Et si on licenciait les auxiliaires de vie trop souvent malades ?

Auteur : Sébastien CHARRIERE

La gestion de l’arrêt maladie est une branche des ressources humaines qui pose son lot de complications pour tous les services RH quel que soit le secteur dans lequel on évolue. L’absence prolongée et répétée pour arrêt maladie est une problématique particulièrement épineuse dans le secteur des services à la personne et de l’aide à domicile qu’il faut apprendre à gérer et la tentation est grande de vouloir se séparer du salarié absent pour maladie en évoquant une perturbation du service. Toutefois, le licenciement d’une personne absente pour maladie répond à des conditions strictes que rappelle régulièrement la chambre sociale de la Cour de cassation. La maladie n’étant pas en soi un motif de rupture, l’employeur doit pouvoir prouver que l’absence du salarié provoque la désorganisation du service mais aussi que son absence nécessite un remplacement total et définitif. Un licenciement basé sur la seule maladie d’un salarié est purement et simplement de la discrimination.

La désorganisation du service pourrait se justifier notamment par la perturbation des usagers qui subissent une valse de remplacements ou la nécessité pour les encadrants intermédiaires de devoir gérer constamment dans l’urgence les absences répétées de l’intervenants à domicile et les conséquences que cela peut avoir sur les collègues appelés en urgence pour le remplacement. Mais attention, il faut prouver une réelle désorganisation du fonctionnement de la structure et non une simple gêne dans sa gestion quotidienne. Il est plus facile de prouver que la gestion de la structure est perturbée lorsqu’il s’agit d’un cadre que d’un intervenant à domicile. De la même façon, l’absence d’un salarié dans une petite structure sera plus facilement perturbatrice que la même absence dans une grande structure qui peut mobiliser plus facilement l’ensemble de son personnel pour combler le vide.

Le remplacement total et définif du salarié peut poser aussi des difficultés pratiques que l’on retrouve régulièrement dans les décisions de la Cour de cassation. A titre d’exemple, la Cour de cassation a le 26 janvier 2011 cassé une décision rendue par une Cour d’appel qui avait validé le licenciement d’une salariée en arrêt maladie en reprochant aux juges de ne pas avoir « vérifié si le recrutement de la salariée à temps partiel pour occuper le poste laissé vacant était de nature à caractériser un remplacement total et définitif de la salariée » (Cass. Soc. 26 janvier 2011, n°09-67073, publié au bulletin). Il est évident que si le salarié recruté pour le remplacement du salarié malade l’est en contrat à durée déterminée, le caractère définitif ne pourra être constitué. De même, le salarié recruté pour le remplacement définitif doit l’être pour une durée mensuelle ou hebdomadaire de travail au moins égale à celle du salarié absent licencié.

L’employeur doit donc pouvoir prouver qu’il a recruté un salarié en CDI dans l’unique but de remplacer définitivement son salarié régulièrement absent et/ou absent depuis une longue période et que le remplacement de ce salarié a été rendu indispensable pour résorber la désorganisation du service qui en découlait. Autant dire que les motifs du licenciement sont appréciés au cas par cas par le juge, qui prend en considération la durée et la fréquence des absences, les responsabilités du salarié et le préjudice causé à la structure. La prudence est de rigueur dans ce type de licenciement et il importe de toujours instaurer un dialogue précédemment avec le salarié afin de l’inciter à la reprise au travail, de déterminer avec lui ses possibilités de reprise ou de tenter de comprendre avant si les raisons de son absence ne sont pas intrinsèquement dépendantes du mode d’organisation de la structure. Il va en effet de soi que si au cours d’une procédure en justice, il ressort par exemple que les arrêts du salarié sont la conséquence directe d’un mode de management caractérisant un harcèlement moral, le retour de bâton sera rude.

Sébastien Charrière

sebastien.charriere@laposte.net