Auteur : Laurent GIROUX

Les journaux régional, Ouest France, et local, Le Maine Libre, font part, le Mercredi 30 Mai, d’une affaire concernant les services à la personne, et plus particulièrement de la société O2. En effet, Mardi 28 mai 2013, la société O2, dont Guillaume RICHARD est le PDG, a comparu devant la Cour d’appel d’Angers : sur plusieurs centaines de salariés concernés, quasi exclusivement des femmes, une vingtaine se porte partie civile et réclame le paiement des heures complémentaires à la société O2 (qui emploie près de 8.000 salariés). Le Tribunal de police du Mans l’ayant condamné le 7 Juin 2012 pour 267 infractions, selon Ouest-France, la société O2 a choisi d’interjeter appel.

Des salariées expliquent, devant la Cour, qu’elles auraient des contrats sur de tout petits temps partiels, en général 8 heures par mois payés au SMIC. Mais ces salariées feraient en fait plus d’heures que ce que prévoirait leur contrat, parfois près d’une centaine semble-t-il.

L’Inspection du travail aurait d’ailleurs pu le constater lors de cinq contrôles en 2009 et 2010, à la fois au siège, se situant au Mans, mais aussi à Nice, Chambéry, Quimper et Valence.

Selon l’un des avocats des plaignantes, le paiement d’heures complémentaires, soit une majoration de 25 %, est obligatoire au-delà d’un dépassement horaire de 10 %. Dans le cas d’un contrat de 10 heures, il y a donc une majoration à partir de la 12ème heure.

Mais Guillaume RICHARD n’est pas d’accord avec cette analyse. Selon lui, ce ne sont pas des heures « complémentaires » mais des heures « choisies ». Il fait ainsi mention, avec son avocat, du concept du contrat librement choisi par les salariés. Ce n’est pas la société O2 qui imposerait mais la salariée qui déciderait le nombre d’heures qu’elle souhaite faire en plus. Sur le contrat des salariés, selon Le Maine Libre, il serait stipulé que « la durée du travail mensuelle est exclusivement et uniquement déterminée par le salarié ».

Guillaume RICHARD précise à lamaisondelautonomie.com que dans les entreprises de services à la personne, il n’y a pas d’accord de branche qui permette de dépasser 10% d’heures complémentaires. Seul un accord de branche permet, en effet, de dépasser ces 10% et aller jusqu’à 33% d’heures complémentaires, ajoute-t-il. Si un dépassement est autorisé, la majoration minimale est alors de 25% pour les heures complémentaires au delà de 10%. Selon toujours Guillaume RICHARD « Quand il n’y pas d’accord de branche, tout dépassement des 10% ne donne pas lieu à une majoration automatique mais à une indemnisation du préjudice subi (cf. Cour de cassation 98-45610 du 27 février 2001) ».

Selon les deux journaux, une salariée aurait répliqué que, bien que son contrat indique 10 heures, elle en ferait en fait plus de 100. Une autre, enfin, ajoute que bien qu’on parle d’horaire choisi, si elle refusait des heures, elle n’avait plus de travail durant deux mois.

L’inspection du travail, par la voix de son directeur, Daniel RULOT, estime que les contrats sont extrêmement bas et, donc, que le dépassement de la durée du travail indiquée sur le contrat serait quasi-systématique. Il ajoute que le contrat type de la société O2 aurait, depuis le début, fait débat. En outre, toujours selon le directeur de l’Inspection du travail, le fait d’avoir des contrats de travail avec un faible nombre d’heures impliquerait de fait qu’il serait difficile aux salariées de refuser des heures, si elles voulaient un revenu décent. Cela est d’ailleurs repris par Maitre Marie ELIAS, l’un des avocats des plaignantes, suite aux arguments de Guillaume RICHARD.

L’avocat général a ajouté qu’au-delà du discours il y a la dure réalité. Sur un site en 2008, il y a eu 50 embauches mais aussi 49 ruptures…Guillaume RICHARD précise à nouveau à  lamaisondelautonomie.com que le cas cité par l’avocat général concerne une agence de garde d’enfants avec des étudiants qui ne restent chez O2 qu’une année scolaire.

 Le représentant du Parquet conclu pour sa part :

–       en reprochant une absence de prise en compte des règles du droit du travail de la part de la société O2,

–       en demandant la confirmation des règles et des peines prononcées par le tribunal de police du Mans,

–       en suggérant une forte majoration des amendes.

Guillaume RICHARD se dit inquiet. Si demain, la société O2 est condamnée, il ignore s’il aura les moyens de payer les amendes, voire se pose des questions sur la pérennisation de la société. En effet, « si toutes les heures choisies devaient être majorées, cela entraînerait immédiatement la liquidation du groupe O2 et donc le licenciement de 8.000 personnes ». Au delà de cette seule entreprise, 40 000 salariés environ sont employés sous ce type de contrat de travail. Guillaume RICHARD ajoute que si la société O2 était condamnée, elles disparaîtraient également, entraînant la suppression de tous ces emplois.

La Cour d’appel a mis son jugement en délibéré au 30 Juillet 2013.

Cependant, si nous voulons véritablement faire preuve de neutralité, on peut s’interroger sur ce procès et le rôle de la DIRECCTE. Car, comme pour toute demande d’agrément, tout service à domicile se doit de fournir une copie de contrat de travail aux services de la DIRECCTE. Or, celui-ci n’a jamais, semble t il, posé problème : pour preuve les agréments dans les 142 agences du groupe O2. Le directeur de l’Inspection du travail dit avoir émis des réserves mais il ne parle pas de refus de valider par ses services. Ce qui veut dire qu’actuellement on fait le procès d’un contrat de travail a priori validé par l’Inspection du travail elle-même…

On peut aussi s’interroger sur la pertinence du moment d’un tel procès, alors que Guillaume RICHARD, au nom de la FESP, négocie avec les partenaires sociaux la nouvelle convention collective. Certains syndicats y verraient là un avantage…Ainsi, nous rappelons que le 24 septembre 2012, dans un communiqué, « la CGT a réaffirmé son opposition au secteur lucratif pour tout ce qui est relatif à l’aide à domicile ou à la petite enfance et a réclamé une rencontre avec les pouvoirs publics pour discuter de cette question aujourd’hui centrale pour l’avenir de ce secteur ».  Ce procès n’arrive-t-il pas à point nommé ? Les syndicats considèrent en effet que les entreprises dites commerciales sont indignes de s’occuper des personnes dites fragiles. Doit-on rappeler les scandales qui ont frappés le secteur associatif, notamment en Bretagne ?

Sources : articles du Mercredi 29 Mai des journaux Ouest-France et du Maine Libre et échanges avec Guillaume RICHARD, PDG du groupe O2.