Pour la FEDESAP, le CICE n’est que le dernier avatar d’une réelle distorsion de concurrence qui s’exerce, non forcément au détriment de ceux qui crient le plus fort côté économie sociale, mais bien à l’encontre des entreprises privées oeuvrant dans les métiers des services à la personne (SAP) …La liste est longue, en effet, des règles législatives et réglementaires qui ne sont pas respectées dans notre Etat de droit sans que cela émeuve qui que ce soit.

Voilà quelques années déjà que la loi sur le « para commercialisme » et la règle des «4 P» (comme Public, Produit, Prix et Publicité) ont précisé comment doivent fonctionner les associations, en principe « à but non lucratif » au regard de la loi de juillet 1901, lorsqu’elles oeuvrent en secteur concurrentiel avec des entreprises privées classiques… Chacun sait parfaitement ce qu’il en est
sur le terrain !

C’est au point que les pouvoirs publics ont cru devoir rappeler ces règles du jeu dans une « Note technique » en date du 1er décembre 2008 signée par six administrations (dont l’ANSP – Agence Nationale des Services à la Personne – la DGCCRF – Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes – la DGAS – Direction Générale de l’Action Sociale -), note restée lettre morte…

S’agissant de la fiscalité, la FEDESAP regrette que seule l’économie sociale doive payer de la taxe sur les salaires, pénalisante lorsque l’on veut promouvoir l’emploi. Pour autant, elle regrette encore plus que les entreprises payent toutes sortes de taxes telles la TVA, la Taxe d’Apprentissage, la Contribution Economique Territoriale (ex-taxe professionnelle composée de la CFE – Contribution Foncière des Entreprises – et de la CVAE – Contribution sur la Valeur Ajoutée des Entreprises -), l’Impôt sur les Sociétés, la Taxe Véhicule Société, la Taxe Versement Transport, …

S’agissant de la TVA, elle est passée de 5,5% à 7% en 2011, sera à 10% au 1er janvier 2014 et peut-être entre-temps à 19,6% pour plusieurs des métiers de SAP, si Bruxelles maintient sa vision…

Pour la troisième année consécutive, la FEDESAP vient de synthétiser son étude sur les pratiques des financeurs publics en 2012 dont les éléments tant quantitatifs que qualitatifs sont pour le moins significatifs quant aux écarts observés dans le traitement réservé par les Conseils Généraux à l’économie sociale versus entreprises privées dans la distribution de l’APA (Allocation Personnalisée
d’Autonomie) comme de la PCH (Prestation de Compensation du Handicap), assortis de « verbatim » très éclairants…

La mise à l’écart des entreprises procède aussi des CAF (Caisse d’Allocations Familiales) s’agissant de la prise en charge des allocataires notamment pour l’aide-ménagère ou encore de la CNAM-TS (Caisse Nationale d’Assurance Maladie des Travailleurs salariés) qui permet pour l’accompagnement des patients le recours aux ambulances, aux VSL et aux … taxis, sans mentionner les acteurs des SAP qui oeuvrent au quotidien auprès du même public et qui est formé pour ce faire. Même problématique au niveau des conventionnements auprès des CARSAT (Caisse d’Assurance Retraite et de Santé au Travail), des CPAM (Caisse Primaire d’Assurance Maladie), des Mutuelles…

Le dernier Conseil d’Administration de la CNSA (Conseil National de la Solidarité et de l’Autonomie) comportait à son ordre du jour un point d’étape sur la distribution par les ARS (Agences Régionales de Santé) du premier fonds de restructuration du financement de l’Aide à domicile. Sur 576 structures aidées à hauteur de 48,8 millions €, les entreprises pèsent 3,2% des structures aidées et représentent 29% de l’offre !

Autre aspect plus récent, les contrats d’avenir pour promouvoir l’emploi des jeunes sont fléchés économie sociale avec une aide de 75% par l’Etat. Les entreprises n’y sont éligibles que par exception, en fonction du secteur d’activité comme les services à la personne. Encore faut-il qu’elles fassent preuve d’innovation ce qui est très aisé sur les 21 métiers prévus par la loi de 2005 traitant des SAP… A ce moment-là seulement, elles peuvent être aidées à hauteur de 35% par l’Etat. Quand on sait que les associations comme les entreprises ont une masse salariale qui représente 85 à 90% de leurs charges, on voit aujourd’hui des associations proposer des heures de ménage à 13 € l’heure, là où tous étaient auparavant entre 18 à 20 € en moyenne nationale !

Pour mémoire, la DARES vient de publier une étude précisant que les contrats aidés sont consolidés à 70% par les entreprises (singulièrement les TPE-PME que représente la FEDESAP, affiliée à le CGPME) et à 30% par les associations… Pourtant, la FEDESAP souhaite également contribuer à développer croissance et emploi, deux objectifs majeurs du gouvernement, semble-t-il.

S’agissant du CICE, si les hausses de rémunérations et de taux de cotisation sont communes aux entreprises et associations et ne peuvent donc être sujettes à contreparties différenciées, cette mesure s’inscrit en compensation de l’augmentation de l’imposition des entreprises en terme de TVA applicables aux seules entreprises (Cf. supra), de taux de CFE (assiette et planchers modifiés), qui impliquent une hausse sensible pour les TPE-PME, et des droits de mutation intervenant sur nos structures. En outre, il ne peut y avoir, de fait, de distorsion de concurrence puisque le CICE n’est censé couvrir que la distorsion qui s’est creusée entre nos structures du fait du surcroît de fiscalisation des entreprises. Il y a donc juste rattrapage sur ce point, sachant que la mesure n’est programmée que pour deux années. Dès la troisième, si rien n’est fait, la
distorsion sera de nouveau aggravée !

Le CICE est donc pour les TPE-PME une opportunité de retrouver un peu de rentabilité, en particulier vis-à-vis des associations qui n’ont pas eu à subir les prélèvements supplémentaires effectués sur les entreprises mettant en péril leur compétitivité (CF. le «rapport Gallois»).

Pourtant, un amendement gouvernemental a été déposé afin que les associations puissent bénéficier d’une réduction de la taxe sur les salaires à due concurrence du CICE (6%), au prétexte qu’elles n’y ont pas droit puisque non assujetties à l’impôt ! C’est dire que dans les SAP en particulier, nous allons encore creuser l’écart entre les deux statuts juridiques, sans même parler des divers modes d’exercice de la profession.

La position de l’UNA est d’autant plus surprenante, dans ce contexte, qu’elle intervient sur le secteur des SAP – où, comme l’ADMR, elle se diversifie au-delà de l’Aide à domicile, comme «d’excellents franchiseurs français en matière de SAP et de maintien à domicile». En effet, les associations sont utiles sur certains territoires, mais en concurrence frontale et avec les mêmes processus que les entreprises sur d’autres.

Si les pouvoirs publics (ANSP, Services fiscaux, DGCCRF, …) et financeurs publics (CNSA, Conseils Généraux, …) voulaient bien se pencher sur ces modes de fonctionnement (publicité sur les véhicules, dans la presse locale, sur les vitrines, créations de SAS pour distribuer des produits dérivés (logiciels, téléassistance, plateformes de services), créations de SARL pour traiter des activités distinctes (portage de repas – activités de jardinage), rémunérations pratiquées pour les directeurs (Convention Collective attrayante et avantages divers peu contrôlés), utilisation d’une enseigne commune, offre de services payants aux associations affiliées sur un territoire (paie, tenue de comptabilité, gestion administrative, services communs)… et la destination finale des fonds attribués (encore 50 millions € alloués dans la loi de finances 2013 pour consolider les premiers 50 millions € de restructuration évoqués supra), alors une réflexion pourrait être conduite pour mettre un
« coup de frein » aux pratiques et aux distorsions instaurées entre entreprises et associations, conformément à la loi, dès lors qu’elles utilisent les mêmes méthodes de fonctionnement commercial, marketing et organisationnels.

Les TPE-PME commencent à se lasser de devoir déposer leur bilan du fait de l’alourdissement de leurs charges pour financer des cadeaux fiscaux alloués aux directeurs des associations dont ils seraient heureux de pouvoir
partager le niveau de rémunération et/ou certains trains de vie !

En effet, les dépôts de bilans se produisent également désormais au sein de l’économie sociale en dépit d’un régime économique, social et fiscal plus souple et la possibilité de subventions d’équilibre que peuvent comparer les entreprises qui sont saisies de demandes de reprise et de continuité de services avec production de comptes qui les laissent parfois rêveuses…

C’est, in fine, un formidable gâchis car l’ensemble des acteurs (économie sociale, services publics et entreprises privées) ne répondent pas à la demande, laquelle continuera d’exploser du fait au moins de deux tendances lourdes de notre démographie : le meilleur taux de fécondité communautaire et l’allongement de la durée de la vie, somme toute, deux excellentes nouvelles pour le Pays.

Et quand toutes les entreprises auront disparu sous la pression des taxes et impôts, qu’il n’y aura plus d’économique pour financer le social, alors on aura relancé l’emploi … dissimulé, premier employeur du secteur !

On ne peut qu’inviter l’ensemble de l’économie sociale qui se situe sur le marché concurrentiel des services à la personne à se fiscaliser comme les entreprises pour soutenir l’effort collectif des structures économiques que demande la nation et bénéficier ainsi du CICE.

Une réflexion non en termes de concurrence mais de complémentarité et d’harmonisation s’impose : la crise économique et sociale interdit plus que jamais le «pilotage à vue» et les professionnels ont besoin de lisibilité et de stabilité de leur cadre réglementaire et fiscal. Un «contrat de mandature » passé à l’occasion d’une négociation avec les pouvoirs publics, à l’heure où nombre d’employeurs dans les TPE-PME comme dans les associations connaissent de graves difficultés pour maintenir le cap est URGENT et NECESSAIRE.

Le succès des services à la personne concerne de nombreux organismes, mais le secteur ne pourra se moderniser, avec un service de qualité à prix modéré, que si institutions et organismes travaillent de concert.

Dans le contexte économique actuel marqué par un climat des affaires en berne et une croissance en recul, les TPE/PME sont une source indéniable de valeur ajoutée, tant en termes d’emploi, de formation et de cohésion sociale que de compétitivité et d’innovation. Elles participent à la vitalité de nos territoires où en tant qu’acteurs économiques majeurs, elles entendent apporter leur contribution pour répondre à nos enjeux sociétaux.