le service serait-il mieux rendu par un service prestataire ?

Une carte « Alzheimer » a été créée. La carte de la CPAM ne suffisait donc pas ? Combien de carte ont été distribuées à la demande des médecins traitants ?

Au niveau de la formation des aidants, activité principale de l’Association France Alzheimer, il s’avère qu’elle s’adresse, avant tout, aux aidants professionnels des établissements, pour accueils de jour et temporaires, et des services. A quoi sert la taxe formation professionnelle ?

Nous disons qu’il y a confusion entre formation et information.

Nous pensons que les aidants familiaux ont besoin d’être informés et accompagnés au fur et à mesure de l’évolution de la maladie. Nous disons que ce rôle d’information sur la maladie et son évolution appartient sans nul doute au Médecin traitant qui voit régulièrement le malade et l’aidant. L’accompagnement, expliqué et organisé, est du ressort semble-t-il des intervenants de structures spécialisées.

Des projets de MAIA sont financés, mais tels que prévus à ce jour, elles semblent jouer le même rôle que les CLIC de niveau 3 ou les MDPH  (sauf, semble-t-il, le projet Gersois).

Les structures dites de répit de l’aidant (mesure n°1) excluent de manière discriminatoire toute structure dans le cadre du domicile, du type « Baluchon », ou, comme nous le préconisons, par un Service Polyvalent d’Aide et de Soins à Domicile (SPASAD), donnant une exclusivité aux accueils de jour, accueils temporaires, fortement soutenu par leurs directeurs/administrateurs de France Alzheimer.

La prise en charge à domicile affirmée dans la mesure n°6 du plan, reconnaît les SPASAD comme étant la structure la plus particulièrement adaptée à cet effet.

Les projets sélectionnés par la CNSA, ont été exclusivement réservés à des projets de Services de soins infirmiers à domicile (SSIAD).

Aucun des 40 Services Polyvalents d’Aide et de Soins, recensés au niveau national par la Cour des Comptes qui en regrette le peu, n’apparaît. Cela confirmerait le refus des Administrations Centrales de l’Etat Français de voir se créer et se développer ce type de service, démontrant ainsi  leur opposition à l’application de la loi de 2002 créant ces services, loi votée à l’unanimité par le Parlement Français.

Nous continuons d’affirmer que 90% des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer sont maintenues à domicile et que 80% des aidants familiaux sont les conjoints, viennent ensuite les enfants (essentiellement les filles);  les nièces et les gendres ne sont pas cités dans l’étude EPOCH européenne, ce qui n’enlève rien à leur mérite.

Qui le conteste?

Compte tenu de nos expériences, le maintien à domicile des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer et autres pathologies lourdes ne peut pas se faire à partir de simples services d’aide à domicile. Ces services proposent une offre avec une palette beaucoup trop large allant du jardinage au maintien à domicile de malade d’Alzheimer et autres pathologies aussi lourdes avec un manque flagrant de professionnalisation. Plus la maladie avance dans le temps, plus les besoins de soins et de surveillance médicale augmente.

Cela se fait au détriment du malade et de l’aidant familial qui doivent supporter l’ensemble des carences du service et des intervenants.

Nous devons avoir affaire à des services spécialisés Alzheimer, employant de véritables professionnels soignants, avec prise en charge globale à domicile, plutôt que la simple mise en place d’un service d’aide juxtaposé à un service de soins infirmiers, telle qu’elle existe aujourd’hui et comme le préconise les Services de l’Etat.

L’enquête qualitative et quantitative menée par le GRATH (Groupe de Réflexion et réseau pour l’Accueil Temporaire des personnes en situation de Handicap), confirme pour une grande part nos analyses pour le maintien à domicile et les attentes au niveau des structures.

Pourquoi refuse-on cette réalité si criante?

Nous attirons enfin votre attention sur le fait que les actions aujourd’hui mises en œuvre s’adressent exclusivement aux personnes atteintes Alzheimer de + de 60 ans en première phase de la maladie.

Elles excluent les jeunes malades et les malades en phase 2 et 3 de la maladie.

Elles sont basées sur l’obligation d’externaliser le malade de son domicile vers des institutions, faisant fi de la liberté de choix.

Pourquoi tant d’exclusion?

Nous mettons en cause pour ces exclusions et ces discriminations, la politique du financement de l’offre.

Le budget de la CNSA 2010 affecte: 16,4 milliards d’€ sur les 18,2 de son budget (frais de gestion caisse exclus), au financement des établissements ou services sociaux et médico-sociaux.

En accordant dix fois plus de financement aux établissements, qu’aux citoyens malades, pour la création de places, pour les professionnalisations, les fonds perçus financent des systèmes onéreux qui ne donnent jamais les résultats escomptés. 

Nous en venons à cette aberration où 80% des financements vont à 20% des malades, au constat affligeant de présentation et de vote de budget en déficit (235 millions d’€ pour la CNSA en 2010, 538 millions d€ en 2009), de déficit permanent de nos comptes sociaux et la demande persistante des institutions bénéficiaires du toujours plus de financements. Pourquoi le budget CNSA de 2009 n’est pas publié.

Aberration, lorsque pour une intervention médicale ou chirurgicale, l’hospitalisation dans un hôpital public coûte deux à trois fois plus à l’Assurance Maladie que dans une clinique privée.

Au nom de quelle République ?

Aberration, lorsque des Associations représentées au Conseil d’Administration de la CNSA, revendiquent la distribution d’excédents de gestion dégagés par la Caisse, aux établissements qu’elles représentent. Ou, si vous n’adhérez pas à leurs fédérations,  vos demandes de création de services vous sont refusées.

Est-il normal d’être en même temps le financeur et le financé ?

Aberration, lorsque un « résidant » en maison de retraite qui présente quelques signes de sénilité, est obligatoirement atteint de la maladie d’Alzheimer, ou d’une maladie dite apparentée, mis en Affection Longue Durée et pris en charge à 100% par l’assurance maladie. Alors que pour les malades jeunes la reconnaissance de la maladie met des mois, même des années !

Aberration, de voir certains Maires en arrêt maladie, pour dépression, depuis plusieurs mois, voire des années, restaient dans une impunité totale et ne sont pas poursuivis, de même le signataire du certificat de complaisance. Aucun remboursement n’est exigé. Est-ce pour financer ce type de comportement que les malades payent 50 centimes sur leurs médicaments et 1€ sur chaque visite médicale et que d’autres restrictions aux remboursements vont voir le jour ?

Les cotisations versées à nos Caisses d’Assurance Maladie, de Vieillesse et de nos Caisses de Retraite Complémentaire deviennent-elles argent public ?

S’il en est ainsi, qui l’a décidé?

Cet argent n’est-il pas privé ? N’appartient-t-il pas aux cotisants ?

Les cotisations ne doivent pas financer des choix politiques; seul, le budget de l’état doit couvrir ces choix.

Nous pensons, Monsieur le Président de la République, qu’un changement de politique est nécessaire, une véritable rupture.

Nous disons qu’il faut mettre en place une politique du financement de la demande.

Afin que les malades et les familles disposent d’un réel choix-domicile ou établissement, il faut créer :

– la prestation de compensation universelle,

prévue par la loi Handicap de 2005 au 1er janvier 2010, en y affectant une très grande part des financements des établissements et services. Etablissements et services  seront ainsi payés par leurs résidents/clients et non par des subventions. Cette création doit s’accompagner de la suppression de la barrière des âges, source d’exclusion et de discrimination,

– un fonds de soutien aux aidants familiaux,

la crise est fortement ressentie par les familles dont les revenus faibles ne peuvent satisfaire le financement de plus en plus important du reste à charge et trouver des solutions pour les aidants familiaux, essentiellement les conjoints, de malades jeunes,

– des services polyvalents spécialisés Alzheimer,

d’aide, de soins, de soutien, et d’accompagnement favorisant la prise en charge individualisée médico-sociale à domicile à partir d’une évaluation globale du malade, de l’aidant, des enfants vivant au foyer, dès le diagnostic, en fonction dans le temps de l’évolution de la maladie et intégrant les répits de l’aidant.

Citoyens/responsables envers nos malades et nos familles, nous n’entamerons pas une grève de la faim ou un sit-in devant les Ministères ou les Services de l’Etat, afin d’être écoutés et entendus.

Nous vous sollicitons, Monsieur le Président de la République, pour que soit mis fin à ce système discriminatoire et d’exclusion qui perdure.

Faites changer la France, changeons notre politique de santé. Que le malade, l’aidant familial, la famille soient réellement et financièrement pris en charge, afin que vive leur liberté de choix.

Soyez assuré, Monsieur le Président de la République, de notre haute considération et de notre profond respect.

Jean-Claude Caudéran

Président Association Familles en Alzheimer

http://www.familles-en-alzheimer.fr