Auteur : Philippe PATRY

L’ANSP vient de lancer un nouveau chantier  alors que son existence est en question : « la Charte Qualité – Services à la Personne 2013 »

Il semble que ce dont notre secteur a besoin est plus d’un référentiel dans un cadre réglementaire homogène et stable que d’une charte.

Ensuite, notre secteur a besoin d’entrer dans la pratique qualiticienne de la reproductibilité et de l’amélioration continue. Dans un contexte de travail très humanisé, c’est un véritable défi en soi.

L’ANSP a une position constante sur l’organisation du secteur. Elle a commencé en divisant l’activité entre « producteurs de services » et « plateformes » commercialisant les offres et supervisant la qualité des services. Cette vision a fait long feu, comme les plateformes d’ailleurs.

Aujourd’hui, la même ANSP revient à la charge en imaginant une organisation du secteur qui lui convienne. Il n’y aurait plus que de « gros » acteurs, ce qui fait espérer à l’ANSP que la qualité  pourra s’améliorer.

Notons donc que l’ANSP a toujours pensé que l’amélioration de la qualité des prestations passait par la consolidation des activités dans des groupes d’envergure.

Nous sommes ici dans un raisonnement  industriel, alors qu’il s’agit de service et d’humains. Pour autant, l’ANSP ne précisera pas plus avant sa perspective pour le secteur de façon claire et publique.

Mais au delà de la vision d’une agence nationale, la nécessité d’améliorer la qualité des services à la personne est une obligation de tout instant, à toute époque. Il faudra admettre que les services aux personnes ne pourront améliorer leur qualité que sous un certain nombre de conditions :

  • Offrir des conditions de travail décentes (salaires, temps et amplitude)
  • Avoir des capacités d’encadrement opérationnel suffisantes (contrôle de la qualité, formation, suivi des prestations)
  • Mettre en œuvre des moyens techniques  à prix accessible (télégestion, communications)
  • Former des intervenants et un encadrement aux activités, aux enjeux et aux problématiques dans chacun des métiers du domicile
  • Stabiliser, sécuriser et harmoniser le cadre juridique et administratif des activités, en particulier dans l’aide à domicile ou deux cadres réglementaires se confrontent
  • Arrêter de feindre d’ignorer les différences et divergences de dynamique des métiers du domicile pour mieux servir les problématiques sectorielles (l’autonomie, l’enfance, la scolarité, …)
  • Proposer un système d’assurance qualité sectoriel pertinent (certification, évaluation, …) qui ne soit pas redondant, subrogatoire ou supplétif mais homogène et par secteur

L’économie d’échelle ne se décrète pas, elle se trouve et les acteurs du secteur, petits ou grands vont chercher et trouver leur chemin si tant est qu’on leur en laisse la possibilité. L’innovation peut être au rendez-vous. Il faudra un espace de liberté pour la trouver.

Les ratios du secteur laissent à penser que 30-40% du prix revient aux frais de structure et d’encadrement (le hors coût direct du service).

La taille permettra de faire des économies en « fordisant » certaines activités fonctionnelles mais un certain nombre de coûts ne seront pas nécessairement réduits :

  • La surface des locaux va augmenter avec l’augmentation du personnel d’administration et de gestion (prévoir 12-15 m² par salarié)
  • Le temps productif de l’administration et de la coordination est inversement proportionnel à la taille des effectifs (réunions de synthèse, de coordination, de plans d’actions, …)
  • Pour survivre les grandes organisations vont faire exploser les coûts de marketing : il va falloir vendre du service !
  • La quantité et les coûts des outils de gestion passe par des paliers (ni trop, ni trop peu)

La satisfaction de l’utilisateur du service sera-t-elle au rendez-vous de la course à la taille ? Sachant que satisfaction et standards de qualité sont parfois disjoints, il faudra voir. L’attente est autant humaine que technique, même dans les champs les plus techniques.

Pour autant, il y aurait des raisons de se satisfaire de la concentration du secteur :

  • Augmentation de la standardisation du service
  • Processus d’amélioration continue mis en place
  • Limitation du nombre de contentieux et de leur gravité par une meilleure maitrise de la GRH
  •  Amélioration de l’environnement technique
  • Supervision simplifiée par les autorités

Mais la course à la taille est-elle la seule voie ?

La taille améliore-t-elle la performance de gestion ?

Les prix baisseront-ils pour autant ?

Les bénéficiaires/usagers/clients y trouveront-ils ce qu’ils recherchent ?

L’individualisation de la prise en charge connaît-elle l’économie d’échelle ?

Les intervenants seront-ils plus performants dans les grandes structures ?

Autant de raisons de s’interroger sur des dogmes forgés il y a 1 siècle. De surcroît, cette logique ignore complètement l’approche par les cercles de qualité, la mise en réseau plus ou moins informelle des moyens qui sont bien plus modernes que le fordisme – forme aboutie du productivisme.