Monsieur,

Lors de votre interview à France Info le 7 mai 2010, reprise par de nombreux medias, vous « tentez » une proposition de solution pour « l’effet du vieillissement sur la hausse des dépenses d’assurance maladie et la manière dont on va le financer ».

Je crains malheureusement que votre cas personnel, sur lequel vous revenez, ne vous ait fait perdre tout sens de la mesure

Une fois de plus (et je crains que la HALD dans l’avenir, n’ait à se pencher sur de nombreux cas similaires…), vous faites partie de ceux qui pensent avoir trouvé la solution en vous attaquant à une catégorie des plus vulnérables de la population : les « vieux ». Certes, vous proposez élégamment l’aumône de votre capital et de vos revenus (gagnés grâce au contribuable, comme conseiller de la République…) comme solution de financement de la longévité d’une partie de nos concitoyens, à condition qu’ils vous soient « chers »…

Il me semble apercevoir, dans cette inégalité de traitement du citoyen, une certaine « anticonstitutionnalité » devenu par trop fréquente aujourd’hui ! De tout temps, les « riches » ont toujours pu obtenir davantage que les « pauvres ». Et la première inégalité, confirmée par l’exceptionnelle longévité de votre père, et celle de l’espérance de vie. Que croyez-vous que l’avenir réserve « aux pauvres », si notre République permet aux « riches » de financer entièrement leur état santé à partir d’un certain âge. C’est tout simplement l’effondrement de notre système de santé basé sur la solidarité, amenant petit à petit une offre de soins des plus limitées pour les plus démunis. Au nom de la réduction des dépenses publiques, je crains fort revoir de mon vivant, ces hospices pour « vieux », oeuvres de charité héritées du XIX° siècle. Est-ce une façon digne de traiter nos concitoyens sous prétexte de leur âge ? Votre père centenaire vit-il à domicile ou en EHPAD ? Bénéficie-t-il de services d’aides à domicile ? Rien qu’en répondant à ces deux questions, vous mettrez le doigt sur de nombreuses inégalités existant déjà lorsqu’on sait que 25 % des retraités bénéficient d’une pension inférieure au seuil de pauvreté. Alors que les Etats-Unis, face aux millions d’indigents sans soins, construisent un système de santé basé sur la solidarité, vous souhaitez donc, que notre pays « casse » ce système de solidarité qui fait la qualité de notre santé. Je me bats au quotidien pour que nos aînés puissent bénéficier en matière de santé, des mêmes droits que tous nos concitoyens. Comme beaucoup de républicains de ce pays, il n’y a, pour moi, qu’une seule solution digne et respectueuse de nous-mêmes et des fondamentaux posés par nos pères fondateurs il y a maintenant plus de 200 ans : « Toute contribution est établie pour l’utilité générale : elle doit être répartie entre les contribuables, en raison de leurs facultés » (Art 13 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen – 1789). A nous de définir, ensemble, au niveau politique, la notion « d’utilité générale » ! Si vous souhaitez participer au financement de notre système de santé en France, je vous y encourage vivement, en oeuvrant (à votre niveau) à la construction d’un 5° risque basé sur la solidarité.

Quant à la discrimination que vous faites sur l’âge, juste quelques pistes provocatrices pour que vous vous rendiez compte de l’incongruité de vos propos : « La collectivité française a dépensé 100 000 Euros pour un homme de 102 ans, c’est un luxe immense, extraordinaire, pour lui donner quelques mois ou je l’espère quelques années de vie. ». Que penser des soins apportés aux grands traumatisés crâniens ? Que penser des soins apportés aux alcooliques qui peuvent aller jusqu’à la greffe de foie. Que penser des lourds traitements chroniques mis en place chez les obèses (de plus en plus nombreux grâce aux superbes campagnes publicitaires de l’industrie agro-alimentaire). Alors, de grâce, cessez ce discours discriminant ! Existe-t-il des citoyens qui « valent » mieux que d’autres ? Qui sont plus dignes que d’autres ?

Je ne vois qu’une explication à vos propos déplacés : la souffrance d’un homme face au vieillissement de son père et à l’inéluctable. Je suis prêt à l’accepter, mais n’oubliez pas que votre condition d’homme public doit vous amener à une certaine retenue.

Espérant avoir retenu toute votre attention, veuillez croire, Monsieur, en mes respectueuses salutations.

Docteur Frédéric WONÉ

Gériatre – Centre Hospitalier de Périgueux (frederic.wone@ch-perigueux.fr)

Président de CASSIOPEAhttp://www.cassiopea.fr/

(Conseil, Assistance, Services, Solidarité, Information et Orientation sur les Personnes Âgées ou handicapées)

Administrateur ALMA – France