1ère
ASSISES NATIONALES DE L’AIDE A DOMICILE

Paris
– 22 septembre 2010 – 14h

Intervention
de Claudy LEBRETON, Président de l’ADF

Madame
la Ministre, Mesdames et Messieurs les présidents d’associations,

C’est
avec plaisir que je me trouve parmi vous cet après‐midi pour
évoquer une question qui se trouve au coeur de l’action des
départements
puisque comme beaucoup d’entre vous le savent,
les départements financent près de 80% de l’aide à domicile
au travers de l’APA et de la PCH, dans un contexte financier
très tendu.

Ce
n’est pas le lieu d’évoquer ici l’importance de l’aide à
domicile. Nous sommes tous conscients de l’enjeu social et
économique que représente ce secteur
, pour le lien social et
les personnes âgées mais aussi pour vos organismes et leurs
salariés.

Je
connais la situation de vos services, car comme Président de Conseil
général je suis aussi en première ligne
. J’ai eu l’occasion
de rencontrer régulièrement certaines de vos fédérations ces
derniers mois. Elles m’ont toute confirmé la crise actuelle.

C’est
la raison qui m’a conduit à demander à Yves DAUDIGNY
,
Sénateur, président du Conseil général de l’Aisne, surtout,
Président de la Commission « politiques sociales et familiales »
de l’ADF, de mettre en place un groupe de travail commun entre
les départements et les principales fédérations de l’aide à
domicile
.

Ce
groupe animé aussi par Luc BROUSSY
, Conseiller général du
Val‐d’Oise, que vous connaissez bien ici, avait pour objectif de
proposer à nos différentes instances dirigeantes un diagnostic
partagé et des solutions communes.

Un
travail de grande qualité a été mené
. Nous sommes aujourd’hui
dans une phase de finalisation de nos propositions.

Je
veux saluer à ce titre l’esprit de responsabilités des fédérations
professionnelles
qui ont participé de février à juin à ces
travaux. Le protocole sur lequel nous nous sommes mis d’accord a
été adopté par les instances de l’ADF mercredi dernier.

Ces
1ères assises nationales tombent donc à point nommé
pour que
je vous présente les grands axes sur lesquelles les Conseils
généraux et les associations d’aide à domicile sont tombés
d’accord.

Bien
entendu, la réflexion en cours ne se substitue pas à une analyse
des modes et du volume de financement de l’intervention à domicile
pour les personnes âgées dépendantes ou les personnes en situation
de handicap. Cette question se pose, surtout pour le gouvernement.

Ce
que nous avons cherché à faire ensemble
, c’est de trouver
les voies d’une modernisation
, d’une adaptation du mode de
tarification de votre activité.

Ces
préalables étant rappelés, j’aimerais revenir :

Sur
le diagnostic partagé ;

sur
les principaux axes d’une réforme commune ;

sur
la réforme de la dépendance annoncée par le gouvernement pour la
fin de l’année.


1.Un
diagnostic partagé

Le
système actuel est « à bout de souffle » selon beaucoup de
praticiens.


Il
est en tout cas trop complexe et injuste. Il repose sur un modèle
qui ne peut être économiquement et socialement viable à long
terme. Parmi les principales causes repérées et validées
conjointement, nous pouvons souligner 3 points :

  1. la
    coexistence de plusieurs systèmes d’agréments rend le pilotage
    départemental complexe, « code du travail » d’un côté, «
    agrément du président du Conseil général » de l’autre ;

  2. une
    tarification « horaire » qui ne traduit pas la diversité des
    critères à prendre en compte ;

  3. des
    plans d’aide qui sont souvent inadaptés et qui, de surcroît,
    sont parfois écrêtés par les bénéficiaires eux‐mêmes qui ont
    de plus en plus de mal à assumer les montants de ticket modérateur.

Ces
dysfonctionnements se traduisent notamment par des déficits
structurels
des opérateurs. Déficits structurels qui ont des
conséquences très importantes sur vos associations et les
personnels qu’elles emploient.

Il
convient également de noter que les plans individuels d’aide sont
très disparates
et leur effectivité ne dépasse pas les 80 %.
Il y a donc un écart important entre les plans d’aide «
théoriques » et les plans d’aide « réalisés».

Pourquoi
20% d’heures « perdues » ?

Il
y a de multiples raisons et les responsabilités sont partagées :
cela va de l’absentéisme d’un personnel peu professionnalisé au
refus par l’usager d’utiliser complètement les plans individuels
d’aide notamment pour des raisons financières en passant par les
heures d’hospitalisation.

Il
faut donc briser le « cercle vicieux » actuel ou des plans
d’aide partiellement mis en oeuvre entraînent une hausse des
tarifs horaires et donc une baisse du nombre d’heures effectivement
réalisés.

Que
dire aussi du principe de l’annualité budgétaire totalement
inappropriée aux services d’aide à domicile ?

En
raison du turn‐over des personnels et du caractère parfois
imprévisible de la masse salariale prévisionnelle, il nous est
apparu à tous qu’il fallait sortir du carcan annuel pour aller
autant que possible vers des prévisions pluriannuelles.

Ces
heures « perdues » par les services d’aide à domicile expliquent
aujourd’hui en grande partie leurs difficultés financières
.

Sur
la base de ce diagnostic partagé, nous avons voulu parvenir à un
accord gagnant
gagnant avec les fédérations.


2.Les
axes d’une réforme

Fort
d’un diagnostic commun
, l’ADF et vos services ont travaillé
à des propositions.

Nous
avons développé ainsi une réforme profonde de la tarification qui
tourne autour de plusieurs axes :

1er
axe : la rénovation du processus d’autorisation
Nous proposons
de rénover le processus d’autorisation afin notamment que
l’autorisation devienne le principe, et l’agrément l’exception
alors que dans de nombreux départements on constate l’inverse.

Cette
nouvelle autorisation vaudra mandatement afin que les services d’aide
à domicile puissent relever, en application du droit communautaire,
des services sociaux d’intérêt général.

Un
consensus s’est également fait jour sur la nécessité de conclure
un Contrat Pluriannuel d’Objectifs et de Moyens. C’est la
signature d’un tel Contrat qui permettrait au service d’aide à
domicile d’entrer de plain‐pied dans la nouvelle
tarification à l’instar de ce qui s’est passé pour les maisons
de retraite lorsqu’elles sont devenues progressivement des EHPAD à
la faveur de la signature de conventions tripartites.

2ème
axe : supprimer la tarification horaire au profit d’une
tarification globale, contractualisée et pluriannuelle.

encore il convient d’assouplir le système en y intégrant plus de
dialogue, moins de rigidité. Il nous faudra contractualiser sur
un nombre d’heures prévisionnelles
et donc sur une dotation globale en relation avec la réalité de
l’activité du service.

J’ai
bien conscience qu’il s’agit là d’une réforme de fond
.
C’est d’ailleurs la raison pour laquelle il a fallu convaincre
certaines fédérations comme il a fallu convaincre aussi, je
le dis avec franchise, certains conseils généraux.

Mais
au final il est apparu à tous les partenaires qu’un tel système
permettrait de piloter le dispositif avec plus de finesse que
l’actuel système du tarif horaire.

Plus
concrètement encore, il conviendra d’aller vers une procédure de
double plafonnement : plafonnement
global des temps de « non présence directe » d’abord.

Je
ne veux pas utiliser volontairement le terme d’heures «
productives ». Car ce serait bien méconnaître vos missions que de
ne pas reconnaître la nécessité des trajets, des temps de
coordination ou évidemment des heures consacrées au droit syndical.
Mais en même temps, il faut maximiser le temps de présence effectif
auprès de la personne âgée
ou handicapée.

Ce
plafonnement pourrait ainsi se situer entre 15 à 20 % des 1607
heures de travail annuelles.

Le
plafonnement des dépenses de structure aussi.
Les frais de siège
et de structure sont légitimes. Comme il est légitime qu’il ne
dépasse pas un certain pourcentage.

Nous
proposons d’ailleurs à ce titre, et en accord avec vos
fédérations
, de verser chaque année au service signataire d’un
contrat d‘objectif, 90% de son forfait global au cours de
l’exercice concerné et de réserver les 10% restant à la suite
d’un dialogue de gestion en fin d’année. Un dialogue qui
permettra d’analyser les écarts entre objectifs et résultats

3ème
axe : Accompagner la professionnalisation et améliorer la qualité
du service rendu aux

usagers.
Au
delà des seuls aspects tarifaires, vous comme
nous avons conscience qu’il faut encourager la professionnalisation
et la qualité
. C’est pourquoi le groupe de travail
ADF/Fédérations a souhaité que la professionnalisation, en claire
que la formation des intervenants, soit un des critères pris en
compte dans la définition de la dotation globale. Vous avez fait
depuis plusieurs années un immense travail de formation de vos
personnels. Je le dis clairement : il est normal que ceux qui se sont
engagés dans cette voie avec volontarisme soient soutenus par les
financeurs.

Dans
le même esprit, il faut que le service, signataire d’un contrat
d’objectif, puisse s’engager sur des objectifs de qualité de
service.

Oui,
il faut que les services d’aide à domicile soient encouragés
dans leurs actions de prévention
. Il faudra d’ailleurs à ce
titre que les ARS, dans le cadre de leur schéma régional de
prévention, fassent de vos services des pièces maîtresses d’une
politique régionale de prévention. 20 000 chutes de personnes âgées
à leur domicile, c’est un problème de santé publique et ce sont
surtout des dépenses évitables pour l’assurance maladie.

Oui,
la qualité c’est aussi la capacité d’assurer un
fonctionnement ou des permanences 24h sur 24, 7 jours sur 7
;

la
qualité, c’est aussi la nécessité d’avoir une
téléassistance
;

la
qualité, c’est enfin le développement par vous comme par nous
de systèmes de télégestion
permettant de garantir
l’effectivité de l’aide. Voilà mesdames et messieurs les grands
axes d’une réforme que les Conseils généraux et vos fédérations
souhaitent porter ensemble. Nos amendements législatifs et
réglementaires sont prêts. Nous allons désormais les proposer au
Gouvernement. Et je ne doute pas, Madame la Ministre, que vous serez
d’accord pour les faire vôtres.

3.La
réforme de la dépendance

Je
ne peux pas conclure cette introduction à ces Premières assises
sans évoquer la réforme annoncée de
l’APA.Le président de la république a annoncé un projet de loi
pour la fin de l’année. Il avait au début de son mandat promis la
création d’un 5ème risque.

Au
lieu de cela, les départements ont été informés le 1er juin
dernier
lors d’une rencontre avec le premier ministre, François
FILLON, que ce projet se transformera en une loi sur la «
dépendance » pour la fin de l’année
.

Le
« 5e risque » étant définitivement enterré, le Gouvernement doit
donc proposer une réforme de la dépendance qui concernera
essentiellement l’APA.

Si
l’on s’en réfère aux conclusions du rapport ROSSODEBORD,
quelques grands principes se dégagent d’ores et déjà :

  1. Exclusion
    du GIR 4 de l’APA ;

  2. Rétablissement
    du recours sur succession ;

  1. Mise
    en place d’un système assurantiel à titre principal et non en
    complément du système solidaire actuel.


En
fait, à terme, on supprime purement et simplement l’APA.

Je
le dis dès aujourd’hui, ce projet de réforme n’est pas celui
auquel j’adhère.
Pour la dépendance, je préfère la
solidarité à l’assurance.

Si
l’on décide de couvrir le risque de dépendance par une assurance
privée, il faut l’assumer et le revendiquer comme une option
politique et idéologique
.

 

Car,
si telle est désormais la politique de la France, il va falloir se
poser d’autres questions. Par exemple, comme le soulevait en le
récusant un ancien ministre des affaires sociales, Philippe BAS : si
le système assurantiel est devenu le modèle : « pourquoi
continuer à faire payer l’assurance
maladie
proportionnellement au revenu de chacun et non pas en fonction
seulement du
risque maladie de chacun ?
»

Beaucoup
de Français détenteurs de hauts revenus en ont assez de payer pour
les autres et se réjouiraient d’une telle évolution.

Dans
ce débat, on le constate, il y a des questions de principe.
L’avenir du pacte social républicain, trop souvent mis à mal
aujourd’hui, en dépend. Je ne veux pas d’une société du
chacun pour soi organisée par l’Etat.

J’espère
donc qu’à l’avenir nous pourrons nous réunir autour de
propositions communes à la hauteur des enjeux
et des besoins des
personnes dépendantes.

Nous
avons bien conscience, avec vos fédérations professionnelles,
d’avoir travaillé essentiellement sur la qualité du moteur.
Concernant l’essence, je renvoie chacun à ses responsabilités
et j’attends donc avec impatience le rendez‐vous que nous a
fixé à tous le Président de la République.

Même
si d’ici là, les Présidents de Conseils généraux auront
l’occasion d’aborder ces sujets lors de leur Congrès de l’ADF
qui se déroule dans un mois.

Je
vous remercie.