Les technologies de l’information au service du « vivre ensemble à travers nos âges »

Jean-Michel Caudron, consultant en ingénierie gérontologique, jean-michel.caudron@orange.fr (intervention lors de la Conférence internationale sur le bien-être moderne pour la société et les territoire, du 25 au 27 mars 2013, à Guéret [Creuse], organisée par l’Université de Limoges et le Pôle domotique santé de la Communauté de communes Guéret St Vaury)

Pourquoi parler du « vivre ensemble à travers nos âges » plutôt que de relations intergénérationnelles ? Qu’évoquent les cafés des âges sur les techniques d’information ? Celles-ci permettent-elles le « vivre ensemble à travers nos âges » ?

Outils de débat démocratique, forts de plus de 12000 expériences en France, plus de 100 au Québec, plus de 20 en Belgique, plus 10 au Luxembourg, les cafés des âges (créés en 2005 par l’association « Vieillir, c’est vivre ! », que préside Paulette Guinchard, ancienne secrétaire d’Etat chargée des personnes âgées du Gouvernement Jospin, sur la base du concept de « café géronto » que j’avais développé en Belgique) ont mis en valeur la nécessité de passer de la notion « relations intergénérationnelles » à celle de « vivre ensemble à travers ensemble », pour éviter de stigmatiser les générations les unes contre les autres et de risquer la guerre entre les générations.

De même, les cafés des âges ont démontré qu’il serait plus judicieux de parler de génération-pivot au lieu de génération-sandwich pour dénommer la génération de ceux qui aident leurs parents qui ont besoin d’une aide à l’autonomie, tout en aidant leurs enfants et leurs petits-enfants, afin de ne pas renforcer la charge psychique sur leurs épaules et de valoriser, plutôt, leur rôle d’interface entre plusieurs générations.

Ou encore ces cafés des âges ont mis en évidence la nécessité d’écouter la parole des plus fragiles parmi ceux qui avancent en âge et qui ont besoin d’une aide à l’autonomie, par l’intermédiaire de conférences locales, départementales et nationales des conseils de vie sociale ou assimilés, leur permettant ainsi d’exprimer directement auprès des décideurs politiques leurs revendications, comme leurs… satisfactions quant aux services qui leur sont rendus…, et de participer, ainsi, aux orientations politiques qui les concernent… ou pas…

Les cafés des âges, vecteur d’éducation populaire, seraient donc un outil au service du « vivre ensemble à travers nos âges »…

Et, forcément, ils ont pu permettre le débat autour de l’utilisation des techniques d’information et de communication dans les relations entre les générations…

Quelques expériences qu’ils ont pu révéler :

– dans les relations intrafamiliales :

– patience des petits-enfants (à la différence de leurs parents) pour expliquer à leurs grands-parents comment utiliser l’ordinateur reçu comme cadeau « empoisonné » à Noël,

– gestion partagée de l’agenda informatique entre la personne âgée qui a besoin d’aide à l’autonomie vivant à domicile et son enfant,

– dans les relations interfamiliales :

– adolescents du quartier formateurs de résidents de maison de retraite (EHPAD Les Romarins, Clapiers, Hérault) afin qu’ils puissent utiliser internet pour communiquer avec le reste de leur famille,

– contrat solidaire qui permet à des adolescents une prise en charge des frais de leurs projets en échange de conseils auprès de retraités de clubs de retraités (schéma « Bien vieillir en Seine-Maritime » 2007-2013, du Département de Seine-Maritime).

Mais ces cafés des âges ont surtout appuyé l’obligation d’impliquer les plus âgés dans les choix des décisions politiques qui les concernent.

En effet, que serait-ce un investissement massif dans l’économie des techniques d’information et de communication en direction des plus âgés de nos concitoyens si ces techniques restreignent leur liberté d’aller et venir et perturbent leur intimité sous prétexte de les protéger… ? Que deviendrait la nécessité à chacun de s’autodéterminer si je prends le droit, sans protection de son intégrité, de surveiller les faits et gestes de ma belle-mère, sous prétexte de la protéger d’elle-même et de son début de désorientation, en lui posant un bracelet électronique, en mettant des capteurs sous son matelas et en installant des caméras dans toutes (j’ai dit bien dit « toutes ») les pièces de la maison pour la surveiller en webcam depuis mon ordinateur au bureau ?