Trois arrêts rendus par la chambre sociale de la Cour de cassation permettent d’illustrer la complexité du droit social et la nécessité absolue d’un accompagnement du particulier dans sa fonction d’employeur.

Dans un premier arrêt rendu fin 2011 (Cass. Soc. 28 septembre 2011, n°09-70329), une salariée refuse la modification de ses horaires chez un particulier employeur en avançant que le nouvel horaire n’était pas compatible avec son travail chez un autre employeur. Le changement souhaité par son premier employeur entrainait un chevauchement entre les deux interventions que la salariée ne pouvait donc pas assumer. Toute la question dans cette affaire était de savoir si le premier employeur pouvait imposer le changement en dépit de l’existence d’un second employeur à une salariée à temps partiel dont le refus aurait été dès lors fautif. En l’espèce, estimant que le refus est fautif, le particulier employeur décide de rompre le contrat de travail suite à une procédure de licenciement.

Suite à la saisine du conseil des prud’hommes par la salariée, les juges du fond confirment la sanction. En effet, les premiers juges ont estimés que la position du particulier employeur était légitime et que le refus du salarié était bien fautif. Suite au pourvoi formé par la salariée, la Cour de cassation est venue rappeler un principe classique en la matière en censurant la décision rendue en appel. La chambre sociale rappelle, en effet, que lorsqu’un un salarié à temps partiel cumul deux emplois chez des employeurs différents, aucun des deux employeurs ne peut imposer des horaires qui auraient pour conséquences de les rendre incompatibles avec ceux de l’autre employeur.

Cette solution est somme toute logique et parfaitement compatible avec le texte de l’article L. 3123-24 du Code du travail qui dispose précisément et expressément que « lorsque l’employeur demande au salarié de changer la répartition de sa durée du travail dans un des cas et selon les modalités préalablement définis dans le contrat de travail, le refus du salarié d’accepter ce changement ne constitue pas une faute ou un motif de licenciement dès lors que ce changement n’est pas compatible (…) avec une période d’activité fixée chez un autre employeur ou avec une activité professionnelle non salariée ». Mais encore faut-il le savoir…

Dans un second arrêt rendu début 2012 (Cass. Soc. 7 mars 2012, n°10-12727), un particulier employeur sous tutelle est hébergé la journée chez une des ses filles avec qui il est lié par contrat de travail et passe la nuit chez une autre de ses filles. Suite à la recommandation du médecin, l’association tutélaire informe la fille salariée qu’il était recommandé pour l’état de santé de son parent particulier employeur de vivre dans un seul et même lieu, en l’occurrence, chez sa sœur qui s’était proposée de l’héberger.

Une fois le parent employeur parti vivre définitivement chez sa sœur, la fille salariée décide de prendre acte de la rupture de son contrat de travail et saisit la juridiction prud’homale d’une demande de requalification de la rupture en licenciement (et donc aux torts de son parent employeur), de dommages-intérêts et de rappel de salaire. Elle estime en effet, d’une part, que son employeur est responsable de la rupture, notamment, en prenant la décision de modifier son lieu de travail unilatéralement et, d’autre part, qu’elle était rémunérée pour 18h de travail par semaine alors qu’elle estime réaliser des heures de présence responsable (=2/3 heures effectives, rémunération prévue par la Convention collective du particulier employeur pour de la présence auprès du bénéficiaire) en sus de ces 18h pour lesquelles elle n’a jamais été rémunérée.

Dans un premier temps, les juges du fond ont estimé que la rupture devait s’analyser en démission et ont rejeté l’ensemble des demandes de la fille salariée. La chambre sociale de la Cour de cassation quant à elle a reconnu que le contrat de travail prévoyait 18 heures de travail effectif par semaine correspondant à l’aide accordée par le Conseil Général et que les périodes au-delà pendant lesquelles le parent restait à sa charge ne pouvait s’analyser en heures de présence responsable. Toutefois, elle censure l’arrêt rendu par la Cour d’appel en ce qu’elle décide d’analyser la prise d’acte en une démission. Pour les juges du quai de l’Horloge, c’est à l’employeur de fournir le travail convenu, le déménagement du parent employeur « avait mis la salariée dans l’impossibilité d’exécuter la prestation de travail convenue », la rupture devant donc s’analyser comme étant un licenciement abusif (entrainant en cela le versement des indemnités afférentes et les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse).

Dans un troisième arrêt rendu en octobre 2012 (Cass. Soc. 17 octobre 2012, n°10-14248), un jardinier est recruté à temps partiel par un particulier employeur qui le paye par le biais de CESU (chèque emploi service universel).

Cet arrêt est intéressant à deux points de vue. Tout d’abord, le jardinier saisit les magistrats d’une demande de rappel de salaire pour des heures qu’il a effectué en plus que celles prévues à son contrat de travail. Le particulier employeur pour s’en défendre explique que pour les heures complémentaires, le contrat de travail prévoyait « expressément que toute heure complémentaire devra être demandée par écrit trois jours à l’avance contre remise d’un récépissé » et qu’il incombait donc au jardinier « d’en établir à la fois la réalité et le nombre ainsi que les demandes en ce sens émanant de l’employeur ». La Cour de cassation relève que la cour d’appel a constaté que « le temps nécessaire à l’exécution des travaux dont le salarié était chargé excédait la durée prévue au contrat, que cette situation était connue de l’employeur et que celui-ci ne produisait pas d’éléments de nature à justifier les horaires de travail réellement effectués ». Ainsi, le temps nécessaire à l’exécution des travaux par le jardinier excédait la durée prévue à son contrat, il était donc en droit de demander un rappel de salaire.

Cet arrêt est aussi intéressant en ce qu’il rappelle que les particuliers employeurs ne sont pas exemptés des règles de suivi médical du salarié même si celui-ci est à temps partiel. Le particulier employeur estimait que les employés de maison n’étaient pas soumis aux obligations relatives à la visite d’embauche. La Cour de cassation rappelle que « l’employeur étant tenu d’une obligation de sécurité de résultat dont il doit assurer l’effectivité, la cour d’appel qui a retenu à bon droit que l’absence de visite médicale d’embauche causait nécessairement au salarié un préjudice ».

Sébastien Charrière