Dans une lettre ouverte à la direction de l’action sociale du Conseil général de Paris, la FEDESAP s’interroge sur les modalités de déploiement de la télégestion à Paris.

Rappelons ici que ce dispositif financé dans le cadre d’une convention entre la CNSA et le Conseil général de Paris ne concerne pour le moment que les associations et uniquement 5 entreprises agréées.

La FEDESAP en la personne de son délégué parisien, Frank Nataf, souhaite que certains aspects du dispositifs puissent être clairement présentés et expliqués.

Une première lecture du projet fait en effet craindre de nouvelles charges supportées par les seules entreprises et des problèmes de terrain liés à son application pratique sur le « terrain ».

Vous trouverez ci dessous le courrier de la FEDESAP.

Madame,

J’accuse réception de votre courrier daté du 29 janvier 2013 concernant ma demande de précisions sur le projet de mise en place de la télégestion et de CESU en paiement des aides financières relatives aux personnes âgées, en situation de handicap et précaires sur le département de Paris.

L’objet de ma demande de rendez-vous était d’avoir une information fiable et claire à transmettre à l’ensemble des structures entreprises du territoire. En premier lieu, je ne manque pas de m’étonner que les fédérations d’entreprises de services à la personne n’aient pas été associées, ni même consultées, au sujet du projet sachant que les entreprises de services à la personne implantées sur le territoire parisien représentent 194 entreprises et près de 7000 salariés.

Dans un second temps, le projet CESU-Télégestion tel que nous l’avons perçu nous apparaît générateur de nouvelles contraintes structurelles pour les entreprises de services à la personne parisiennes.

En effet, seules cinq entreprises agréées vont pouvoir être interfacées avec le système d’information de la DASES.

Toutes les autres structures agréées se retrouvent de facto contraintes à se voir régler en CESU préfinancés alors qu’elles fonctionnaient auparavant en tiers-payant avec les services du Département. Les critères ayant permis de sélectionner les cinq structures nous apparaissent toujours opaques. Il serait donc pertinent de pouvoir échanger sur les critères d’éligibilité, notamment sur le volume d’activité que vous estimez « significatif » pour intégrer le dispositif.

Je tiens également, par la présente, à vous alerter sur les impacts d’un tel projet pour les acteurs agréés de votre Département mais aussi pour les citoyens parisiens en situation de fragilité :

1) le paiement en CESU (Chèque Emploi Services Universel) pour des structures implique qu’elles vont se retrouver confrontées à des frais supplémentaires qui, selon EDENRED, prestataire retenu pour l’émission des titres CESU et du système de télétransmission, ne seront pas pris en charge par les services du Département.

Ces frais directs sont de l’ordre de 1,5 à 3% du chiffre d’affaires HT en fonction des volumes et seraient susceptibles de faire passer de nombreuses structures tout juste à l’équilibre financier en situation négative conduisant à des dépôts de bilan très rapides et à des destructions d’emplois massives sur le territoire. Pour rappel, l’étude Xerfi1 de Novembre 2011 faisait ressortir un résultat net moyen des entreprises de services à la personne de l’ordre de 1% du CA.

Dans les tous les Départements dans lesquels le CESU a été appliqué pour la mise en paiement des aides sociales (APA, PCH, ASL) pour les publics âgés, en situation de handicap et précaires, les frais de CESU sont pris en charge par le Département. Je ne peux que me réjouir de la mise en place d’un dispositif visant à une meilleure efficacité et efficience dans l’utilisation des fonds publics du Département visant à éradiquer toute possibilité de fraude.

Ainsi, l’utilisation du CESU génère en moyenne une économie de 15 à 20% de fonds indûment versés pour des interventions non réalisées. Il nous semblerait juste que cette économie vienne annuler ou au moins atténuer l’effort financier supporté par les seules entreprises du Département (trésorerie encore plus tendue, mobilisation de personnels administratifs pour aller récupérer au domicile des bénéficiaires les carnets de CESU), le tout au profit d’une multinationale cotée au CAC 40 et générant des bénéfices colossaux (plus de 200 Millions d’euros de bénéfices pour la seule année 2012, soit 5 fois plus que le bénéfice consolidé de l’ensemble des structures privées d’aide à domicile françaises).

Par ailleurs, le code monétaire et financier interdisant aux entreprises de répercuter sur les bénéficiaires les frais liés à l’utilisation d’un moyen de paiement, les entreprises de services à la personne se verront donc dans l’obligation de réduire une marge déjà faible ou d’impacter du reste à charge supplémentaire à des clients / usagers qui ont choisi de travailler avec une structure privée.

Dans une situation économique tendue pour l’ensemble de la population, il nous semble peu responsable de demander un effort supplémentaire aux Parisiens en situation de grande fragilité surtout quand l’enjeu majeur du financement de la perte d’autonomie repose sur la diminution du reste à charge2.

2) La convention signée en 2012 entre la CNSA et le Département de Paris souligne que l’objectif d’un tel projet est « de s’assurer de la bonne exécution d’un plan d’aide ou de compensation», « de contribuer à la qualité des prestations offertes (ponctualité, régularité, effectivité) » et d’ « améliorer la qualité de la procédure et la rapidité des paiements ».

Nous ne pouvons que souscrire à de tels objectifs que nos entreprises s’efforcent de mettre en oeuvre au quotidien en investissant massivement dans la Qualité de services rendus aux bénéficiaires parisiens notamment par via la certification de service et les démarches de labellisation (Qualisap, Qualicert, NF Services, Cap Handéo).

C’est pourquoi les entreprises de services à la personne agréées s’interrogent à trois titres :

1. Comment une personne en situation de handicap mental ou une personne âgée atteinte d’un d’Alzheimer va-t-elle pouvoir gérer des CESU ?

2. Comment nous demander d’augmenter la qualité de nos interventions en nous demandant en parallèle de mobiliser nos personnels administratifs (en charge d’opérer les remplacements d’urgence, la gestion complexe des plannings et le suivi et le soutien de nos salariés intervenants) à des tâches subalternes comme récupérer des règlements pour ne pas subir des délais de paiement supplémentaires ?

3. Sachant que nos services coûtent moins chers au Département que les structures autorisées, vous semble-t-il équitable et solidaire que les seules entreprises soient contraintes de supporter des coûts supplémentaires sans aucune prise en charge contrairement aux quelques acteurs sélectionnés par vos soins ?

Dans l’attente de votre réponse rapide à mes demandes, je vous prie de bien vouloir agréer,  Madame, l’expression de mes salutations distinguées.

Frank NATAF

Délégué FEDESAP Paris