Des formations inédites ?

Avec l’aimable autorisation de l’auteur : Dr Bernard Pradines.

Comme le monde de l’information, le monde de la formation n’est pas neutre. Je suis frappé, par exemple, par la fréquente distance entre les préoccupations des personnels et les formations proposées en regard. Si nous devenons définitivement obsédés par les évaluations, protocoles et autres « process » managériaux, le risque est d’oublier l’essentiel fait de plaisir mais aussi de souffrance au travail.

Bien sûr, certaines formations répondent aussi à ces soucis, au moins en partie : le CEC de Yves Gineste en est un exemple.

Mais rêvons un peu à des formations telles que :

– comment obtenir davantage de personnels quand nos résidents sont lavés à la vitesse "grand V" et que les repas sont pliés en 15 minutes ? Quand le travail à la chaîne nous interdit de dégager une personne pour répondre aux besoins personnels immédiats des résidents ? Quand les familles veulent se confier trop longuement à nous ?

– comment faire reconnaître le temps relationnel par ces temps d’évaluation de l’activité ?

– comment diminuer le temps de travail quand la fatigue se fait sentir et que j’ai le sentiment de passer à côté de la proximité avec mes enfants ?

– comment n’effectuer que des tâches qui correspondent à ma formation et à mes missions ?

– comment augmenter les salaires quand je tire le diable par la queue par ces temps de chômage du conjoint ou de famille monoparentale ?

– comment partir plus tôt à la retraite quand la tâche a été si prolongée et si pénible ? Et que de surcroît je ne peux pas, de ce fait, m’occuper de mes propres parents devenus dépendants ?

– comment m’arrêter de travailler quand des lombalgies m’y obligent mais que cela n’apparaît pas possible à mes employeurs ?

– comment bénéficier d’un planning juste (incluant les repos et les congés) qui ne soit pas déséquilibré au profit de tel(le) ou tel(le) qui est mieux vu(e)  que moi ?

– comment diminuer les conflits dans l’équipe qui pourrissent l’ambiance au détriment des résidents ?

– comment obtenir la visite du médecin à deux heures le matin ou encore le dimanche ?

– comment remplacer la prérogative hiérarchique exclusive par la reconnaissance des initiatives, d’où qu’elles viennent ?

– comment travailler mieux, voire davantage, si cela est mal vu ?

– comment prévenir le burn-out ?

– comment dénoncer les maltraitances quand ma hiérarchie me demande de me taire et décrète que cela n’existe pas ? « Ici non, chez les autres peut-être … », « nous ne citerons pas de nom mais … »

– comment me défendre contre une fausse accusation de maltraitance (souvent par ceux qui sont indélicats avec les résidents) ?

– comment me défendre contre un reproche inexact de faute professionnelle utilisé à des fins de gestion des personnels, voire d’exclusion ? En me surveillant ouvertement, on m’a déstabilisé(e) et attendu(e) au tournant de la moindre imperfection immédiatement érigée en manquement grave. 

– comment promouvoir la liberté d’expression sans que l’on m’oppose la discrétion professionnelle ou le devoir de réserve ? Une liberté dont je suis privé(e) mais dont disposent ceux qui mettent en avant ces barrières invisibles et menaçantes.

– comment éviter le favoritisme et les passe-droits dans le travail soignant ?

– comment prendre des décisions qui impliquent vraiment les résidents, les employés et les familles ?

– comment promouvoir la démocratie dans l’entreprise soignante sans la laisser au vestiaire en entrant ? Cette démocratie si cher payée depuis si longtemps.

Rassurez-vous : je suis incapable de fournir ces prestations. Mais une autre question se posera lors de l’étude de marché des formateurs : ces formations seraient-elles vendables ? Autrement dit, serait-ce un marché solvable comme celui de la vieillesse dépendante et malade ?