Madame Nora Berra. Mission « vivre chez soi »

 

Madame la Secrétaire d’Etat,

Je lis avec intérêt la nature et le contenu de la mission que vous lancez « Vivre chez soi : autonomie inclusion et projet de vie ».

J’avais pris l’initiative de vous faire savoir mon projet de retraite, une recherche sur « le rôle et la place possibles du retraité dans la société » et plus généralement depuis deux ans : « retraite et vieillissement » tant je suis devenu convaincu que le déroulement de la retraite conditionne le temps et les états du vieillissement.

Vous m’avez, par courrier encouragé à poursuivre mon travail.

Je me permets donc ces quelques remarques, à propos des six groupes de travail, si vous le voulez bien.

J’entends, bien évidemment, que les spécificités des personnes malades, handicapées, dans la détresse et la misère, appartiennent à part entière à chacune des préoccupations des groupes de travail. Savoir que des experts travaillent sur l’habitat, l’urbanisme, les compétences…, des seuls aînés « bien portants » serait désastreux.

A partir de vos six thèmes et groupes de travail.

– Diagnostic autonomie habitat. Il ne faudrait plus accepter de construction sans penser au futur : ouvertures pour fauteuil roulant, disposition des pièces avec possibilité de transformations sans avoir à tout déconstruire pour reconstruire (alimentation eau, électricité, répartition des pièces de vie et de celles des conforts….)

– Mobilité et urbanisme. Tout problème trouvera une réponse technique. Mais les « relations de voisinage » sont autre chose. Le plus bel appartement, la plus belle maison, les plus luxueuses voies de circulation…, ne seront appréciés qu’à la condition d’avoir « pensé » la co existence avec les enfants, les adolescents, les « gens d’ailleurs », les voitures, les commerces et services de proximité… des années 2030 – 2050 voire 2100, au moment où nos petits-enfants entreront ou vivront leur retraite. D’où la nécessité et l’intérêt de ne pas « séparer » ce thème de l’animation de proximité (professionnels animateurs, lieux de rencontres et de retraites (se retirer)… ) des aménagements mis en place.

– Métiers, compétences et formations. Question de bon sens, tout comme un maçon semble être le plus apte pour construire un mur, le retraité peut, sans doute, être le plus à même de penser la vie en situation de retraite. A 71 ans je vous assure ne pas avoir le même point de vue sur la retraite et le vieillissement, que lorsque j’étais en activité.

C’est le point le plus difficile car le matériau c’est la femme ou l’homme, qu’il faut accompagner afin qu’elle ou qu’il soit passionné (e) par « sa profession » qu’elle ou qu’il en soit fier (e) et heureux (se). L’échec serait de « faire un métier », la réussite est de « le choisir en connaissance ». L’apprentissage (malheureusement déconsidéré), auprès d’un vieux compagnon, n’a jamais été dépassé. Je l’ai vécu et c’est sans doute ce qui m’a aidé à faire de ma carrière, durant 40 années, une vie de passion.

Je travaille sur « apprendre aujourd’hui » afin que les jeunes retraités déconstruisent leurs savoirs de carrière terminée, et reconstruisent ceux nécessaires pour vivre les décennies prochaines.

Quarante années d’exercices professionnels ne confirment pas un savoir-être ou un savoir-faire. Peut-être est-ce faute de pouvoir évoluer que cette carrière s’est cantonnée à un poste. Quand on sait la rapidité des évolutions aujourd’hui on peut être inquiet de la « stabilité professionnelle»

– Inclusion et prévention des discriminations. Attention, si les discriminations peuvent être subies, elles sont, aussi, créées par les aînés. C’est pourquoi l’apprentissage à la retraite est si important pour moi, aujourd’hui, après plus de dix années de recherches. Quand certains quittent (sont jetés de) leur activité professionnelle pour entrer en situation de retraite, s’ils n’ont pas un vrai projet de vie, ils augmentent les risques de devenir cacochymes après quelques années, faute d’avoir développé des intérêts autour d’eux. Pour ce point, il faut retenir que les relations entre génération (entre cinq et bientôt six) dépendent entièrement de la responsabilité des aînés. Les jeunes nous ont toujours connus vieux (les parents sont des vieux) et nous les avons intéressés. Si nous n’anticipons pas leurs changements, si nous n’avons pas la volonté de connaître leurs environnements, nous devenons rapidement ringards et nous ne les intéressons plus.

Ce n’est plus d’une préparation à la retraite dont la société à besoin, c’est d’un réel apprentissage pour une « nouvelle carrière de retraité professionnel » Car, quoi qu’il puisse être dit, le travail demeure un  « outil universel » d’échange, tout comme les arts, les sciences, les techniques. Si nous ne sommes pas capables de comprendre, au moins d’avoir quelques bribes de leurs savoirs professionnels, de loisirs, de culture…, nous perdons un lien relationnel humain indispensable à l’inter générationnel. C’est pourquoi j’attache tant d’importance au programme d’apprentissage pour cette nouvelle carrière de retraité professionnel.

– Optimisation de gestion des services. Les problèmes techniques trouveront toujours des solutions, parfois même ils répondent en avance. Mais les services sans valorisation, considération et reconnaissance des professionnels sont voués à l’échec. Les formations doivent être à la hauteur des professionnels que nous souhaiterons trouver dans les suivis de nos incapacités ou de nos dépendances des derniers jours. 

Enfin, Madame la Secrétaire d’Etat, Mesdames, Messieurs, maîtrisez les médias, vous devez leur faire savoir votre travail. Vous avez un rôle pédagogique qu’ils doivent transmettre et faire vivre. Vous avez une mission de formation pour une autre société des aînés, ils ont une mission d’information de  la réalité de vos travaux. Les enjeux sont trop graves pour être seulement lus, ils doivent être compris et responsabilisés par chacun.

Nous devons nous interroger sur les savoirs émergents, ceux qui nous interrogent dans un regard nouveau et des pensées qui agitent notre vie quotidienne. Ceux d’un XXIe siècle où nous vivrons une heureuse vieillesse jusqu’après cent ans, et, je le souhaite à toutes et tous, notre dépendance et incapacité dans les seules dernières secondes.

Très respectueusement à vous

et bon travail pour les "missionés"

   Pierre Caro
retraité
chercheur autodidacte : retraite et vieillissement
44530 saint gildas des bois
tel 02 28 54 94 76
mail : pierre.caro@neuf.fr